Les projets de lois organique et ordinaire que nous examinons étaient initialement conçus comme des textes techniques visant à tirer les conséquences de diverses réformes intervenues au cours des derniers mois sur l'alinéa 5 de l'article 13 de la Constitution. Introduite par la réforme constitutionnelle de 2008, cette disposition confère au Parlement un droit de veto sur certaines nominations proposées par le Président de la République « en raison de leur importance pour la garantie des droits et des libertés ou la vie économique et sociale de la Nation ».
Ce droit de veto s'exerce sous la forme d'une audition par la commission compétente de chacune des deux chambres de la personne dont la nomination est envisagée. À la suite de cette audition, la nomination peut être repoussée selon la règle des trois cinquièmes négatifs.
La loi organique du 23 juillet 2010, que nous nous apprêtons à modifier, fixe une liste d'une cinquantaine d'emplois et de fonctions concernés par cette procédure. Des réformes intervenues récemment invitent à la mettre à jour : c'est pourquoi le projet de loi organique déposé par le Gouvernement vise à substituer l'Autorité nationale des jeux à l'Autorité de régulation des jeux en ligne, l'ARJEL, et à retirer de la liste le président de la Française des jeux, dans le prolongement des réformes adoptées dans la loi Pacte.
D'autre part, la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire a institué un groupe public ferroviaire unifié mettant fin à Réseau ferré de France, RFF, qui réunissait trois établissements publics industriels et commerciaux.
Pour tenir compte de cette transformation, le projet de loi organique ajoute le directeur général de la SNCF à la liste des nominations relevant de l'article 13 de la Constitution. Par ailleurs, il modifie l'intitulé de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, devenue au 1er octobre 2019 l'Autorité de régulation des transports.
Tel était donc le périmètre initial du projet de loi organique. Le Sénat a élargi la liste des nominations relevant de l'article 13 de la Constitution, en y incluant le président de la Commission d'accès aux documents administratifs et le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Notre commission des lois a jugé utile cet apport du Sénat. Elle a en outre, sur proposition du groupe La France insoumise, ajouté à cette liste le directeur général de l'ANSM et celui de l'ANSES. Cet élargissement nous semble opportun, compte tenu du rôle important de ces deux agences, et du caractère sensible des enjeux qu'elles doivent traiter.
Par ailleurs, j'évoquerai l'article 2 du projet de loi ordinaire, qui vise à proroger jusqu'au 25 janvier 2021 le mandat des membres de la HADOPI, dans l'éventualité d'une fusion de celle-ci avec le CSA, qui devrait être débattue dans le cadre de l'examen du futur projet de loi relatif à l'audiovisuel.
Certains ici affirment que voter l'article équivaut à présager de l'issue de celui-ci. Au contraire, c'est faire preuve de réalisme : en prolongeant le mandat précité, nous évitons de procéder à de nouvelles nominations, ce qui permet de réaliser une économie de temps. Si le texte n'est pas voté, cela permettra d'en tirer les conséquences sur les missions des titulaires qu'il faudra nommer alors. Ainsi, ces nominations seront effectuées en toute connaissance de cause.
Si le fond de l'article n'appelle aucune remarque particulière, je tiens à rappeler qu'il faudra faire preuve de prudence, en raison de la non-conformité potentielle de la HADOPI à la jurisprudence « Tele 2 » de la Cour de justice de l'Union européenne, d'après laquelle la conservation généralisée et indifférenciée des métadonnées, même à des fins de lutte contre la criminalité, est contraire au droit communautaire. Plus généralement, il me semble utile de s'interroger, à l'avenir, sur l'efficacité de la HADOPI rapportée à son coût.
Cette précision formulée, et compte tenu des observations qui précèdent, le groupe MODEM et apparentés votera pour les deux textes.