Monsieur le Premier ministre, après la journée du refus de la misère, la journée mondiale des pauvres, le 17 novembre dernier, nous a rappelé que derrière les rapports – dont ceux très pertinents de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale – et les chiffres, il y a ce que vivent 9 millions de Français de tous âges, éloignés du modèle de progrès et d'inclusion sociale que promet notre pays.
Pourtant, des administrations centrales aux collectivités locales, notre pays mobilise des moyens considérables pour assurer à chacun une place dans la société et un revenu décent. Les milliers de bénévoles, qui accueillent inlassablement les personnes en situation de grande précarité, le disent : la machine est grippée ! Grippée par des aberrations administratives, des formulaires et des traitements automatisés, et par des effets de seuil brutaux qui empêchent de détecter les fragilités dès le premier accident de parcours et d'enrayer la spirale de pauvreté et d'exclusion qui s'ensuit.
C'est cette mère isolée à qui l'on refuse un logement social plus petit et moins coûteux parce qu'elle a un retard de loyer. C'est cette retraitée qui choisit, chaque mois, si elle va se chauffer, se soigner ou manger à sa faim. C'est cet étudiant qui se retrouve en sortie sèche de l'aide sociale à l'enfance, sans accompagnement ni soutien financier. C'est cette veuve à qui l'on suspend les allocations au logement le temps de recalculer ses droits à la suite du décès de son époux. C'est cet homme qui vit dans sa voiture avec une maladie chronique et qui sombre dans une spirale d'isolement. C'est cet étranger à qui l'on accorde un récépissé tout en lui interdisant de travailler.
Monsieur le Premier ministre, comment comptez-vous orienter l'action du Gouvernement pour réparer la chaîne sociale et administrative, afin qu'elle garantisse à chacun un accompagnement, une considération et un suivi individuel, et lui ouvre ainsi un destin meilleur ?