Intervention de Philippe Gosselin

Réunion du mercredi 30 octobre 2019 à 10h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gosselin :

Madame la présidente, je vous remercie d'avoir été disruptive et de nous avoir permis de nous saisir de cet article. Il y va de l'intérêt collectif ! Lorsque l'on touche aux libertés publiques et individuelles, même dans le cadre du projet de loi de finances – ce qui est d'ailleurs inhabituel –, il est important que la commission des Lois se prononce.

Je remercie également notre rapporteur, Philippe Latombe, qui a mis le doigt sur certaines difficultés. Soyons clairs : il ne s'agit pas de remettre en cause la nécessité de lutter contre l'insécurité fiscale. C'est une ardente obligation et un principe fondamental – constitutionnel – de notre droit : nul ne doit se soustraire à ses obligations fiscales et à sa participation aux charges publiques.

Mais la fin ne justifie pas toujours les moyens – le débat existe aussi en matière de sécurité. En l'espèce, le malaise est patent… J'apprécie donc que le Gouvernement évolue. Cela souligne que notre action est nécessaire et utile. Bien sûr, il s'agit d'une expérimentation, mais certaines perdurent longtemps, par facilité politique ou intellectuelle – je ne vise pas ce Gouvernement en particulier.

La lutte contre la fraude fiscale doit être conciliée avec le respect de la vie privée et de nos grandes libertés – d'expression, de conscience, d'aller et de venir. Même si ce qui est visible sur les réseaux sociaux a pu y être mis volontairement et personnellement, il ne s'agit pas d'éléments du domaine public exploitables par tous.

Dans son avis du 12 septembre, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) met le doigt là où cela fait mal : l'article 57 fait fondamentalement évoluer les méthodes de travail de l'administration, et renverse, d'une certaine façon, la charge de la preuve. Avant même qu'une infraction soit identifiée, l'administration sera autorisée à accumuler des éléments concernant un particulier ou une entreprise qui pourront ultérieurement servir dans le cadre d'échanges avec le fisc. C'est un peu fort de café ! Cela fait d'emblée peser la suspicion sur tous nos concitoyens. En outre, avec le développement des algorithmes auto-apprenants et l'intrusion de l'intelligence artificielle, on pourrait arriver à une forme de « flicage » de la société au nom d'une belle cause – le recouvrement de l'impôt et la lutte contre la fraude fiscale. Il nous faut garder en tête les principes de proportionnalité et de finalité, principes généraux de notre droit, comme le demande la CNIL.

Je suis prêt à travailler en bonne intelligence. Il me semblait qu'en l'état, l'article 57 devait être supprimé – j'ai un amendement en ce sens. J'ai entendu le rapporteur pour avis et l'opposition tient, sur l'impôt comme sur d'autres sujets, un discours de responsabilité. Nous sommes attentifs aux mains tendues et mettrons nos pas dans ceux du rapporteur pour avis. Mais si aucune évolution n'est entérinée en commission ou en séance, nous combattrons très violemment cet article au nom d'une certaine conception des libertés individuelles et collectives.

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