Demain, les agriculteurs défileront, à Paris et ailleurs, pour exprimer leur ras-le-bol, leur colère et, souvent, leur désespoir. Ceux que nous rencontrons nous le disent : ils se sentent dénigrés, ont le sentiment de faire face à une concurrence déloyale, notamment dans le cadre des accords de libre-échange, et ne voient pas d'amélioration dans leurs rapports avec les grandes centrales d'achat.
C'est dans ce contexte que nous sommes amenés à réexaminer certains des articles déjà adoptés dans la loi EGALIM, le Conseil constitutionnel ayant censuré près d'un quart de la loi. Cela doit nous conduire à nous interroger sur notre rôle de législateur, puisque le nombre des articles du texte était passé de 20 à 100 au cours de la navette. Autre constat : ces lois fleuves oublient parfois leur objet premier. Celui de la loi EGALIM était de rééquilibrer les relations commerciales dans le secteur agricole. L'ambition initiale était partagée par tous : payer le juste prix aux producteurs et leur permettre de vivre dignement de leur travail.
Un an après, quel est le bilan ? Nous aurons l'occasion d'en reparler dans le cadre d'une prochaine table ronde, mais force est de constater que les premières mesures tardent à faire sentir leurs effets. Certes, les premières ordonnances ne sont parues qu'au printemps, après la fin des négociations commerciales. Mais il faut remarquer que le monde agricole reste circonspect quant à la volonté de la grande distribution d'assumer ses responsabilités et doute de l'effectivité des dispositions prévues, compte tenu des contournements déjà à l'oeuvre.
Ces quelques observations d'ordre général étant faites, j'en viens aux articles en discussion, lesquels comportent des dispositions qui recueillent notre assentiment. Nous examinons seulement 8 des 23 articles annulés. Le choix des auteurs de la proposition de loi a été de ne retenir que les dispositions les plus consensuelles. Mais qu'adviendra-t-il des autres articles ? Il s'agit en effet de sujets majeurs.
Parmi les articles du texte initial, citons l'article 6, qui tend à rétablir l'autorisation de vendre des semences de variétés traditionnelles appartenant au domaine public mais non inscrites au catalogue officiel à des utilisateurs non professionnels. Cette mesure permet d'encourager le précieux travail de ces derniers en faveur de la conservation de la biodiversité, sans porter préjudice à la réglementation sanitaire. Elle permet surtout de sortir d'une situation ubuesque.
Le groupe Libertés et Territoires soutient également l'article 8, qui vise à maintenir le caractère obligatoire de la déclaration de récolte des raisins. Cet outil est en effet indispensable pour vérifier la traçabilité des produits. Loin de l'objectif de simplification affiché par Bercy, sa suppression contraint les entreprises agricoles à appliquer de nouveaux dispositifs déclaratoires palliatifs.
Je veux également citer le renforcement des obligations d'information sur les produits alimentaires vendus en ligne et sur les pays d'origine des vins. Nous avons en effet tous vu certaines mentions susceptibles d'induire le consommateur en erreur.
Par ailleurs, l'indication exhaustive de l'ensemble des pays d'origine du miel sur l'étiquette était demandée de longue date par les apiculteurs français. Des amendements visent à rendre cette information plus complète encore.
Un mot, enfin, sur la mention « fermier » pour les fromages affinés traditionnellement en dehors de l'exploitation. Nous savons que, sur ce point, le débat se poursuit depuis le vote de la loi EGALIM ; en la matière, il importe que l'équilibre auquel nous aboutirons permette de concilier information des consommateurs, valorisation des méthodes traditionnelles et sécurisation des producteurs.