Intervention de Ugo Bernalicis

Séance en hémicycle du mardi 28 janvier 2020 à 21h30
Protection des victimes de violences conjugales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Je tiens d'abord à relayer auprès de vous la déception des associations, des collectifs de tous les citoyens et citoyennes engagés au sein des établissements scolaires, écoles, collèges et lycée, des établissements d'enseignement supérieur, des administrations, des entreprises, et dans la rue, pour que la loi joue son rôle protecteur face à des violences dont on sait qu'elles sont avant tout systémiques.

Un tel défi ne pouvait être relevé sans une loi-cadre, à laquelle serait adossé un budget conséquent : un milliard d'euros, voilà ce que les associations réclament en choeur et que les manifestantes de « Nous toutes » ont scandé en novembre dernier lors d'une manifestation à l'ampleur inédite sur le sujet.

Un milliard, je le précise, nous semble être un minimum, surtout si l'on compare cette somme aux 4,5 milliards d'euros dont s'est privé l'État chaque année en substituant à l'impôt de solidarité sur la fortune l'impôt sur la fortune immobilière, ou encore aux milliards dépensés pour la flat tax ou le CICE – crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – transformé en allégement de charges.

Le volontarisme politique exige des moyens, et le Gouvernement a montré au travers de ses mesures en faveur des plus riches qu'il pouvait parfois desserrer la ceinture budgétaire. Mais pour la grande cause du quinquennat qu'est censée être la lutte contre les violences faites aux femmes, on repassera. Votre budget, madame Schiappa, est d'une stabilité assommante. Votre communication n'y change rien : elle cache la misère mais ne modifie pas la réalité.

L'ambition de cette proposition de loi est donc contrariée par l'absence d'enveloppe budgétaire. Faute de moyens, le texte ne peut pas être à la hauteur des besoins pour accompagner le mouvement de libération de la parole.

Pire encore, lorsque j'ai rendu visite à l'association SOLFA – solidarité femmes accueil – à Lille, qui accueille des femmes victimes, ses responsables m'ont expliqué que la campagne d'information sur le numéro 3919, lancée le 3 septembre 2019, avait eu pour effet une hausse du nombre d'appels locaux, auxquels elles ne disposent pas des moyens de répondre. C'est un crève-coeur pour toutes celles et tous ceux qui travaillent dans cette association que de penser à ces appels manqués, à ces femmes qui ne rappelleront pas ensuite.

Vous pouvez faire un signe de dénégation, madame la secrétaire d'État, mais, sans doute vous diront-elles la même chose qu'à moi lorsque vous y retournerez, et vous leur donnerez les moyens nécessaires pour répondre à tous les appels.

Certaines mesures sont bienvenues : l'interdiction de la médiation pénale, réclamée par les mouvements féministes depuis très longtemps, est une vraie bonne nouvelle ; le durcissement de certaines peines pour des faits aggravants est également justifié, nous le saluons ; quant à la saisine des armes chez un homme violent, qu'il s'agisse d'armes de chasse ou d'armes de service pour les membres des forces de l'ordre, elle va évidemment dans le bon sens.

Mais ces petites avancées doivent être jugées à l'aune de ce qu'une loi-cadre, accompagnée d'un budget, aurait pu apporter.

Dans la lutte contre les violences faites aux femmes, tout le volet prévention doit servir de levier. Les mécanismes qui nourrissent les violences conjugales et qui mettent en mouvement le bras de l'agresseur trouvent leur origine dans l'éducation des enfants, dans les stéréotypes qui forgent les comportements sociaux dès le plus jeune âge.

Cette proposition de loi ne comporte que des ajustements, alors que nous aurions pu chercher à endiguer les violences avant même qu'elles s'exercent.

Une loi ambitieuse se serait intéressée à la formation des policiers, des gendarmes, des magistrats et des personnels de santé. Pour ce qui est des policiers et des gendarmes, avoir réduit de douze à neuf mois la durée de leur formation en augmentant leur charge de travail – en la matière, vous êtes tributaires des décisions du Gouvernement précédent mais vous ne les avez pas modifiées – n'est pas la meilleure manière de préparer à ces enjeux.

Une loi ambitieuse aurait envisagé l'embauche de médecins légistes, dont tous les départements ne sont pas dotés, pour qu'une femme victime de viol à Évreux ne soit plus obligée d'aller à Caen pour faire constater les sévices qu'elle a subis.

Une loi réellement ambitieuse aurait eu à coeur de renforcer les moyens des associations spécialisées dans l'accompagnement des femmes victimes de violences, lesquelles sont aujourd'hui mises à mal par la fin des contrats aidés et par la baisse des subventions, conséquences concrètes des choix économiques faits par votre gouvernement.

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