Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du mardi 3 décembre 2019 à 21h30
Transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

La controverse ayant été réglée par la motion de rejet préalable, je n'y reviendrai pas et je ne défendrai pas nos amendements, tous censurés par la maladresse qui a été la vôtre, madame la rapporteure, et dont nous avons parlé tout à l'heure. Passons au texte. Le groupe Socialistes et apparentés y est favorable : outre qu'il y a donné un avis globalement favorable en commission, une proposition de loi similaire avait été déposée au Sénat par nos collègues socialistes au printemps dernier. Je n'ajouterai pas de commentaires aux commentaires concernant les règlements sur les étiquettes que vous proposez aujourd'hui, car il s'agit d'ajustements techniques que nous approuvons, à quelques détails près, et dont nous aurons l'occasion de discuter.

Je profiterai de ces quelques minutes d'intervention pour revenir sur une autre disposition de la loi EGALIM touchant à la qualification des produits et dont la portée est, me semble-t-il, autrement importante que celles qui nous occupent aujourd'hui : je parle ici de la certification des exploitations de haute valeur environnementale – la HVE. L'idée est née durant le Grenelle de l'environnement, période très féconde pour les questions écologiques en France ; quelques années plus tard, le Gouvernement a défini la HVE par décret. La haute valeur environnementale n'est alors qu'une graine dormante qui germe dans quelques niches singulières – les producteurs de tomates, quelques producteurs de fruits et légumes ou certains viticulteurs, en particulier les vignerons indépendants.

Après le Grenelle de l'environnement et avant la loi EGALIM se sont tenus les états généraux de l'alimentation. Parmi les agronomes, à l'INRA – Institut national de la recherche agronomique – et dans la diversité du syndicalisme, partout naissait alors l'idée que la transition agroécologique de notre agriculture et de notre alimentation ne peut pas entièrement reposer sur l'agriculture biologique et qu'il faut lui donner un autre vecteur plus inclusif. Il a donc été demandé, lors des états généraux de l'alimentation, de doter l'agroécologie d'un deuxième moteur, celui de la haute valeur environnementale. Nous avons proposé par un amendement à la loi EGALIM – proposition qui, après bien des vicissitudes, a fini par être adoptée à l'unanimité – de relier la certification de HVE à la démarche agroécologique mentionnée à l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime. Autrement dit, nous avons établi un lien entre le Grenelle de l'environnement, la loi d'avenir pour l'agriculture et la loi EGALIM afin, encore une fois, de donner un deuxième moteur à la haute valeur environnementale.

Cet acte législatif a été suivi par une réunion importante au ministère de l'agriculture que j'avais eu l'honneur de conclure après que M. le ministre Didier Guillaume l'eut ouverte. J'ai rarement vu le monde agricole aussi unanime, qu'il s'agisse des organisations non gouvernementales, du monde syndical, du monde coopératif ou de celui de l'agroindustrie. La haute valeur environnementale peut réunir les Français et les agriculteurs dans leur diversité parce qu'elle est inclusive et permet d'entrer par étapes dans l'agroécologie, sans stigmatisation ni différenciation.

La haute valeur environnementale possède les mêmes caractéristiques que l'agriculture biologique. Loin de reposer sur un cahier des charges normatif à l'excès qui gênerait la liberté d'entreprendre, elle vise à atteindre quatre objectifs – tandis que l'agriculture biologique repose, elle, sur cinq interdits. Ce principe laisse une immense liberté à la capacité d'entreprendre et aux pratiques des agriculteurs.

Je crois beaucoup à la promesse que recèle la haute valeur environnementale et nombreux sont les courants syndicaux, entrepreneuriaux et coopératifs qui y croient également. Elle est notre façon à nous de rappeler que la norme doit être publique parce qu'elle est un langage commun de la société. Nous ne devons pas laisser la puissance privée de l'agroalimentaire ou de la grande distribution définir la bonne agriculture. Ce mouvement est massif. Je ne citerai aucune marque, mais la tentation – il suffit de fréquenter les différents salons de l'agriculture pour le constater – est grande de la part de la puissance privée de définir ce qu'est la bonne agriculture et la bonne alimentation.

Il me semble, comme démocrate, sinon comme socialiste – cette proposition de loi est un texte de rassemblement – , que nous devons créer un langage commun qui nous rassemble, et qu'il appartient au Parlement et à la puissance publique de le définir. La HVE permet de défendre la liberté d'entreprendre dans le cadre d'une norme définie publiquement. À la condition de s'enrichir, comme l'agriculture biologique, d'une norme qui prenne en considération le bilan carbone pour éviter les dérives actuelles, ainsi que d'une norme sociale consistant par exemple à reconnaître le commerce équitable, elle sera demain, j'en suis persuadé, un véritable moteur du changement.

Pour la puissance publique, l'investissement est faible alors que le rendement est immense, puisqu'il suffit d'offrir à la société, par la transparence, les moyens de peser sur l'économie. Je suis convaincu qu'elle y est prête.

Au-delà de cette proposition de loi, je vous invite à envisager de nouveau une politique publique de déploiement de la haute valeur environnementale qui réponde à la demande de la RHD – restauration hors domicile – , de la grande distribution et d'une société en quête de sens, d'une nature, d'une culture et d'un futur.

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