Monsieur le rapporteur, la présente proposition de loi a une histoire, qui est d'abord la vôtre : force est de reconnaître votre opiniâtreté et votre constance dans l'effort que vous menez, depuis de nombreuses années, pour réduire les abus et favoriser la transparence. Dans votre rapport, vous citez René Dosière ; je reconnais bien là une filiation, et c'est à votre honneur.
Cet effort, nous le fournissons aussi parce que durant le grand débat, des montants ont été cités et ont choqué nos concitoyens, alors même que s'exprimait sur les ronds-points une forme de désespoir social. Par ailleurs, le fait qu'une structure qui était pourtant conçue pour cela n'ait pas voulu assumer son rôle de garante du grand débat n'a pas arrangé les choses. C'est dans ce contexte que vous avez rédigé votre proposition de loi, et je comprends que nombre de nos collègues aient décidé de la cosigner : l'actualité, en effet, était alors choquante.
Mais l'histoire, entre-temps, a continué, notamment avec l'adoption de la loi de transformation de la fonction publique, dont plusieurs dispositions – je songe à celles concernant la déontologie ou à celles, sur laquelle je reviendrai, prévues dans le décret qui doit encadrer le cumul de la retraite et de la rémunération des membres des AAI – , ont répondu, souvent à votre initiative, d'ailleurs, aux exigences exprimées dans la présente proposition de loi.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? Quel est l'état du débat ? Je tiens à faire un point sur cette question, car nous avons eu, en commission, des débats assez tranchés sur la genèse de l'effort de transparence en cours.
Je reconnais volontiers, chère Cécile Untermaier, que la majorité actuelle n'a pas inventé la transparence : des efforts ont été faits avant nous. La HATVP – la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique – existe maintenant depuis longtemps. Je dirai même que les AAI dénoncées avaient justement été conçues pour porter un regard extérieur à même de contrôler et de révéler l'action publique : il y a une douce ironie à légiférer pour prévenir les abus de structures qui avaient précisément vocation à favoriser la transparence.
Reconnaître cette réalité, toutefois, ne doit pas nous conduire à gommer les efforts fournis par le gouvernement actuel en faveur de la transparence de la vie publique, que le rapporteur a d'ailleurs souligné avec beaucoup d'élégance. Je ne reviendrai pas sur le détail de chacun des textes votés, mais la loi pour la confiance dans la vie politique, la loi de transformation de la fonction publique, qui renforce la déontologie et l'encadrement, ou encore le projet de loi organique relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, récemment adopté en première lecture, grâce auquel nous devrions intégrer la CADA et l'OFII – la Commission d'accès aux documents administratifs et l'Office français de l'immigration et de l'intégration – parmi les organismes dont la désignation des dirigeants s'exerce sous le contrôle du Parlement, participent d'un mouvement dont le Gouvernement et la majorité peuvent, selon moi, être fiers, et qui nous rend sereins.
Deux des articles de la présente proposition de loi sont, à mon sens, déjà satisfaits.
Le troisième, vous l'avez signalé, n'est pas le plus anodin : assurer, au travers d'un rapport, la transparence de ces rémunérations constitue le meilleur contrôle démocratique que nous pouvons instaurer. Cet exercice influera, par une forme de rétroaction, sur le niveau même des rémunérations, nous n'en doutons pas.
L'article 1er devrait être, comme le ministre l'a signalé, très largement satisfait par le décret en cours d'examen par le Conseil d'État. On peut tancer le Gouvernement pour son retard à concrétiser certains engagements inscrits dans la loi de transformation de la fonction publique, mais, très sincèrement, il me semble que ceux qui ont un peu d'ancienneté – je n'en suis pas, mais c'est le cas de certains d'entre nous – peuvent reconnaître que ce gouvernement produit des décrets plus rapidement qu'à d'autres époques. Nous attendons le retour du Conseil d'État avec sérénité, et je crois que le décret à venir répondra à l'exigence exprimée dans l'article 1er.
Reste l'article 2, qui porte sur les rémunérations, question qui fera elle aussi l'objet d'un décret. Il prévoit de plafonner les rémunérations des présidents d'AAI. Sur ce point, je remarque que, dans le cas qui avait défrayé la chronique au moment du grand débat, le niveau de rémunération incriminé resterait autorisé par l'article 2 tel qu'il est rédigé, et même en cas d'adoption de votre amendement, monsieur le rapporteur. Reconnaissons donc que cet article souffre d'une certaine vanité : dans un pays où une partie de nos concitoyens vit une souffrance sociale considérable, la rémunération accordée aux acteurs publics, quelle qu'elle soit, sera toujours perçue comme excessive. Vous le savez bien : nous entendons tous des remarques de cette nature, y compris concernant nos propres rémunérations.
Nous devons être cohérents. À quoi servent les AAI ? À contrôler l'action publique et à révéler des informations importantes. Nous avons donc, en la matière, besoin d'experts. L'ASN, l'Autorité de sûreté nucléaire, par exemple, doit employer des ingénieurs. De même, en Grande-Bretagne, la rémunération des membres de l'instance équivalente à l'Autorité des marchés financiers est deux fois et demie plus élevée qu'en France. On peut en être choqué, mais la vérité est que ces rémunérations sont importantes.
Vous évoquiez la motivation de ceux qui occupent de telles fonctions. Il ne s'agit pas, pour eux, de gagner de l'argent en acceptant ces postes, mais peut-on leur demander de diviser par deux ou par trois leur rémunération parce qu'ils souhaitent s'occuper de la chose publique ?