Durant l'examen de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « PACTE », le groupe Socialistes et apparentés a défendu une certaine vision de la place de l'entreprise dans notre société. L'entreprise joue un rôle économique mais aussi social et démocratique, dans une mesure allant bien au-delà des attendus de la RSE telle qu'elle est pratiquée.
Nous avions ainsi promu un renforcement ambitieux de la codétermination au sein des conseils d'administration, afin que les administrateurs salariés constituent le tiers des effectifs des conseils d'administration dans les entreprises de 1 000 à 5 000 salariés et la moitié au-delà de ce seuil, nous inspirant des propositions du rapport de Nicole Notat et Jean-Dominique Senard.
Notre définition de la société y était plus ambitieuse que celle du Gouvernement, afin que l'entreprise tienne compte des conséquences économiques, sociales et environnementales de son activité dans son organisation et son fonctionnement.
Enfin, nous avions proposé la création d'un dispositif d'encadrement des écarts de rémunération, cher à notre rapporteur, qui permettait de recréer de la justice dans l'entreprise.
Nous voulons que la RSE franchisse une nouvelle étape dans son processus de développement, en remettant de l'ordre dans des initiatives foisonnantes mais mal encadrées, tout en développant la seconde jambe de cette démarche qui ne saurait reposer sur le seul « rapportage ».
Le nouvel âge de la RSE doit être en mesure d'accompagner et de valoriser les pratiques responsables. Cette nouvelle étape implique, bien entendu, un cadre législatif ambitieux, une visibilité et une lisibilité des actions vertueuses lorsqu'elles sont menées au-delà des seules obligations légales et réglementaires.
En effet, de nombreuses entreprises considèrent qu'elles ne sont pas en mesure de valoriser concrètement les efforts qu'elles réalisent en matière de bonnes pratiques comme de transparence. Les nombreux labels privés, le plus souvent sectoriels ou spécifiques, ne permettent ni une vision holistique des actions mises en oeuvre ni une lisibilité de celles-ci par le grand public.
Le groupe Socialistes et apparentés propose, en quelque sorte, un Nutri-Score de l'entreprise. Cette image peut faire sourire s'agissant de l'appréhension de quelque chose d'un peu plus compliqué qu'un plat préparé ou qu'un paquet de jambon. Cependant, le développement massif d'applications numériques ayant la même visée témoigne de l'appétence de nos concitoyens pour un tel outil et pour la transparence qu'il offre.
Notre Nutri-Score sera un label public général qui reflétera la notation des performances extra-financières des entreprises et permettra d'évaluer leurs incidences sur la société et sur l'environnement. Ce label reposera donc sur le principe du scoring, avec une notation sur cent points qui sera attribuée en fonction des performances de l'entreprise.
Les critères de d'évaluation ainsi que leur pondération seraient définis dans le cadre d'une grande concertation avec l'ensemble des parties prenantes que sont les organisations syndicales et patronales, les associations et les ONG, à l'issue d'une consultation publique.
À notre sens, au moins sept champs devraient être pris en compte : la stratégie bas carbone de l'entreprise ; son effort en matière d'économie circulaire et d'écomobilité ; l'équilibre des relations avec les fournisseurs et les sous-traitants ; la nature du lien avec l'écosystème territorial ; la qualité de vie au travail ; le niveau de gouvernance participative et de partage de la valeur dans l'entreprise ; enfin l'égalité entre les femmes et les hommes.
L'identification des indicateurs et leur pondération, fixées par décret, devront naturellement être cohérentes avec les engagements internationaux de la France, qu'il s'agisse de la stratégie européenne pour une croissance inclusive et durable, de l'accord de Paris sur le climat ou des objectifs de développement durable des Nations unies.
Ce travail s'attachera à atteindre cinq objectifs : prise en considération de la diversité des secteurs économiques, sur la base d'un socle commun mais avec une déclinaison par secteur d'activité ; simplicité pour les opérateurs, afin d'éviter une charge indue pour les entreprises ; lisibilité pour les citoyens, grâce à une notation sur cent points pouvant être complétée d'un code tricolore, de nature à permettre une lecture et une compréhension faciles et rapides ; stabilité de l'outil ; enfin, construction démocratique, puisque la définition des critères et de leur pondération se ferait en concertation avec les syndicats, le monde de l'entreprise et les autres acteurs de la société civile engagés sur ces questions, et qu'elle ferait l'objet d'une consultation publique.
L'État confierait ensuite l'évaluation de cette notation à des organismes spécialisés qu'il certifierait, mandaterait et contrôlerait, afin de s'appuyer sur les organismes existants et de ne pas créer une charge administrative déraisonnable. Une telle notation, dont le caractère public garantit la légitimité, permettra au citoyen, au consommateur, de disposer d'une information complète qui éclairera ses choix.
Ce label public, de par sa nature et sa dimension globale, pourrait également servir de base à la mise en oeuvre de mesures sociales, fiscales ou d'accès aux marchés publics favorisant les entreprises les plus vertueuses. Ces mesures permettront une évolution substantielle des pratiques des entreprises, allant au-delà de l'impact de la notation elle-même.
La proposition de loi de notre groupe ouvre un champ pour l'avenir, pour l'après RSE, en quelque sorte : l'intégration d'emblée de ces principes dans la norme comptable, dans l'évaluation de l'actif et du passif d'une entreprise. Cette démarche, qui représente également un combat culturel, européen et mondial face à la culture comptable anglo-saxonne, nécessite un temps d'expérimentation et de mûrissement prévu à l'article 3.
Avec ce texte, notre collègue Dominique Potier et le groupe Socialistes et apparentés souhaitent prolonger nos travaux réalisés dans le cadre de la loi PACTE, qui, sur cette question de la labellisation, n'avaient pu trouver une issue satisfaisante, malgré la bonne volonté des uns et des autres. Nous espérons donc que le Gouvernement et la majorité sauront saisir l'opportunité qu'il représente. Vous ne serez pas surpris que mon groupe vote pour la proposition de loi.