Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du mercredi 15 janvier 2020 à 14h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • SNCF
  • directeur
  • jeux
  • nomination

La réunion

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La réunion débute à 14 heures 30.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente

La Commission examine le projet de loi organique, adopté par le Sénat, modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution (n° 2535) et le projet de loi, adopté par le Sénat, modifiant la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et prorogeant le mandat des membres de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (n° 2536) (M. Christophe Euzet, rapporteur).

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Mes chers collègues, nous en venons à l'examen du projet de loi organique modifiant la loi organique du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et du projet de loi modifiant la loi ordinaire également du 23 juillet 2010 et prorogeant le mandat des membres de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet. Ces deux textes, adoptés en première lecture par le Sénat, ont pour rapporteur M. Christophe Euzet.

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Les deux projets de loi, l'un organique, l'autre ordinaire, que je qualifierais de texte de coordination, ont été adoptés par le Sénat, sous réserve de quelques amendements. Ils ont pour principal objet d'actualiser la liste des fonctions soumises à la procédure de nomination prévue à l'article 13, alinéa 5 de la Constitution, figurant en annexe de la loi organique du 23 juillet 2010.

Pour mémoire, cet article soumet à l'avis des commissions parlementaires compétentes les nominations à certains emplois publics par le Président de la République « en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation ».

Actuellement, cinquante-deux fonctions figurent en annexe de la loi organique précitée. Depuis la révision constitutionnelle de 2008 qui introduit cette procédure, la liste des fonctions concernées s'est progressivement étoffée, ce qui constitue, de mon point de vue, un signe de bonne santé démocratique : le contrôle parlementaire sur les nominations par l'exécutif progresse et garantit l'indépendance et la compétence des personnalités désignées dans des domaines de plus en plus étendus. Cette évolution, qui ne peut être perçue que de manière positive, a eu lieu sous le contrôle vigilant du Conseil constitutionnel, qui n'a sanctionné, à ce jour, que la soumission à cette procédure de la présidence de l'Institut national de l'audiovisuel, en 2013.

Je rappelle, par ailleurs, que l'exécutif doit se conformer à l'avis des commissions qui, à l'issue d'un dépouillement commun, peuvent, à la majorité des trois cinquièmes, s'opposer à la nomination envisagée.

Le projet de loi organique que nous examinons a pour principal objectif de prendre en considération les conséquences de réformes récentes sur les dispositions de la loi organique : la privatisation de La Française des jeux dans le cadre de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), qui rend sans objet la procédure de l'article 13, alinéa 5 ; le remplacement de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) par l'Autorité nationale des jeux (ANJ), créée par l'ordonnance du 2 octobre 2019 ; la transformation, à compter du 1er janvier 2020, des trois établissements publics industriels et commerciaux qui formaient la SNCF en une société nationale unifiée ; le changement de nom, depuis le 1er octobre 2019, de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, désormais dénommée Autorité de régulation des transports (ART), en application de l'ordonnance du 24 juillet 2019.

Le projet de loi ordinaire procède, quant à lui, aux coordinations qui découlent des mesures organiques dans le tableau figurant dans la loi ordinaire du 23 juillet 2010.

En outre, ce texte permet également de préparer la fusion de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) et du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) en une nouvelle Autorité de régulation de la communication audiovisuelle (ARCOM), prévue pour janvier 2021 par le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique, que le Parlement devrait examiner prochainemenet. En fait, il s'agit de prolonger jusqu'à cette date les mandats des membres de la HADOPI qui arriveraient à échéance entre-temps – un ajustement de coordination, en quelque sorte.

Le Sénat a légèrement fait évoluer ces deux projets de loi dans trois directions.

Il a opportunément actualisé les dénominations de Bpifrance et de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) au sein de la liste des fonctions concernées par la procédure de nomination après avis des commissions.

De façon beaucoup plus problématique, il est revenu sur les conditions de nomination des dirigeants de la société nationale SNCF et de ses filiales, en proposant notamment de soumettre à la procédure de l'article 13, alinéa 5 de la Constitution la nomination du président et du directeur général de SNCF Réseau. Or, les trois EPIC qui composaient la SNCF (SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités) ont été remplacés au profit d'une seule société dans le cadre de la réforme ferroviaire de 2018. Par conséquent, la rédaction initiale du Gouvernement proposait d'appliquer les règles de droit commun selon lesquelles « dans toutes les entreprises dont le capital est détenu au moins à 50 % par l'État, le Parlement se prononce sur la nomination du directeur général nommé par décret du Président de la République ». Il s'agit d'une solution de bon sens, car on voit mal deux autorités au sein d'une même société, dont l'une a autorité sur l'autre, bénéficier du même seuil de légitimité. J'ajoute que la nomination du directeur de SNCF Réseau demeurera subordonnée à sa validation par l'ART. Je vous proposerai donc, sur ce point, de revenir au texte initial.

Le Sénat a, enfin, proposé d'introduire dans la liste annexée à la loi organique de 2010 la présidence de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) et la direction générale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Après avoir analysé cette proposition et en avoir discuté au sein de mon groupe politique, nous avons considéré que, compte tenu de la nature tout à fait particulière des missions de ces deux autorités administratives indépendantes, notamment celles de la CADA qui compte parmi les plus anciennes d'entre elles, et de l'écho important qu'elles ont dans l'opinion publique, cet ajout était une bonne chose. Nous y sommes, en définitive, favorables.

Cette bienveillance à l'égard de l'extension d'une procédure qui accroît le contrôle parlementaire doit constituer, pour nous, une ligne de conduite pour l'avenir. Nous devons toutefois nous montrer vigilants à ce qu'à chaque fois, l'organisme concerné appartienne bien à l'une des catégories visées par l'article 13, alinéa 5 de la Constitution. Saisi de toutes les lois organiques, le Conseil constitutionnel s'en porte garant en dernière analyse.

Pour finir, ces deux projets de loi tirent les conclusions d'ordonnances dont le Sénat a très opportunément fait remarquer qu'elles n'avaient pas encore fait l'objet d'une ratification.

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J'ai interrogé le Gouvernement sur ce point, comme, j'imagine, vous ne manquerez pas de le faire en séance publique. Le retard pris ne s'explique que par des difficultés de calendrier parlementaire. La nécessité de procéder à leur ratification sera naturellement respectée, l'engagement a été pris. Cela étant, nous sommes tenus d'opérer les coordinations nécessaires de manière à nous autoriser à nous prononcer sur les nominations qui pourraient intervenir entre-temps.

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Nous en venons à la discussion générale, commune aux deux textes.

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Comme le rapporteur vient de le rappeler, le projet de loi organique a pour objet de mettre à jour, à la suite de certaines évolutions, la liste des emplois concernés par la procédure de l'article 13, alinéa 5 de la Constitution, c'est-à-dire ceux pour lesquels la nomination par décret du Président de la République est subordonnée au résultat d'une audition devant les commissions parlementaires compétentes. Il a donc une portée essentiellement technique. Toutefois, pour nous, parlementaires, il n'est pas anodin et requiert toute notre attention.

Le texte tel qu'il nous arrive modifié par le Sénat présente deux aspects. Le premier est l'adaptation de la liste des emplois concernés aux réformes en cours, avec la suppression de ceux qui n'ont plus lieu de s'y trouver. Je pense en particulier à certaines directions de la SNCF et à La Française des jeux. S'agissant de la première, les modifications votées par le Sénat ne nous apparaissent pas opportunes et nous souhaitons, comme le rapporteur, un retour au projet initial du Gouvernement.

Le second aspect concerne le périmètre des emplois concernés par cette procédure. La question de fond est de déterminer quels sont les emplois devant, « en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation », faire l'objet d'un contrôle parlementaire selon la lettre de l'article 13 précité. Par définition, l'appréciation de cette liste est en partie subjective et il revient à l'Assemblée de se prononcer sur cette question. Le Sénat propose d'y inclure la présidence de la CADA et la direction générale de l'OFII. Il s'agit de propositions intéressantes. Nous y sommes favorables dans la mesure où elles aboutissent à renforcer le contrôle parlementaire sur les nominations procédant du chef de l'État. L'importance de ces organismes pour la protection des droits fondamentaux justifie leur insertion dans la liste.

Certains amendements proposés par le groupe de La France insoumise portent sur des agences sanitaires dont l'importance est notable. Ils ne manquent pas d'intérêt non plus. Le groupe La République en marche s'attachera donc à revenir au projet de loi initial du Gouvernement, tout en prenant en compte certaines avancées votées au Sénat ainsi que certaines propositions de l'opposition, afin d'améliorer le contrôle exercé par le Parlement sur les nominations présidentielles.

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Je remercie le rapporteur, dont je reprends les derniers propos afin de souligner certaines difficultés méthodologiques, dont il n'est, bien évidemment, pas responsable.

Envisager aujourd'hui les conséquences d'ordonnances qui n'ont pas encore été ratifiées soulève tout de même quelques questions, de même que l'anticipation du vote d'un projet de loi – en l'occurrence, sur l'audiovisuel – qui n'a pas encore été débattu à l'Assemblée nationale ou au Sénat, ce qui, d'une certaine façon, revient à présupposer l'issue des débats. Voilà qui illustre bien la marge de manoeuvre dont dispose le Parlement ! En fait, nous allons compter les points dans le jeu majoritaire et gouvernemental et, quoi que nous fassions ou disions, la ratification des ordonnances est ainsi présupposée avec le seul dépôt d'un projet de loi de ratification, la rédaction de l'article 38 de la Constitution étant, il est vrai, particulière. S'agissant du projet de loi sur l'audiovisuel, cela ne manque pas de sel puisque l'examen du texte n'a pas commencé… Aucun parlementaire responsable, qu'il soit dans la majorité ou l'opposition, ne pourra dire le contraire ! Enfin, c'est ainsi…

Vous souhaitez donc mettre en adéquation des textes à venir avec les conditions de nomination issues de la révision constitutionnelle de 2008. Je souligne à dessein l'intérêt de cette révision, qui favorise un meilleur contrôle parlementaire, à condition qu'il ne soit pas biaisé. Il importe, en effet, que des présidences, des directions générales parfois ou, plus généralement, des décideurs au sein de certaines institutions soient soumis au contrôle des assemblées parlementaires. On ne peut que se réjouir d'un tel état d'esprit.

En l'occurrence, vous l'avez dit, il s'agit d'adapter le droit à des évolutions supposées ou à venir, et nous nous apprêtons donc à anticiper. Je crois que le Sénat a eu raison de vouloir augmenter la liste au lieu de la restreindre. J'ai bien noté la divergence qui demeure en ce qui concerne la SNCF, de même que l'évolution intéressante concernant notamment la CADA, qu'il aurait été un peu délicat de laisser sous un régime particulier. C'est l'une des premières autorités administratives indépendantes et d'autres, créées à la même époque – je pense à la CNIL – sont déjà soumises à cette procédure de l'article 13. Les dispositions proposées présentent au moins l'intérêt de la cohérence pour des autorités historiques qui existent maintenant depuis près de quarante ans.

Le groupe Les Républicains est, bien entendu, favorable, dans les grandes lignes, à un aménagement pour la HADOPI à travers le prolongement du mandat de ses membres et à la sortie de la liste de La Française des Jeux – sans revenir sur le débat, qui pourrait néanmoins se ranimer, concernant la légitimité, l'opportunité ou non de la privatisation de cette dernière – je note d'ailleurs qu'Aéroports de Paris, ADP, n'est pas concerné.

Compte tenu des travaux réalisés par le Sénat, nous portons sur ces textes un regard bienveillant même si, vous l'aurez perçu, quelques nuances subsistent encore entre nous sur un ou deux points.

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Les projets de loi organique et ordinaire que nous examinons étaient, à l'origine, essentiellement techniques et visaient à envisager les conséquences, par rapport au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, de diverses réformes intervenues au cours des derniers mois. Cela a été dit, le point de départ fut la réforme constitutionnelle de 2008 conférant au Parlement un droit de veto sur certaines nominations prononcées par le Président de la République « en raison de leur importance pour la garantie des droits et des libertés ou la vie économique et sociale de la Nation ».

Ainsi, le projet de loi organique déposé par le Gouvernement modifie la loi organique n° 2010-837 et propose de substituer l'Autorité nationale des jeux à l'ARJEL, et de retirer de la liste visée par l'alinéa 5 de l'article 13 de la Constitution le président de La Française des Jeux, dans le prolongement logique des réformes adoptées dans la loi PACTE pour la croissance et la transformation des entreprises. Il propose également d'ajouter à la liste des nominations relevant de l'article 13 le directeur général de la SNCF, à l'occasion de la consolidation des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) la composant en société anonyme à participation publique. Enfin, il prévoit de modifier le nom de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l'ARAFER, qui est devenue le 1er octobre 2019 l'Autorité de régulation des transports, l'ART.

Tel était le périmètre initial du projet de loi organique.

Le Sénat a souhaité élargir la liste des nominations relevant de l'article 13 afin d'y inclure le président de la Commission d'accès aux documents administratifs, le directeur général de l'OFII et, surtout, quatre dirigeants de la SNCF. Si nous pouvons souscrire aux deux premiers élargissements, le dernier nous paraît plus problématique. En raison de la transformation des EPIC en société anonyme, seule la nomination à la direction générale de la SNCF nous semble nécessiter l'avis des commissions compétentes des assemblées afin de ne pas déroger au droit commun des sociétés à participation publique.

Par ailleurs, l'article 2 du projet de loi ordinaire vise à proroger le mandat des membres de la HADOPI jusqu'au 25 janvier 2021 dans l'éventualité de la fusion de cette dernière avec le CSA, laquelle devrait être examinée dans le projet de loi sur l'audiovisuel. Je souhaite profiter de ce texte pour faire d'ores et déjà une remarque : s'agissant de cette fusion, il faudra faire preuve de prudence en raison de la potentielle non-conformité de la HADOPI à la jurisprudence dite Tele2 de la Cour de justice de l'Union européenne, la CJUE, affirmant qu'une conservation généralisée et indifférenciée des métadonnées, même à des fins de lutte contre la criminalité, est contraire au droit communautaire – un contentieux est d'ailleurs en cours devant elle.

En outre, il faudra, par la suite, se poser la question de l'efficacité de la HADOPI par rapport à son coût.

Ces précisions faites, le groupe MODEM et apparentés soutiendra, bien évidemment, ces deux textes.

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Le cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution assoit une partie du pouvoir de contrôle du Parlement et est donc de première importance. Chacune des modifications apportées à la procédure de nomination qui en résulte doit être observée de près.

Le Gouvernement présente ces deux projets de loi comme des textes techniques et de cohérence législative. En fait, ils sont beaucoup plus que cela.

Tout d'abord, ils nous demandent de prendre acte de changements inscrits dans des ordonnances que nous n'avons pas encore ratifiées et de modifications législatives qui ne sont pas encore entérinées. Cette première observation illustre déjà une certaine incohérence de méthode, pour ne pas dire une négation du rôle du Parlement.

Ensuite, comme le Sénat l'a déjà souligné, ces projets de loi réduisent le périmètre du contrôle parlementaire sur les futures nominations au sein de la SNCF. Acter les réformes par des modifications de forme est une chose, entériner comme une conséquence la réduction des nominations soumises à l'article 13 de la Constitution en est une autre. Ces deux textes sont donc loin de se réduire à un simple toilettage. Vous l'aurez compris, la version issue du Sénat nous paraît plus sage.

Concernant les nominations à la SNCF, une bonne solution a été trouvée, surtout en vue des changements à venir, en particulier l'ouverture de celle-ci à la concurrence.

L'ajout du président de la CADA et du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est bienvenu compte tenu des missions de ces instances. J'ai cru comprendre qu'il serait maintenu, ce qui est une bonne chose. En revanche, s'agissant de la SNCF, les amendements du rapporteur rétablissant la version initiale ne nous paraissent pas acceptables.

Par conséquent, le groupe UDI, Agir et Indépendants se déterminera après notre discussion.

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Comme plusieurs collègues l'ont fait remarquer, ces projets de loi sont loin d'être anodins, tant au regard des nominations envisagées qu'au regard de la méthode, sur le fond comme sur la forme.

Nous sommes en désaccord avec le choix du Gouvernement de « tordre la main » aux parlementaires pour entériner par anticipation, dans une sorte de politique-fiction, des débats qui n'ont pas encore eu lieu, ce qui, de notre point de vue, n'augure rien de bon. De plus, nous ne sommes toujours pas d'accord avec le choix de transformation de la SNCF en société anonyme.

Notons également que des propositions du Sénat permettent d'élargir le contrôle parlementaire, ce qui constitue un moindre mal alors que la démarche générale tend plutôt à l'amoindrir. Nous y sommes donc favorables.

Nous avons, quant à nous, proposé un certain nombre d'amendements, car il nous paraît nécessaire que le contrôle parlementaire s'exerce sur d'autres nominations.

Quoi qu'il en soit, poser ce débat dans un tel cadre ne permet pas à La France insoumise de soutenir ces textes, même si nous essaierons, par nos amendements, de contribuer à leur amélioration.

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Je ferai trois remarques.

Sur la forme, tout d'abord, comme cela a été dit, ce n'est pas très respectueux du Parlement et du débat parlementaire que de nous faire nous prononcer sur les conséquences d'ordonnances et d'une loi qui n'ont pas encore été ratifiées ou examinées. À tout le moins, vous mettez, si j'ose dire, la charrue avant les boeufs ! Un tel irrespect du Parlement emportera le rejet de ces textes par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Sur le fond, ensuite. Si, après la révision constitutionnelle de 2008, il y a eu une évolution, je rappelle tout de même que c'était une même commission du Sénat et de l'Assemblée nationale qui devait se réunir et se prononcer par un vote sur les nominations, avant qu'il n'en aille différemment et que les commissions ne soient finalement distinctes.

Même si 2008 fut une avancée pour le contrôle parlementaire – sur laquelle vous revenez en partie avec ces textes –, il serait à nos yeux préférable, comme nous l'avions dit en 2008, que la validation des nominations repose sur un vote positif des trois cinquièmes des deux commissions et pas seulement sur un droit de veto devant être exprimé à la même hauteur. Au passage, je signale que la commission dite Bartolone-Winock sur l'avenir des institutions, en 2015, avait également préconisé que ces nominations soient validées par un vote positif au trois cinquièmes des deux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat.

S'agissant des postes visés, en l'occurrence, je note un certain nombre de contradictions avec ce qui nous a été dit lors du vote, notamment, de la loi PACTE, le ministre de l'époque – je vous renvoie aux minutes des débats de l'Assemblée – s'étant engagé à ce que l'État reste maître de la gouvernance de La Française des Jeux en particulier. Maintenant, on nous propose de revenir sur cet engagement.

S'agissant de la SNCF, nous reviendrons au cours de notre discussion sur les nombreux pièges qui existent, mais je souligne d'ores et déjà celui qui consiste à limiter le contrôle, comme le propose la loi, à la seule nomination du directeur général. La société peut, en effet, ensuite, se réorganiser, répartir différemment les responsabilités entre la présidence et la direction générale, ce qui éloignerait encore un peu plus le contrôle parlementaire sur elle.

Nous sommes donc farouchement opposés à ces textes, sur la forme comme sur le fond.

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Je présenterais quelques éléments de réponse.

Je prends acte, tout d'abord, des propos de notre collègue Philippe Latombe concernant la HADOPI en lui précisant que nous serons vigilants à l'avenir, mais que l'objet de ces textes est différent.

Je laisse de côté les désaccords politiques des députés Danièle Obono et Stéphane Peu, même si je comprends la préoccupation qui a été exprimée s'agissant de la procédure de validation. Cela relève toutefois d'un débat constitutionnel qui excède un peu le nôtre aujourd'hui. Le vote des deux commissions étant dépouillé en même temps, cela équivaut à un vote commun ; leur distinction n'a rien de scandaleux – en tout cas, cela n'a que peu scandalisé les constitutionnalistes, dont je suis.

Je m'associe aux remarques de Philippe Gosselin concernant l'extension de la procédure à la CADA, qui a une mission de protection des libertés publiques, à laquelle le Conseil constitutionnel est également vigilant.

Je tiens également à rassurer Pierre Morel-À-L'Huissier et Danièle Obono à propos de l'anticipation du vote des textes qui n'ont pas encore été adoptés, ce qui reviendrait, selon eux, à forcer la main au Parlement. Franchement, nous n'en sommes pas du tout là ! Il est vrai que le projet de loi sur l'audiovisuel n'a pas encore été examiné mais il s'agit, en l'occurrence, exclusivement de prolonger les mandats de la HADOPI qui arrivent à terme afin de permettre simplement à son président de mener les négociations en vue d'une éventuelle fusion avec le CSA. Nous aurions été plus ennuyés, si le mandat était échu, de rencontrer des difficultés dans la procédure de renouvellement du Président de cette autorité ou d'avoir à faire appel à un nouveau venu alors que des négociations sont en cours. Il n'est pas du tout question de forcer la main du Parlement mais, au contraire, de créer les conditions permettant la tenue d'un débat.

Nous nous sommes beaucoup interrogés à propos de la SNCF. S'il est impossible de soumettre à la même procédure deux autorités dont l'une est hiérarchiquement soumise à l'autre, il est en revanche possible de réfléchir aux modalités permettant d'améliorer le dispositif proposé. Nous pouvons y réfléchir dans la perspective de l'examen de ce texte.

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Nous en venons à l'examen de l'article unique du projet de loi organique.

Article unique (tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution) : Avis des commissions parlementaires sur les nominations du Président de la République

La Commission est saisie de l'amendement CL1 de M. Ugo Bernalicis.

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Il s'agit d'élargir le nombre d'organismes où les nominations devraient faire l'objet d'un contrôle parlementaire en visant en l'occurrence l'Agence Business France, établissement public à caractère industriel et commercial dont les missions sont l'aide au développement international des entreprises françaises et à leurs exportations, l'information et l'accompagnement des investisseurs étrangers en France, la promotion de l'attractivité du pays, de ses entreprises et des territoires, autant de domaines particulièrement importants.

Il a d'ailleurs été question de cet organisme ces dernières années, à l'occasion d'un certain nombre d'affaires, qui semblent toujours en cours, impliquant des responsables politiques actuels, dont la ministre Mme Pénicaud. Compte tenu, plus généralement, de l'importance de ce type d'agences, celle-ci doit être incluse dans les procédures de nomination dont nous débattons, car elle doit rendre des comptes sur son action.

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J'ai déjà fait part de notre bienveillance de principe à l'endroit de l'extension de la liste des organismes soumis à la procédure prévue par l'alinéa 5 de l'article 13 de la Constitution, mais je crois que nous devons faire preuve de discernement.

L'Agence Business France accompagne les entreprises dans leurs démarches et valorise leurs projets mais, lorsque l'on observe les choses d'un peu plus près, on constate qu'elle ne dispose pas de l'indépendance de la plupart des organismes auxquels nous faisons référence puisqu'elle participe pleinement aux politiques définies et appliquées par les ministères de l'économie et des affaires étrangères. Elle ne dispose pas davantage de moyens de contrôle ou de sanctions. De mon point de vue, elle n'a donc pas l'importance exigée par la Constitution.

La Commission rejette l'amendement

Elle examine l'amendement CL4 de Mme Danièle Obono

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Nous proposons d'ajouter la Direction générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) à la liste des fonctions pour lesquelles un avis parlementaire s'impose en matière de nomination.

L'ANSM est un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle du ministère chargé de la santé. Exclusivement financé par une subvention de l'État, elle a plusieurs missions : l'évaluation scientifique et technique des médicaments et des produits biologiques, la délivrance des autorisations de mise sur le marché, la mise en oeuvre des systèmes de vigilances relatifs aux produits de santé destinés à l'homme et aux produits cosmétiques, la réalisation de contrôles en laboratoire et la réalisation d'inspections pour tous les produits de santé relevant de sa compétence, y compris sur le plan international.

Elle nous semble devoir faire l'objet d'une attention parlementaire particulière compte tenu de l'étendue de ses compétences et en raison de son exposition dans un certain nombre d'affaires. Je pense au Médiator, à l'essai clinique de Rennes en 2016 ou au Lévothirox en 2017. Les enjeux étant essentiels en termes de santé publique et de transparence, la direction générale de cet établissement devrait être soumise à la procédure de l'article 13, alinéa 5 de la Constitution.

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À l'inverse de ce que je viens de dire s'agissant de l'Agence Business France, j'ai le sentiment que les deux organismes que vous évoquez ont un rôle important, notamment du fait de leur pouvoir de décision en matière de police sanitaire ou de leur expertise comme vous l'avez très justement rappelé. Leur indépendance est, en effet, une exigence fondamentale dans l'exercice de leurs missions. De ce point de vue, les deux agences jouent un rôle important dans la vie économique et sociale de la Nation.

L'avis des commissions compétentes sur la nomination à leur direction générale constituerait, en ce sens, une garantie supplémentaire d'indépendance pour les agences qui, vous l'avez aussi rappelé, peuvent être soumises à des lobbies divers.

Il s'agit, enfin, d'un gage supplémentaire de responsabilité pour ces organisations, qui seront ainsi placées sous l'oeil vigilant du Parlement et dont le suivi des politiques publiques sera accru.

Je suis donc favorable à cet amendement.

La Commission adopte l'amendement.

La Commission en vient à l'amendement CL2 de M. Ugo Bernalicis

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Nous proposons la suppression de l'alinéa 9 en cohérence avec notre opposition à la privatisation de La Française des Jeux prévue par la loi PACTE.

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Je comprends votre opposition politique de principe, mais cette réforme a été adoptée dans le cadre de la loi PACTE, et la société a été introduite en bourse le 7 novembre dernier. Sa présidence n'entre donc plus dans la catégorie des emplois civils et militaires relevant du pouvoir de nomination du Président de la République après avis préalable du Parlement.

Avis défavorable.

La Commission rejette l'amendement

Elle est saisie de l'amendement CL5 de Mme Danièle Obono

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Dans le même ordre d'idée, il s'agit de supprimer les alinéas 13 et 14 car nous sommes opposés à la loi de 2018 de privatisation de la SNCF.

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Vous voulez maintenir le système de nomination tel qu'il existait jusqu'à aujourd'hui alors que la SNCF a été transformée en une société unifiée, dont SNCF Réseau et SNCF Voyageurs deviennent les filiales. Encore une fois, la procédure est privée d'objet.

La Commission rejette l'amendement

Elle examine l'amendement CL6 du rapporteur

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Nous revenons au dispositif initial du Gouvernement. La transformation des trois anciens EPIC de la SNCF en une structure unique justifie que le Parlement, au travers de ses commissions compétentes, soit appelé à se prononcer sur la seule nomination du directeur général, les autres dirigeants lui étant hiérarchiquement subordonnés. Dans le cas contraire, cela entraînerait un potentiel conflit de légitimité qui, cela relève du bon sens, me paraît peu opportun.

La Commission adopte l'amendement

Puis elle adopte l'article unique modifié

Article 1er (tableau annexé à la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution) : Coordinations

La Commission examine l'amendement CL1 de M. Ugo Bernalicis, qui fait l'objet du sous-amendement CL7 du rapporteur

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Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement précédemment voté dans le projet de loi organique concernant l'ANSM et l'ANSES.

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Le sous-amendement CL7 vise en effet à ne reprendre que l'ajout de ces deux agences dans la liste annexée à la loi ordinaire du 23 juillet 2010.

La Commission adopte successivement le sous-amendement et l'amendement CL1 ainsi sous-amendé.

Elle examine les amendements CL3 de Mme Danièle Obono et CL2 de M. Ugo Bernalicis

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Ils relèvent de notre opposition aux dispositions concernant La Française des Jeux et la SNCF.

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Avis défavorable pour les raisons déjà exprimées.

La Commission rejette successivement les amendements

Elle adopte l'amendement CL6 de coordination du rapporteur.

Puis elle adopte l'article 1er modifié.

Article 1er bis (art 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) : Coordination relative à la dénomination de l'Autorité nationale des jeux

La Commission adopte l'article 1er bis sans modification.

Article 2 : Prolongation des mandats des six membres de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI

La Commission est saisie de l'amendement CL4 de Mme Danièle Obono.

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Nous ne souhaitons pas anticiper le débat et le vote du projet de loi relatif à l'audiovisuel. Pour des raisons de méthode et de fond, c'est problématique.

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Cet article propose simplement de prolonger les mandats des membres actuels de la HADOPI. En outre, le Conseil d'État a considéré dans un avis sur le présent projet de loi qu'une telle prolongation était justifiée « par un intérêt général suffisant et ne prolonge les mandats que pour des durées raisonnables ».

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Pour une institution que l'on disait mort-née, la fin de vie se prolonge !

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle adopte l'article 2 sans modification.

Article 3 (art. L. 2102-8, L. 2102-9-1 [nouveau], L. 2111-16 et L. 2133-9 du code des transports) : Modalités de nomination des dirigeants de la société nationale SNCF et de SNCF Réseau

La Commission est saisie de l'amendement de suppression CL5 du rapporteur.

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Il s'agit d'un amendement de coordination avec le rétablissement des dispositions du projet de loi organique relatives à la soumission aux commissions parlementaires compétentes de la nomination du directeur général de la société nationale SNCF.

La Commission adopte l'amendement, et l'article 3 est supprimé.

La Commission adopte le projet de loi modifié.

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Les projets de loi seront examinés le mercredi 22 janvier dans l'hémicycle.

La réunion se termine à seize heures trente.

Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné M. Olivier Marleix rapporteur sur la proposition du Président de la République de nommer M. Didier Migaud en qualité de président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Laetitia Avia, M. Erwan Balanant, M. Xavier Breton, Mme Bérangère Couillard, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Christophe Euzet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Émilie Guerel, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, M. Philippe Latombe, Mme Alexandra Louis, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Stéphane Peu, M. Jean-Pierre Pont, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Laurence Vichnievsky, M. Guillaume Vuilletet, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Hélène Zannier

Excusés. - Mme Huguette Bello, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Éric Ciotti, M. Philippe Dunoyer, Mme Paula Forteza, Mme Marietta Karamanli, Mme Maina Sage

Assistaient également à la réunion. - Mme Sophie Auconie, Mme Clémentine Autain, Mme Valérie Boyer, Mme Albane Gaillot, Mme Laurence Gayte, Mme Bénédicte Pételle, Mme Florence Provendier