Mes chers collègues, nous allons continuer les auditions qui nous réunissent dans le cadre d'une mission d'information sur l'incendie de Lubrizol, à Rouen. Nous auditionnons ce matin Mme Magali Smets, directrice générale de France Chimie, accompagnée de son équipe.
Je vais commencer par vous poser un certain nombre de questions pour introduire cette audition, suivies des questions de notre rapporteur, Damien Adam et des collègues ici présents. Vous aurez l'occasion de détailler l'ensemble des réponses que vous souhaitez apporter. Nous n'hésiterons pas, en fonction des réponses, à rebondir.
Je voudrais d'abord, de votre part, connaître le poids de l'industrie chimique, en France, d'un point de vue économique et du point de vue des emplois. Je voudrais savoir également si Lubrizol est membre de votre fédération et plus globalement quel type de groupes et entreprises vous fédérez aujourd'hui et quelles sont les missions qui sont les vôtres. On dit souvent, en tout cas nous l'avons entendu, que nous aurions, en France, une réglementation parmi les plus contraignantes au monde. Pouvez-vous confirmer ou infirmer cette assertion ? Quel regard portez-vous sur la loi Bachelot de 2003 qui a fait suite à la fois au rapport parlementaire de Jean-Yves Le Déaut, d'une commission d'enquête qui avait été décidée suite à l'accident AZF, et plus largement, quel regard portez-vous sur des directives européennes, comme les directives Registration, Evaluation, Authorization and restriction of CHemicals (REACh) qui se sont succédé ou les directives Seveso ? Considérez-vous que nous sommes à chaque fois dans une forme de retour d'expérience qui apporte non pas des contraintes, mais des normes et des réglementations nouvelles pour tirer toutes les conséquences d'évènements ou d'accidents industriels qui ont pu se faire ?
Amaris, que vous connaissez, qui rassemble des collectivités qui sont voisines ou proches de sites industriels ou de sites chimiques notamment, mais pas seulement, considère qu'il y a une mauvaise gestion des risques. C'est ce que l'association dit, elle a publié un livre blanc. Êtes-vous d'accord avec ce constat ? Vous avez d'ailleurs annoncé dans un communiqué du 2 octobre de cette année, que vous souhaitiez, suite à l'accident Lubrizol, apporter un certain nombre d'améliorations dans la gestion des risques. Qu'en est-il ? Pourriez-vous nous indiquer les pistes ou les orientations qui sont d'ores et déjà prêtes ou en tout cas qui correspondent aussi à un retour d'expérience que vous avez auprès de vos adhérents ?
Est-ce que vous pourriez par ailleurs nous indiquer si, lorsqu'il y a eu des assouplissements, notamment dans la réglementation, je pense à la loi Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), il s'agissait d'une demande de votre part, parce qu'on évoque souvent le fait que nous ayons une réglementation parmi les plus contraignantes d'Europe ou du monde, mais en même temps, semble-t-il, il y a parfois une demande des industriels pour assouplir. Quelle est finalement la dialectique, en la matière, qui peut être utile ?
On nous a dit à plusieurs reprises que 63 % des accidents industriels étaient plutôt des incendies. Est-ce que vous confirmez ce chiffre ? Comment pourriez-vous expliquer cette occurrence de ce type d'accident ? Plus largement, le bureau d'analyse des risques et des pollutions industrielles, qui dépend du ministère de la transition écologique et solidaire a remis en septembre dernier un rapport dans lequel il est indiqué qu'entre 2016 et 2018, il y a eu 34 % d'augmentation d'accidents dits industriels. Comment expliquez-vous cela ? Est-ce un manque de contrôle, un lâcher-prise de la part des industriels, le fait qu'il y ait eu des assouplissements ? J'aimerais que vous puissiez nous éclairer sur ce point.
Par ailleurs, il a souvent été évoqué devant nous l'« effet cocktail ». Je ne sais pas si en cette matière, au sein de votre fédération, vous avez un groupe de travail sur cette notion. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Et enfin, pour terminer, j'ai suggéré la création d'une sorte d'autorité de sûreté des sites classés en catégorie « Seveso » qui pourrait disposer d'inspecteurs dédiés à ces sites, avec un budget propre, c'est-à-dire une autorité indépendante du gouvernement, avec un pouvoir de sanction, une publicité des décisions qu'elle prendrait, à l'image de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), dont chacun reconnaît aujourd'hui qu'elle apparaît véritablement comme un de « gendarme du nucléaire » crédible. Ne pourrions-nous pas avoir une forme de « gendarme des sites classés en Seveso ». Il y en a 1 362 à travers notre pays. Je crois que cela mériterait sans doute une attention particulière, dans l'idée de rétablir la confiance entre les citoyens qui ont des attentes et notamment celles et ceux qui vivent à proximité des sites, et bien évidemment l'industrie que vous représentez.
Je cède la parole sans plus tarder à notre rapporteur.