Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du jeudi 13 février 2020 à 15h00
Fonds de garantie des victimes du terrorisme — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui vise à clarifier et à améliorer la rédaction de l'article 706-5 du code de procédure pénale concernant les délais de forclusion de saisine de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions – CIVI – pour bénéficier du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions – FGTI.

En effet, la rédaction actuelle de cet article est source de contentieux défavorables aux victimes, et contraire à l'esprit de la loi du 15 juin 2000. Saisie par plusieurs avocats, j'ai examiné avec attention sa portée en matière de droit d'indemnisation des victimes et de délais de forclusion.

Je tiens d'abord à rappeler le cadre juridique de ce droit d'indemnisation.

L'article 706-3 du code de procédure pénale encadre le droit d'indemnisation des victimes. Actuellement, toute personne ayant subi un préjudice résultant d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, dès lors que ces faits ont entraîné la mort, une incapacité permanente, une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois, ou qu'ils relèvent des infractions suivantes : viol et autres agressions sexuelles, réduction en esclavage et exploitation de personnes réduites en esclavage, traite des êtres humains, proxénétisme, travail forcé et réduction en servitude, atteintes sexuelles sur mineur.

Je précise que sont exclues du champ d'application de cet article les infractions relevant de régimes spécifiques comme ceux applicables aux préjudices liés à l'amiante ou aux actes de terrorisme.

Concrètement, les victimes saisissent la CIVI qui transmet leur demande au FGTI, chargé de proposer un montant indemnitaire dans un délai de deux mois. En tant que juridiction, la CIVI peut ensuite soit homologuer l'accord si la victime accepte l'offre du FGTI, soit fixer le montant de l'indemnisation si la victime rejette l'offre.

La demande d'indemnité doit être présentée dans un délai de trois ans à compter de la date de l'infraction. En cas de poursuites pénales, le délai est prorogé et expire un an après la décision de la juridiction ayant statué définitivement.

Une fois la victime indemnisée, le FGTI est subrogé dans les droits dont celle-ci disposait et peut se retourner contre l'auteur des faits afin de lui réclamer le remboursement des indemnités versées.

Le régime de la forclusion applicable à ce dispositif a été modifié par la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. Ce texte a prévu, à l'article 706-15 du code de procédure pénale, l'obligation pour la juridiction pénale statuant en matière de dommages et intérêts d'aviser la victime de son droit de présenter une demande d'indemnité à la CIVI, et ce dans un délai d'un an. À l'époque, les victimes apprenaient souvent subitement, bien plus d'un an après le jugement, l'existence même des CIVI. Il fallait donc pallier un manque d'information ; il ne s'agissait pas d'une hypothèse d'école.

En complément, le Parlement a voté une disposition qu'il a voulue protectrice : la suppression du délai d'un an pour saisir la CIVI en l'absence d'avis donné par la juridiction.

Toutefois, alors que l'on pouvait déduire des travaux préparatoires de la loi du 15 juin 2000 que le délai d'un an courait à partir de l'avis donné par la juridiction ayant statué définitivement, telle n'a pas été l'interprétation retenue, en toute rigueur juridique, par la Cour de cassation.

Selon celle-ci, pour les victimes qui se sont vu allouer des dommages et intérêts par une juridiction, le délai d'un an ne court pas à compter de la décision ayant statué définitivement, comme pour les autres cas, mais à compter de l'avis donné par la première juridiction qui alloue des dommages et intérêts, même si la décision de cette juridiction n'est pas définitive.

Cette interprétation est juste du point de vue juridique mais, concrètement, elle désavantage les victimes auxquelles ont été alloués des dommages et intérêts et qui ne peuvent attendre la fin de la procédure judiciaire pour saisir la CIVI.

C'est pourquoi, avec l'appui des services du ministère de la justice, de la délégation interministérielle d'aide aux victimes, du FGTI et de plusieurs avocats, j'ai travaillé à une nouvelle rédaction de l'article 706-5 du code de procédure pénale – je veux d'ailleurs remercier l'ensemble des personnes qui m'ont aidée dans cette entreprise.

À la suite de ces travaux, j'ai proposé à la commission des lois une nouvelle rédaction de l'article 706-5 qui vise à créer un délai unique d'un an après la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l'action publique et sur l'action civile engagée devant la juridiction répressive pour présenter la demande d'indemnité. Cette nouvelle rédaction maintient l'obligation qui incombe à la juridiction d'informer les victimes ayant reçu des dommages et intérêts de leur possibilité de saisir la CIVI. Enfin, elle crée un cas permettant de relever automatiquement la forclusion si cette information n'a pas été donnée.

L'amendement contenant cette nouvelle rédaction a été adopté à l'unanimité par mes collègues de la commission des lois. Je les en remercie, et je vous remercie à nouveau, madame la présidente de la commission, de votre intérêt pour la proposition de loi et de votre soutien.

La rédaction de l'article 706-5 du code de procédure pénale sera désormais plus claire et plus simple. La présente proposition de loi contribue à améliorer les droits des victimes et respecte ainsi l'esprit de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. J'espère que notre proposition de loi fera de nouveau consensus aujourd'hui.

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