Si par malchance votre médecin n'est pas disponible, vous n'aurez d'autre choix que d'appeler le 15 qui vous orientera vers les urgences.
Pourquoi nos concitoyens acceptent-ils d'attendre pendant trois, quatre, six heures aux urgences ? Parce que, confrontés à l'angoisse de la douleur, ils souhaitent une réponse rapide et un diagnostic posé par un médecin qui peut, au besoin, avoir recours à l'imagerie médicale, à des analyses biologiques – ou tout simplement à du matériel stérile permettant de procéder à une suture. Les médecins généralistes, alors qu'ils sont capables d'établir un diagnostic ou de pratiquer ces soins, ne peuvent pas satisfaire ce besoin d'une réponse immédiate parce qu'ils ne disposent pas du plateau technique nécessaire, qu'il s'agisse de radiologie, de biologie ou de matériel stérile.
Permettre à la médecine générale de ville de répondre rapidement à ces pathologies en adossant à son activité de garde un plateau technique : tel est l'esprit de cette modeste proposition de loi.
Avec plus de 21 millions de passages chaque année contre 10 millions en 1995, les services d'urgence de nos hôpitaux sont aujourd'hui excessivement sollicités par des patients qui expriment une demande de plus en plus importante de soins non programmés.
Plusieurs facteurs contribuent à expliquer cet état de fait : la raréfaction médicale bien sûr, mais aussi le vieillissement de la population et, surtout, l'exigence d'une réponse immédiate en matière de diagnostic et de prise en charge globale.
Selon les enquêtes de la DREES – direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère des solidarités et de la santé – , près de 60 % des patients se rendent aux urgences non pour une raison d'urgence vitale ou grave, mais parce que les soins y sont accessibles et qu'ils peuvent y réaliser rapidement des examens complémentaires.
Les rapports les plus récents confirment que les services d'urgence assurent un nombre croissant de soins non programmés, ne relevant pas de leur mission. Je n'insisterai pas sur les conséquences de cette évolution, que vous connaissez comme moi : des services d'urgence engorgés, un personnel au bord de l'épuisement et un lourd surcoût.
Quelle réponse la médecine de ville peut-elle apporter à cette situation ? En dépit des solutions intéressantes expérimentées ces dernières années pour renforcer l'offre de soins non programmés de ville – maisons de santé pluriprofessionnelles, maisons médicales de garde, hôpitaux de proximité – , l'offre reste « insuffisante et disparate », pour citer le rapport que notre collègue Thomas Mesnier a consacré au premier accès aux soins. En outre, comme l'observe la Cour des comptes, l'absence de plateaux techniques conduit à s'interroger sur la véritable utilité du dispositif. C'est précisément l'une des raisons pour lesquelles les généralistes peinent à répondre à la demande des patients.
Aussi modeste soit-elle, notre proposition de loi est d'importance pour nos concitoyens. Elle tire son origine des expérimentations qui ont été réalisées et évaluées en région Auvergne-Rhône-Alpes : dans certaines structures, des médecins généralistes reçoivent sans rendez-vous, durant des plages horaires déterminées, des patients dont l'état nécessite des soins immédiats sans urgence vitale. Ils y pratiquent des actes de premier recours grâce à un plateau technique léger, tandis que les patients ont accès à des examens complémentaires – biologiques ou radiologiques – et sont dirigés, si nécessaire, vers un spécialiste ou un hôpital. Ce dispositif efficace permet de soulager les urgences.
Notre proposition de loi préconise que des structures de cette nature, les points d'accueil pour soins immédiats – PASI – , soient labellisées sur la base d'un cahier des charges national défini par arrêté du ministre chargé de la santé. Ce label PASI, qui permettra de les identifier clairement, pourrait être formalisé par une croix orange, en contrepoint de la croix verte des pharmacies et de la croix rouge des urgences. Ainsi les PASI contribueront-ils à mailler le territoire d'une offre de soins non programmée graduée.
Comme vous le savez, la commission des affaires sociales a effectué un travail important sur la base d'un amendement de rédaction globale que j'ai proposé à l'issue des auditions d'acteurs de terrain, menées avec de nombreux députés, mais aussi de réunions avec les cabinets de la ministre chargée de la santé et du Premier ministre. Nous nous sommes accordés sur une rédaction satisfaisante pour tous.
En visant un décloisonnement des acteurs de santé et un exercice plus ouvert, pluriprofessionnel et coordonné, le dispositif que nous vous soumettons poursuit les objectifs tracés par la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, que nous avons adoptée récemment, et qui traduit l'ambition forte du Gouvernement d'introduire de la souplesse dans le système de santé et de privilégier les initiatives de terrain. C'est précisément dans cette optique que s'inscrit la présente proposition de loi.
Le texte adopté par la commission signale expressément que les communautés professionnelles territoriales de santé – CPTS – constituent le point d'origine des PASI, et que leur création et leur fonctionnement devront s'inscrire dans le projet de santé d'une ou plusieurs CPTS ou dans les projets territoriaux de santé, les PTS.
Depuis la signature, en juin dernier, de l'accord conventionnel interprofessionnel en faveur du développement de l'exercice coordonné et du déploiement des CPTS, ces dernières peuvent s'organiser elles-mêmes, volontairement, à l'initiative des professionnels de santé des territoires, pour construire une offre de soins coordonnée. Elles s'associeront progressivement à d'autres acteurs – établissements de santé, hôpitaux de proximité – pour assumer trois missions-socles, au premier rang desquelles l'accès des patients aux soins et, plus particulièrement, l'amélioration de la prise en charge des soins non programmés. Ce sont autant d'avancées éminemment positives.
Je vous proposerai un amendement – que la commission des affaires sociales, réunie en application de l'article 88 du règlement, a accepté hier – visant à inscrire la création et le fonctionnement du PASI soit dans le projet de santé d'une CPTS, soit dans un PTS. Pour ne pas retarder le lancement de ce dispositif pertinent, il me paraît nécessaire que le directeur général de l'agence régionale de santé – ARS – puisse prendre l'initiative de labelliser une telle structure lorsque la CPTS n'est pas encore constituée ou n'a pas encore élaboré son PTS, ou en l'absence de PTS. Ce schéma vise à apporter davantage de souplesse et doit pouvoir être déployé de manière rapide.
Pour finir, je tiens à remercier les députés de tous les groupes pour leur attitude constructive tout au long de l'examen de cette proposition de loi.