Je rappelle que cette définition n'est jugée acceptable ni par la Commission nationale consultative des droits de l'homme, autorité indépendante qui n'a apparemment pas été auditionnée sur cette douloureuse question, ni par la grande majorité des associations engagées dans les luttes contre le racisme et la xénophobie. Elles n'ont pas été citées dans l'hémicycle jusqu'à maintenant, mais elles sont nombreuses à voir dans ce texte, tout comme le groupe Socialistes et apparentés, le risque flagrant de l'affaiblissement de cette approche à laquelle nous tenons tant, celle qui porte haut l'exigence de transparence et d'impartialité, de justice et de liberté.
Puisque nos divergences sur cette question ne cessent d'enflammer les débats, nous sommes satisfaits que la conférence des présidents ait acté ce matin la mise en place d'une mission d'information qui entendra toutes les parties prenantes et pourra élaborer, peut-être, un nouveau cadre de réflexions et de propositions sur lesquelles nous pourrons travailler et nous rassembler.
Alors oui, si nous voulons renforcer notre arsenal législatif de lutte contre toutes les formes de racisme et de discrimination, peut-être devrons-nous passer une nouvelle fois au crible l'ensemble des dispositions qu'il comporte, afin que, dans ce domaine, aucun acte ou message répréhensible ne puisse, par inattention ou par manque de courage, sombrer dans la banalité ou l'indifférence.
Notre justice a toute capacité à apprécier les dérives qui peuvent se cacher derrière des mots. C'est précisément ce qu'elle a fait récemment lorsqu'un manifestant a pris à partie un philosophe juif en marge d'une manifestation.
Nous ne pouvons et ne devons pas renoncer à relire les pages les plus sombres de notre histoire ; à les scruter à l'aune de l'intelligence collective, de la connaissance et de la volonté partagée de vaincre le désespoir et l'injustice ; à proposer des médiations ; à tenter d'emprunter des chemins de paix ; à imaginer de nouveaux outils pour retisser les fils cassés.
Mais notre rôle n'est pas de rogner chaque jour un peu plus la liberté d'expression, notre capacité d'indignation, nos convictions et l'expression de celles-ci. Il n'est pas raisonnable de nous laisser enfermer dans des visions manichéennes du monde et d'accepter sans mot dire des glissements politico-sémantiques qui ne peuvent qu'attiser les violences, exacerber les positions, et accentuer le sentiment d'injustice particulièrement fort de ceux qui, privés de droits fondamentaux, vivent au quotidien ce que nous ne faisons qu'effleurer par nos prises de parole dans cet hémicycle douillet.
Nous siégeons tous sur ces bancs parce que nous sommes dépositaires de la parole d'autrui – bien davantage que de la nôtre – , conscients de l'importance de la justesse des mots, de leur portée symbolique et de leur utilité dans notre désir de changer le monde, sans arrogance, sans certitudes, mais avec toute la force de nos engagements. Nous ne pouvons donc pas nous satisfaire de cette tentative d'amalgame inutile et singulièrement malvenue.
Nous préférons investir dans des moyens en faveur de la justice et de l'école, dans la diversité et la richesse de notre corps social et dans la lecture attentive de nos textes fondateurs, pour rendre illégitime toute forme de discrimination.
Il faut plus de justice, afin de permettre aux magistrats de veiller à l'application de la loi partout – il est aussi de leur responsabilité de déceler, derrière d'éventuels propos affichés comme antisionistes, des appels à la haine dont nous ne voulons pas. Il faut plus d'éducation, afin de mettre le respect et le libre arbitre au coeur des enseignements, des pratiques et du quotidien de notre jeunesse ; plus de solidarité fraternelle pour redonner courage aux exclus de notre société. C'est de tout cela dont nous devrions nous nourrir et nous enrichir.
C'est la raison pour laquelle le groupe Socialistes et apparentés a déposé une proposition de résolution dont l'unique article vise à lutter contre toutes les formes de discrimination et à rappeler solennellement notre détermination commune, dans l'assemblée du peuple, à lutter contre ce qui nous divise, nous blesse, et nous éloigne de notre humanité.
L'engagement de la France en faveur d'une définition universaliste de la citoyenneté ne peut se construire sur la base d'origines, de critères d'appartenance à des ethnies ou des religions, d'orientations politiques ou de particularismes qui ne cessent de s'affirmer. L'histoire tumultueuse de notre République est traversée par la détermination forte à toujours préférer l'intérêt général et la générosité de l'universel aux revendications particulières, en traçant un chemin de liberté, en combattant l'oppression. La volonté de donner à la loi les moyens de cette belle ambition devrait nous réunir aujourd'hui et tout au long de la présente législature. C'est de notre détermination à sortir des textes incantatoires pour affronter avec réalisme les fractures de notre société dont il doit être question aujourd'hui.
Vous l'aurez compris, chers collègues : le groupe Socialistes et apparentés votera unanimement contre cette proposition de résolution.
Le 09/12/2019 à 17:01, Laïc1 a dit :
"C'est précisément ce qu'elle a fait récemment lorsqu'un manifestant a pris à partie un philosophe juif en marge d'une manifestation."
il pense en tant que Français ou en tant que juif ? On commence à avoir des doutes.
Si juif est une nationalité en Israël, ça ne l'est pas en France.
Le 09/12/2019 à 16:58, Laïc1 a dit :
"Nous préférons investir dans des moyens en faveur de la justice et de l'école, dans la diversité et la richesse de notre corps social et dans la lecture attentive de nos textes fondateurs, pour rendre illégitime toute forme de discrimination."
Vous allez donc revenir sur cette fausse laïcité qui discrimine les religions dans les écoles ?
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