Alors que la COP25 s'achève demain, que la COP15 sur la biodiversité doit se tenir l'année prochaine en Chine, il est important que la France montre son ambition pour la préservation de l'environnement.
Au-delà de la nécessaire réduction des émissions de gaz à effet de serre, il importe de protéger la nature dans sa grande diversité. Alors que l'on évoque une possible sixième extinction de masse, nous devons absolument prendre conscience que sur les 8 millions d'espèces que nous connaissons, près d'un million seraient menacées de disparition, selon l'ONU.
Si, pour reprendre la célèbre phrase de Jacques Chirac, nous devons nous rendre que compte que « la maison brûle », nous devons également admettre que cette maison perd de la vitalité qui fait sa force.
Ainsi, toutes les atteintes portées à notre écosystème doivent nous conduire à réfléchir à nos modes de production et de consommation, et plus globalement à notre mode de vie.
En tant que citoyens, nous nous devons de consommer plus durablement. En tant que législateurs, nous nous devons de poser un cadre législatif qui assurera une meilleure protection de l'environnement.
C'est pourquoi nous saluons l'initiative de nos collègues du groupe Socialistes et apparentés, qui souhaitent garantir une meilleure protection des écosystèmes.
Nous nous accordons tous pour dire qu'il faut maintenant agir pour prévenir les dommages causés à l'environnement. Et, lorsque ces dommages ont été délibérément causés, nous pouvons enrichir notre arsenal répressif. En ce sens, prévoir le doublement de sanctions à des infractions d'ores et déjà reconnues dans le code de l'environnement et relatives à la pollution des eaux ou à la protection des parcs naturels ou des réserves naturelles est une bonne mesure. De même, définir un délit d'imprudence caractérisée en termes d'atteinte à l'environnement constitue une piste intéressante. En effet, il ne s'agit pas d'affirmer que notre droit positif est suffisant – nous prenons un peu plus conscience chaque jour de ses faiblesses.
Cependant, le coeur du dispositif du texte, la définition du crime d'écocide, soulève des difficultés.
La définition de l'élément matériel n'est pas claire : qu'est-ce en effet qu'un dommage irréversible et irréparable ? S'agissant d'un texte de droit pénal, nous devons être attentifs au respect de certaines conditions tenant à la précision et à la clarté de la loi pénale, qui sont des exigences de nature constitutionnelle. Comment les juges pourront-ils déterminer que les faits ont causé un tel dommage ? L'impossibilité totale de réparation a posteriori ne pourra jamais être démontrée. De plus, nous risquons fort de nous trouver dans un espace-temps qui ne correspond pas à l'échelle humaine.
La définition de l'élément moral de l'infraction semble le rendre extrêmement difficile à caractériser : prouver l'intention de nuire délibérément à l'environnement sera quasiment impossible. Or l'intention est l'élément essentiel d'une infraction pénale, puisqu'il n'y a point de crime sans intention de le commettre.
Si de nombreux comportements sont moralement répréhensibles, ils n'ont pas pour but premier de porter atteinte à la planète. Pour prendre un exemple récent, le déversement d'eaux usées chargées de résidus de béton dans la Seine démontre l'absence totale de considération pour les conséquences environnementales, mais ne peut constituer une action concertée tendant à causer directement un dommage à un écosystème.
Enfin, l'opportunité d'élever l'écocide au même rang que les crimes contre l'humanité en termes d'imprescriptibilité peut soulever des réserves.
Si les dommages causés à l'environnement sont éminemment graves, peut-on les placer au même rang que les crimes portant directement atteinte à l'espèce humaine et constituant les pages les plus effroyables de notre histoire ? Nous nous interrogeons.
Ces différents éléments rendent le crime d'écocide inopérant en l'état. Au-delà de sa très difficile caractérisation, le flou règne sur ce que cette proposition de loi se propose de pénaliser : l'exposé des motifs reconnaît lui-même que les exemples donnés ne pourraient pas entrer dans le champ de cette infraction. Si nous saisissons bien l'intention, nous peinons en revanche à comprendre concrètement ce que pourrait recouvrir le crime d'écocide.
Pour ces diverses raisons, le groupe UDI, Agir et indépendants ne peut soutenir cette proposition de loi et s'abstiendra, tout en saluant le mérite de ce texte. Il nous offre l'occasion de débattre de ce sujet essentiel et de la nécessité de le défendre sur la scène internationale.