Chaque peuple peut, en conscience, délibérer pour lui-même, et aussi défendre les plus fragiles au bout du monde : cette fraternité universelle participe aux fondements de la Révolution française, elle est le socle de cette assemblée. Elle appartient au génie français, dont nous avons à charge de donner un témoignage concret.
Avec cette proposition de loi, Christophe Bouillon et le groupe Socialistes et apparentés s'inscrivent à mon sens dans cette grande tradition universaliste. La souveraineté solidaire n'est pas la négation du droit et de la capacité d'un peuple à élaborer sa liberté : c'est le contraire du localisme ou du protectionnisme, c'est le contraire d'une mondialisation sans foi ni loi, c'est la capacité à porter le souci du plus fragile au bout du monde – ce qui revient à défendre notre propre intérêt.
Nous n'avons pas fait autre chose en présentant la proposition de loi relative au devoir de vigilance ; elle avait inspiré des réserves très similaires en matière de droit formel, sur son incapacité à être efficace.
Je suis convaincu, madame la garde des sceaux, qu'avec votre intelligence et celle du ministère, nous pouvons amender ce texte de manière à lever les obstacles et à le faire vivre – tout comme nous avons, après cinq ans de combat, réussi à voter une loi relative au devoir de vigilance, qui prospère aujourd'hui dans le monde. C'est l'honneur de la France : six pays européens s'y intéressent ; une directive européenne est en cours de négociation à l'horizon 2022 ; toutes les forces associatives, des églises aux organisations non gouvernementales – ONG – , en passant par les syndicats, sont mobilisées pour atteindre cet objectif. Madrid devrait voter un texte comparable, Berlin l'étudie.
À l'époque, les mêmes réserves nous étaient pourtant opposées sur notre capacité à légiférer avec une ambition extraterritoriale. Nous devons franchir ces obstacles et, ensemble, porter haut les valeurs universelles de notre pays, son humanisme : la pénalisation de l'écocide est une défense de ce que l'humanité a de plus fragile. Dignité humaine et maison commune, même combat !