Vous avez dit tout à l'heure que notre territoire était industriel. C'est aussi une terre de géographes et de sociologues. Je ne vais pas remonter jusqu'à Siegfried, mais plus récemment, comme étudiant, je me souviens parfaitement des propos de François Gay ou de Michel Bussi lorsqu'il était, non pas l'auteur que nous connaissons aujourd'hui, mais plutôt l'enseignant à l'Université de Rouen. Il évoquait le silence assourdissant des Normands. Vous avez exprimé l'un et l'autre une sorte d'effet de proximité avec Paris et cette incapacité parfois de tous les acteurs normands, et cela depuis des années, de parler de concert en ce qui concerne le développement. Dans les propos de notre collègue de Toulouse, j'observe la capacité de territoires de cette nature, lorsqu'ils ont une vision de leur développement, à se battre dur comme fer et ensemble, comme ils ont pu le faire sur l'oncologie, profitant aussi de la réorganisation d'un groupe pharmaceutique bien connu. Que pouvez-vous dire de ce fameux silence assourdissant et de cet effet levier qui est celui de la proximité avec Paris et l'Île-de-France, plus généralement ?
Au-delà, qu'en est-il de la culture du risque ? Dans les auditions auxquelles nous avons procédé, nous avons constaté, malgré tout – même si j'ai bien compris que le déclin que vous décrivez est commun à la Vallée de la Seine, autant au Havre qu'à Rouen – que dans la zone du Havre, il y a une culture industrielle qui semble beaucoup plus forte. À Port-Jérôme, où il y a une concentration d'activités industrielles très forte avec des sites Seveso, il y a une adhésion, en tout cas des éléments de compréhension. Est-ce dû à un rapport au nombre de salariés par rapport au nombre d'habitants plus important sur ces territoires ? Concrètement, nous avons autour de Port-Jérôme, Gonfreville-l'Orcher, etc., des communes avec un nombre d'habitants relativement faible, mais un nombre de salariés relativement fort. Cette culture du risque n'a-t-elle pas d'abord un agent de diffusion qui est le salarié lui-même, qui permet sans doute d'imprégner les familles, le territoire, les acteurs locaux, les élus de cette culture ?
Vous l'avez dit, il y a quand même un enjeu de compétences. L'enjeu aujourd'hui pour des territoires comme les nôtres – nous le voyons – est qu'il y a des métiers sous tension. Ce sont notamment des métiers industriels. Le fait de tourner le dos à l'industrie donne les plus grandes difficultés du monde à recruter. Je ne citerai qu'un exemple, parce que je ne voudrais pas donner le sentiment que nous sommes sur un territoire sans rien. Nous avons une filière aéronautique très puissante en Normandie, où il y a généralement des métiers sous tension. Il y a une corrélation entre ce discours sur l'industrie et les difficultés qu'elle rencontre dans l'immédiat. Comment, à partir d'un événement de cette nature qui marque l'opinion et pour lequel l'émotion reste vive, pouvons-nous rebondir ? Pouvons-nous nous permettre, à l'échelle d'un territoire comme le nôtre, de candidater pour accueillir demain les sièges sociaux des sites spécialisés dans le risque ? Est-ce une solution parmi d'autres, comme a pu faire Toulouse, saisissant une opportunité de réorganisation d'un groupe pharmaceutique ?