Je vous propose de continuer nos auditions dans le cadre de la mission d'information sur l'incendie de Lubrizol à Rouen, qui a été décidée en conférence des présidents à l'Assemblée nationale. Depuis plusieurs semaines, avec nos collègues au sein de cette mission d'information, nous auditionnons un certain nombre d'acteurs qui peuvent nous accompagner dans notre démarche qui est la compréhension de l'évènement, le retour d'expérience et aussi la capacité qui doit être la nôtre de faire des propositions pour l'avenir. Nous auditionnons ainsi, ce matin, un certain nombre d'experts scientifiques. Je leur demanderai d'ailleurs de se présenter, ainsi que la structure qu'ils représentent.
Vous êtes ici dans une salle où il y a un certain nombre de cartes, mais je m'aperçois qu'il manque le tableau de Mendeleïev et je le regrette. Vous allez sans doute, en tout cas ceux qui sont experts en matière de toxicologie ou de chimie, nous rendre plus « sachants ». Depuis le début de cette catastrophe, un certain nombre de questions sont venues sur la table concernant la connaissance précise et la nature même des substances présentes dans ce fameux nuage de fumée, mais aussi la compréhension de ce type d'incendie d'hydrocarbures. Nous avons vu ici ou là apparaître des acronymes qui vous sont sans doute familiers, mais qui ne l'étaient pas pour nombre de décideurs ou pour la population en général. Je pense aux fameux HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques), au PTEX (Process Technology Exam) et à un certain nombre d'autres substances. Nous nous sommes aussi interrogés – et je crois que c'est parfaitement légitime – sur le fameux « effet cocktail » ou encore sur d'autres aspects.
Nous cherchons à travers cette audition à mieux comprendre et nous souhaitons avoir votre appréciation sur la question non seulement des analyses, mais aussi de leur publication. Nous avons vu qu'il y avait une demande, au nom de la transparence, de disposer dans les meilleurs délais de l'ensemble des résultats des analyses demandées à des organismes comme l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), ou d'autres. Nous voyons bien que lorsque la publication de l'ensemble de ces analyses a été réalisée, il y avait la difficulté de l'interprétation des citoyens : lorsqu'ils se sont livrés à l'exercice de regarder l'ensemble des fiches et des données, ils étaient pour le moins perdus ! Que pensez-vous de cette question de l'interprétation ?
Le premier réflexe qu'ont souvent les citoyens est d'effectuer des recherches sur le site de la préfecture ou sur les sites dédiés à cette publication d'informations. Par la suite, ils sont allés faire des recherches de leur propre chef. Cela les a plutôt inquiétés qu'autre chose… J'aimerais vous entendre sur cette question d'interprétation. Que vous nous disiez comment nous pouvons accompagner les citoyens dans une meilleure compréhension de l'ensemble de ces données, au-delà de l'exigence de transparence et de publication des analyses.
Si nous avons souhaité avoir une table ronde, c'est que nous n'ignorons pas que des débats existent dans la communauté scientifique notamment par rapport à la notion de seuil. J'ai évoqué la présence de polluants et d'un certain nombre de substances dans ce nuage de fumée. Nous voyons bien qu'il y a parfois des interprétations liées à la question des seuils.
Je terminerai ma première série de questions sur les mots choisis. Nous avons entendu le directeur de l'INERIS indiquer que le niveau des dioxines s'avérait relativement faible. Nous avons entendu aussi, dès les premières heures de l'évènement, le préfet évoquer la toxicité aiguë… Comment réagissez-vous par rapport à l'utilisation de ces mots ? Ils peuvent, d'un point de vue scientifique, apparaître comme valables, mais d'un point de vue de la compréhension d'un évènement de cette nature, être difficilement interprétables pour l'ensemble de la population.