Madame la présidente, madame la garde des sceaux, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur spécial, chers collègues, la justice est rendue au nom du peuple français. Les Françaises et les Français, nos compatriotes, s'ils en attendent énormément lorsqu'ils sont victimes, la trouvent, lorsqu'ils sont mis en cause, éminemment sévère. La justice doit être forte et respectée, indépendante et intransigeante.
Aujourd'hui, elle doit se réformer, tout en poursuivant son oeuvre de protection quotidienne, elle doit évoluer. Sa mutation sera le symbole par excellence de notre capacité à réformer l'État et, finalement, notre République. Tel est, madame la ministre, le sens des cinq chantiers de la justice que vous avez lancés.
La mission « Justice » voit ses crédits augmenter de 3,8 %. La justice était l'une des priorités d'Emmanuel Macron, candidat à l'élection présidentielle ; elle est aujourd'hui l'un des postes budgétaires sanctuarisés dans le projet de loi de finances pour 2018.
Outre l'augmentation des crédits, les postes créées – 730 dans l'administration pénitentiaire, 40 postes d'éducateurs au sein de la protection judiciaire de la jeunesse – sont autant de signes donnés aux personnels, mais aussi aux justiciables, en faveur du renforcement des moyens de ces deux administrations.
Le contexte dans lequel nous évoluons justifie à lui seul que les moyens de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, soient sanctuarisés. La justice ne retrouvera sa crédibilité pleine et entière que si nos concitoyens reprennent confiance dans l'action publique dans toutes ses dimensions, en particulier s'agissant du traitement des mineurs radicalisés, qui doivent retenir toute notre attention.
Le budget de l'administration pénitentiaire augmentera de pratiquement 80 millions d'euros, soit une augmentation, à périmètre constant, de 2,2 % par rapport à 2017. Ces mêmes crédits, personnels non pris en compte, s'élèveront à 1,2 milliards d'euros.
Concernant le personnel, les quelque 730 postes répondent, pour partie, aux besoins. Ils se répartissent comme suit : 35 postes pour le renseignement pénitentiaire, 50 postes pour les extractions judiciaires de proximité, 150 postes pour les services pénitentiaires d'insertion et de probation et 470 postes pour les établissements dont l'ouverture est programmée.
Ce qu'il convient de retenir à ce stade, c'est la création d'un nombre important de postes dans une administration qui souffre d'un déficit d'attractivité et de reconnaissance : le nombre de postes vacants illustre combien ces métiers ne sont plus, aujourd'hui, attractifs : ils sont rarement exercés par vocation ou par passion. Au-delà de la seule question financière, il est évident, et les auditions des professionnels de l'administration pénitentiaire l'ont confirmé, que ce métier est en crise, qu'il s'exerce dans un univers en tension et que les craintes de voir des incidents ou accidents dramatiques se produire sont réelles et quotidiennes.
L'administration pénitentiaire est confrontée à plusieurs défis : un recrutement en crise, les conséquences de la création de 15 000 nouvelles places de prison, les violences latentes du milieu carcéral, les nouvelles menaces, principalement liées à la radicalisation, et les conséquences de l'échec des réformes pénales tendant à la mise en place de peines alternatives comme la contrainte pénale.
Pour ce qui est des crédits de la protection judiciaire de la jeunesse, ils augmentent de 22 millions d'euros. Ils permettront de financer les 40 postes d'éducateurs créés mais serviront également à faire en sorte que les personnels se sentent pris en considération par l'institution ainsi que par les acteurs de la justice, qui n'appréhendent pas toujours l'importance de leur mission.
Toutes ces évolutions s'inscrivent dans les perspectives ouvertes par les cinq chantiers de réforme de la justice que vous avez lancés, madame la ministre : la transformation numérique, l'amélioration et la simplification des procédures pénale et civile, l'adaptation de l'organisation judiciaire, le sens et l'efficacité des peines.
Ce dernier chantier nous intéresse au premier chef. Il permet de mesurer combien les services d'insertion et de probation doivent être renforcés de sorte que l'individualisation des peines se traduise dans le suivi des dossiers et des parcours de vie des personnes concernées ainsi que dans les perspectives de réinsertion qui sont leur proposées.
Enfin, il nous revient de réfléchir aux rôles joués dans la société dans son ensemble et dans la République dans toutes ses composantes par les milieux ouverts et fermés de la PJJ, ainsi qu'à notre capacité collective à agir afin de redonner goût à la vie à ces jeunes qui, s'ils s'inscrivent dans un parcours délinquant, n'en restent pas moins des enfants de la République. Dans un État fort, la République doit protéger mais aussi s'interroger sur les raisons qui poussent certains de ses enfants à trouver refuge dans les discours les plus terrifiants de l'extrémisme religieux et de la radicalisation, et à verser dans le terrorisme qui peut en découler.
Ces enfants ont des profils si différents que des approches typologiques ne peuvent être mises en place. En outre, l'évolution des cas relevés est si rapide que les acteurs de l'institution doivent s'adapter en permanence. Il est toutefois patent que ces jeunes, en se réfugiant dans la religion et le radicalisme, trouvent un sens à leur vie, ce que ni la République ni leur environnement familial avant elle n'ont su ou pu leur apporter.
Aujourd'hui tout est possible. Chaque famille peut être concernée et nul – y compris sur nos bancs – ne peut prétendre échapper à ce phénomène dramatique.