Intervention de François Pupponi

Séance en hémicycle du mardi 3 décembre 2019 à 15h00
Lutte contre l'antisémitisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi :

Ilan Halimi, 23 ans. Myriam Monsonego, 8 ans. Gabriel Sandler, 3 ans. Aryeh Sandler, 6 ans. Jonathan Sandler, 30 ans. Philippe Braham, 45 ans. Yohan Cohen, 20 ans. Yoav Hattab, 21 ans. François-Michel Saada, 64 ans. Sarah Halimi, 65 ans. Mireille Knoll, 80 ans. Onze juifs. Onze Français de confession juive, tués en France parce que juifs, entre 2006 et 2018. Tués par d'autres Français soumis, pour la plupart, à l'idéologie islamiste. Notre pays est malheureusement, et de loin, celui qui déplore le plus grand nombre de victimes de la nouvelle vague d'antisémitisme qui touche l'Europe.

La France n'est pas un pays antisémite, mais il y a en France des antisémites. Surtout, la France a un problème avec son antisémitisme : elle ne veut, en fait, ni le voir, ni l'admettre, ni le traiter, ni l'affronter réellement. Des choses sont faites, mais c'est visiblement loin d'être suffisant, car le cancer de l'antisémitisme est toujours là.

Après chaque acte antisémite, ce sont les mêmes discours répétés et ressassés. « Tuer un juif, c'est tuer la République ». « La France sans les juifs, ce n'est plus la France ». J'ai de plus en plus de mal à entendre ces discours lénifiants, certes nécessaires, mais tellement insuffisants. Ce n'est plus le temps des paroles, mais le temps des actes – et la proposition de résolution dont nous débattons en est un.

Non, je le répète, la France n'est pas un pays antisémite mais elle l'a été à certains moments de son histoire – des moments sombres et pas si lointains dont la déportation du capitaine Dreyfus, les lois antijuives du régime de Vichy et l'organisation des convois de la mort au départ de Drancy sont les plus sinistres exemples.

Aujourd'hui, dans cet hémicycle, la France et la République ont rendez-vous avec leur histoire, qui est cette histoire. Nous verrons si elles sauront être à la hauteur, capables de dire et de trouver les mots qu'il faut, capables de voter cette proposition – laquelle, je le rappelle n'a pas de valeur contraignante et dont le seul but est de mieux définir ce qu'est l'antisémitisme, afin de ne laisser passer aucune discrimination envers nos concitoyens de confession juive. Accordons-nous bien : cette définition est destinée, d'une part, à faire connaître et comprendre ce qu'est l'antisémitisme et, d'autre part, à éclairer la caractérisation des faits et incidents antisémites. Elle vise notamment les milieux scolaires et universitaires : elle pourra, sans exclusive, être utilisée dans des contextes de formation, dans des lexiques, des manuels ou des guides pour l'enseignant. Elle sera également utile pour la formation et les formulaires destinés aux forces de l'ordre et aux magistrats. Elle pourra donc aider à mieux prouver les circonstances aggravantes des crimes et délits antisémites.

Si, au contraire, notre pays n'en est pas capable, nous retournerons à nos faiblesses, à notre manque de courage et à nos complaisances complices.

Je rappelle que ce texte a été voulu par le Président de la République lui-même et je salue son initiative. Je veux aussi remercier Sylvain Maillard de l'avoir repris à son compte et rédigé. Certes, il est perfectible, mais il a le mérite d'exister, d'aller dans le bon sens et de dire l'essentiel : la haine et l'appel à la destruction d'Israël sont un des visages de l'antisémitisme.

Nous devons voter cette proposition de résolution, pour tous nos concitoyens. Pour nos concitoyens de confession juive et pour la mémoire des victimes dont j'ai rappelé les noms.

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