Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du jeudi 30 janvier 2020 à 15h00
Interdiction du cumul d'une pension de retraite et de certaines indemnités d'activité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Comment ne pas souscrire à une telle proposition loi ? Elle tend vers plus d'équité en coupant court aux petits privilèges et aux rémunérations que l'on peut, sans démagogie, qualifier d'opaques, sinon d'indécentes.

Il y a peu, l'ancien maire de Bordeaux, Alain Juppé, avait fait l'objet de quelques piques acides pour avoir vu son salaire plus que doubler après qu'il eut troqué son siège de maire pour celui de membre du Conseil constitutionnel, ledit salaire passant ainsi de 5 600 euros bruts à 13 300 euros nets par mois environ. Une bonne affaire, et cela d'autant plus qu'il faut ajouter à cette somme les différentes pensions liées à ses anciens mandats de maire de Bordeaux, de député et d'adjoint au maire de Paris : lui, au moins, n'aura pas de problèmes de retraite ! Des exemples comme celui-ci, la presse nous en abreuve quasi-quotidiennement. Difficile, ensuite, de s'étonner que les Français en aient assez du « faites ce que je dis et pas ce que je fais ».

Même ritournelle pour les personnels des autorités administratives indépendantes où, selon un rapport de 2017 de la Cour des comptes, « le nombre des emplois "hors plafond" a eu tendance à augmenter, témoignant d'un "point de fuite" du dispositif de pilotage de leur masse salariale ». En clair, non seulement les salaires s'envolent mais, en même temps, les indemnités et pensions de retraite peuvent s'accumuler quasiment à l'infini. Pour peu que vous soyez pantouflard, c'est le jackpot ! Autant dire que cela ne participe pas à unir la « France d'en bas », comme l'appellent certains, et la France d'en haut, celle de Paris ou des métropoles, avec ses postes qui permettent de toucher le gros lot en fin de parcours.

Au moment où les Français réclament plus de justice, d'équité et de transparence, cette proposition de loi a le mérite de mettre les pieds dans le plat. J'y souscris d'autant plus que, comme vous, monsieur le rapporteur, je crois que les personnes nommées à la tête des différentes agences de l'État ou du Conseil constitutionnel remplissent une mission d'intérêt général pour laquelle il n'est plus possible de laisser planer des doutes quant à leur motivation première.

Plus encore, je crois qu'il y va de la dignité de nos institutions. En décembre 2017 déjà – je devrais dire « encore » – la Cour des comptes a souligné l'absence de cadre clair définissant les politiques de rémunération des membres et présidents des 25 autorités administratives et publiques indépendantes. Cela doit changer, car ce n'est ni tenable ni acceptable – et d'autant moins en ces temps de défiance généralisée, où nos concitoyens ont l'impression que l'argent public n'est pas toujours utilisé de la meilleure façon.

Il est temps de donner un coup d'arrêt aux régimes particuliers et autres petites faveurs accordées à une poignée de privilégiés. Non pas pour sanctionner, mais pour restaurer l'image que peuvent se faire les Français de ceux qui sont censés travailler pour eux et être au service de l'État, et donc, il ne faudrait pas l'oublier, de la France.

Je me réjouis donc d'avoir cosigné cette proposition de loi qui a précisément pour but d'encadrer les rémunérations des personnes nommées au Conseil constitutionnel et dans les différentes agences de l'État. Revenir à l'idée d'un plafonnement en cas de cumul emploi-retraite me semble être une bonne chose. C'est d'ailleurs ce qui avait déjà été voté en 2014 lors de la réforme des retraites, avec un seuil annuel d'environ 65 000 euros. Malheureusement, un trop grand nombre de dérogations a porté un sérieux coup à la crédibilité de ce principe pourtant vertueux.

Il me semble donc non seulement juste, mais cohérent d'établir, comme le fait l'article 2 de la proposition de loi, que « Le montant de la rémunération des personnes nommées au sein des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l'État, tout traitement et indemnités confondus, doit être inférieur à la rémunération du Président de la République. » Cette mesure semble d'autant plus logique qu'il est difficile d'expliquer que le Président de la République est au sommet de nos institutions et qu'« en même temps » – encore !– plus de 600 hauts fonctionnaires gagnent plus que lui. Utiliser la rémunération du chef de l'État comme plafond est donc tout à fait cohérent, et j'y souscris pleinement.

Pour toutes ces raisons, je voterai sans hésiter et avec enthousiasme cette proposition de loi, qui n'est qu'une mesure de justice.

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