Intervention de Stéphane Peu

Réunion du mercredi 15 janvier 2020 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu :

S'agissant d'un tel enjeu, compte tenu du retard que notre pays a pris et de l'accumulation des drames qui se répètent, toute évolution de la législation permettant de renforcer la lutte contre les violences conjugales ou intrafamiliales recevra l'assentiment du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Néanmoins, je rejoins Mme Clémentine Autain : une loi-cadre en début de mandat aurait peut-être permis de traiter l'ensemble des sujets.

C'est d'autant plus vrai que, depuis le début de la législature, on avait l'impression que la question de l'égalité hommes-femme et des violences conjugales était l'apanage, au sein de l'exécutif, d'un ministère de la parole extrêmement bavard mais qui devenait muet dès que l'on examinait la loi de finances et les moyens dévolus à sa politique. Il a fallu l'initiative du groupe Les Républicains, à travers la proposition de loi de notre collègue Aurélien Pradié, pour qu'on cesse enfin d'être dans le registre de la parole pour aller vers une traduction législative de ce que devait être une lutte efficace contre les féminicides et les violences conjugales.

Cette proposition de loi est bienvenue parce qu'elle renforcera utilement ce combat dans un certain nombre d'aspects, notamment pour tout ce qui relève des violences conjugales, de la protection des enfants et des dispositifs de présentation et de protection. À ce sujet, je rappelle qu'au moment de l'examen de la proposition de loi de M. Aurélien Pradié, j'avais fait voter, contre l'avis du Gouvernement et d'une partie de la majorité. un amendement portant sur la médiation, notamment sur la fin du principe du contradictoire, Je constate que ce dispositif est conforté dans la présente proposition et qu'il est même envisagé de le renforcer. Je m'en réjouis et j'en félicite la rapporteure, qui n'y est sans doute pas pour rien. On le voit, faire voter un amendement contre l'avis du Gouvernement permet de faire cheminer des idées et donne raison à l'Assemblée nationale, ce qui est une bonne chose.

Vous le savez, la Seine-Saint-Denis est un département pionnier dans le domaine de la lutte pour l'égalité et contre les violences. Les associations y sont nombreuses et certains services de l'État, au parquet, dans les services de police et au sein de l'hôpital public, sont très impliqués. Je travaille en étroite relation avec ces associations et ces services et je les consulte ; certains de leurs représentants ont été auditionnés et, je dois le dire d'emblée, ils ont fait état d'un avis plutôt favorable à la proposition de loi, ce dont je me félicite.

J'ai deux observations dont nous aurons l'occasion de débattre en examinant les articles. La première a été évoquée par Mme Clémentine Autain : elle concerne le secret médical, qui est un sujet de débat. Les associations que j'ai interrogées – je ne parle pas ici des professionnels de santé – sont toutes hostiles à la levée du secret médical, partant du principe qu'elle serait de nature à rompre une relation de confiance. Lorsque l'on connaît les contextes de violence et de pression, une telle mesure peut aboutir à ce que le médecin, auquel on peut parler librement et exposer ses maux physiques et psychologiques, cesse d'être cet interlocuteur puisqu'il ne garantit plus le secret. C'est une véritable question. La levée de la confidentialité pourrait provoquer des déficits d'information et de recours pour les victimes. Toutes les associations, quelle que soit leur place dans le dispositif, y sont hostiles, à tout le moins en Seine-Saint-Denis. Je tiens certains de leurs documents, que j'ai sous les yeux, à votre disposition.

Enfin, on ne peut pas donner un avis sur une proposition de loi de ce type – c'était le cas également concernant la proposition de M. Aurélien Pradié – sans parler de la question des moyens. Dans le cadre du Grenelle contre les violences conjugales, des annonces ont été faites ; dans une période récente, tous les retours du terrain disent qu'il s'agit d'une immense supercherie, notamment en ce qui concerne les questions d'hébergement. Aucune association ou structure publique ne peut vous dire qu'elle est capable, avec les montants alloués et les cahiers des charges exigés, de réaliser une unité d'hébergement prévue dans le cadre de ce Grenelle. C'est une équation impossible et les hébergements ne se font donc pas, c'est bien dommage.

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