Intervention de Christophe Euzet

Réunion du mercredi 15 janvier 2020 à 14h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Euzet, rapporteur :

Les deux projets de loi, l'un organique, l'autre ordinaire, que je qualifierais de texte de coordination, ont été adoptés par le Sénat, sous réserve de quelques amendements. Ils ont pour principal objet d'actualiser la liste des fonctions soumises à la procédure de nomination prévue à l'article 13, alinéa 5 de la Constitution, figurant en annexe de la loi organique du 23 juillet 2010.

Pour mémoire, cet article soumet à l'avis des commissions parlementaires compétentes les nominations à certains emplois publics par le Président de la République « en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation ».

Actuellement, cinquante-deux fonctions figurent en annexe de la loi organique précitée. Depuis la révision constitutionnelle de 2008 qui introduit cette procédure, la liste des fonctions concernées s'est progressivement étoffée, ce qui constitue, de mon point de vue, un signe de bonne santé démocratique : le contrôle parlementaire sur les nominations par l'exécutif progresse et garantit l'indépendance et la compétence des personnalités désignées dans des domaines de plus en plus étendus. Cette évolution, qui ne peut être perçue que de manière positive, a eu lieu sous le contrôle vigilant du Conseil constitutionnel, qui n'a sanctionné, à ce jour, que la soumission à cette procédure de la présidence de l'Institut national de l'audiovisuel, en 2013.

Je rappelle, par ailleurs, que l'exécutif doit se conformer à l'avis des commissions qui, à l'issue d'un dépouillement commun, peuvent, à la majorité des trois cinquièmes, s'opposer à la nomination envisagée.

Le projet de loi organique que nous examinons a pour principal objectif de prendre en considération les conséquences de réformes récentes sur les dispositions de la loi organique : la privatisation de La Française des jeux dans le cadre de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), qui rend sans objet la procédure de l'article 13, alinéa 5 ; le remplacement de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) par l'Autorité nationale des jeux (ANJ), créée par l'ordonnance du 2 octobre 2019 ; la transformation, à compter du 1er janvier 2020, des trois établissements publics industriels et commerciaux qui formaient la SNCF en une société nationale unifiée ; le changement de nom, depuis le 1er octobre 2019, de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, désormais dénommée Autorité de régulation des transports (ART), en application de l'ordonnance du 24 juillet 2019.

Le projet de loi ordinaire procède, quant à lui, aux coordinations qui découlent des mesures organiques dans le tableau figurant dans la loi ordinaire du 23 juillet 2010.

En outre, ce texte permet également de préparer la fusion de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) et du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) en une nouvelle Autorité de régulation de la communication audiovisuelle (ARCOM), prévue pour janvier 2021 par le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique, que le Parlement devrait examiner prochainemenet. En fait, il s'agit de prolonger jusqu'à cette date les mandats des membres de la HADOPI qui arriveraient à échéance entre-temps – un ajustement de coordination, en quelque sorte.

Le Sénat a légèrement fait évoluer ces deux projets de loi dans trois directions.

Il a opportunément actualisé les dénominations de Bpifrance et de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) au sein de la liste des fonctions concernées par la procédure de nomination après avis des commissions.

De façon beaucoup plus problématique, il est revenu sur les conditions de nomination des dirigeants de la société nationale SNCF et de ses filiales, en proposant notamment de soumettre à la procédure de l'article 13, alinéa 5 de la Constitution la nomination du président et du directeur général de SNCF Réseau. Or, les trois EPIC qui composaient la SNCF (SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités) ont été remplacés au profit d'une seule société dans le cadre de la réforme ferroviaire de 2018. Par conséquent, la rédaction initiale du Gouvernement proposait d'appliquer les règles de droit commun selon lesquelles « dans toutes les entreprises dont le capital est détenu au moins à 50 % par l'État, le Parlement se prononce sur la nomination du directeur général nommé par décret du Président de la République ». Il s'agit d'une solution de bon sens, car on voit mal deux autorités au sein d'une même société, dont l'une a autorité sur l'autre, bénéficier du même seuil de légitimité. J'ajoute que la nomination du directeur de SNCF Réseau demeurera subordonnée à sa validation par l'ART. Je vous proposerai donc, sur ce point, de revenir au texte initial.

Le Sénat a, enfin, proposé d'introduire dans la liste annexée à la loi organique de 2010 la présidence de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) et la direction générale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Après avoir analysé cette proposition et en avoir discuté au sein de mon groupe politique, nous avons considéré que, compte tenu de la nature tout à fait particulière des missions de ces deux autorités administratives indépendantes, notamment celles de la CADA qui compte parmi les plus anciennes d'entre elles, et de l'écho important qu'elles ont dans l'opinion publique, cet ajout était une bonne chose. Nous y sommes, en définitive, favorables.

Cette bienveillance à l'égard de l'extension d'une procédure qui accroît le contrôle parlementaire doit constituer, pour nous, une ligne de conduite pour l'avenir. Nous devons toutefois nous montrer vigilants à ce qu'à chaque fois, l'organisme concerné appartienne bien à l'une des catégories visées par l'article 13, alinéa 5 de la Constitution. Saisi de toutes les lois organiques, le Conseil constitutionnel s'en porte garant en dernière analyse.

Pour finir, ces deux projets de loi tirent les conclusions d'ordonnances dont le Sénat a très opportunément fait remarquer qu'elles n'avaient pas encore fait l'objet d'une ratification.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.