le cas des parlementaires et des membres du Conseil constitutionnel était en permanence évoqué, et je tempérais les propos que j'entendais en leur disant que l'arbre de l'injustice dans le public ne doit pas cacher la forêt des inégalités dans le privé.
Je reviens à l'instant de l'hôtel Ibis, aux Batignolles, où vingt-quatre salariés, femmes de ménage et femmes de chambre, sont en grève depuis plus de six mois. Il y a Sylvie, Salah, Rachel, j'interroge l'une d'elles pour lui demander quel est son quotidien : elle partait de la gare de Vernon à cinq heures quarante-cinq du matin, arrivait à la gare Saint-Lazare, puis prenait la ligne 13 du métro jusqu'à l'hôtel, tout cela pour un service de quelques heures. Vient l'usure, avec des problèmes de bras, des troubles musculo-squelettiques, et toujours le risque d'être déplacée en attendant d'être virée. D'où la revendication d'une prime d'habillage et de la prise en compte des frais de déplacement. Et la direction de cet hôtel trois étoiles à 120 euros la chambre leur répond, depuis six mois, que ce n'est pas possible.
Mon premier réflexe a été de taper sur mon téléphone portable : « Accor actualité ». Je suis alors tombé sur un article tout récent du Figaro : « Accor poursuit ses retours aux actionnaires », soit 300 millions d'euros de rachat d'actions qui s'inscrivent dans un plan d'1 milliard. Comment comprendre qu'il n'y ait rien pour ces femmes de ménage quand s'opère ce grand gavage. On le sait, cela vient d'être annoncé : les dividendes du CAC 40 ont battu un record absolu en 2019 puisqu'ils ont atteint 60 milliards d'euros, même mon collègue Patrick Mignola, du MODEM, s'en étonnait. La part des bénéfices redistribuée en dividendes a triplé depuis les années 80, à l'heure où l'on compte 400 000 pauvres de plus en une année dans le pays, à l'heure où le taux de pauvreté atteint presque les 15 % !
Je suis donc favorable au plafonnement des indemnités dans le public. Mais plafonnons, plafonnons, plafonnons ! Plafonnons aussi les sur-revenus des plus riches dans le privé !
Jean Jaurès disait : « La République a rendu les Français rois dans la cité, et les a laissés serfs dans l'entreprise. » Je ne sais pas s'il faut les rendre rois dans l'entreprise, mais en tout cas il faut qu'ils cessent d'être serfs pour devenir citoyens !