Puisque vous avez évoqué ma proposition de créer une Autorité de sûreté des sites SEVESO, monsieur le rapporteur, je me permets de dire que l'argument du nombre de sites à contrôler peut être écarté très facilement. En effet, il existe déjà des inspecteurs, qui contrôlent les 1 362 sites SEVESO, et ma proposition consiste tout simplement à les regrouper dans la même autorité. Il ne s'agirait pas de créer une nouvelle catégorie d'inspecteurs. D'ailleurs, j'observe que les ingénieurs de la DREAL, qui sont ingénieurs des mines, ont souvent l'occasion, au cours de leur carrière, de travailler également pour l'ASN : il existe des passerelles. Il n'est pas rare de voir des inspecteurs qui commencent à la DREAL et qui travaillent ensuite à l'ASN puis retournent la DREAL.
Loin de moi l'idée de mettre en cause le professionnalisme des inspecteurs, dont chacun a considéré, au cours de la mission, qu'il était très grand. Nous avons la chance d'avoir des ingénieurs de ce niveau dans une administration d'État. Cela dit, le fait de les regrouper dans une autorité indépendante constituerait, me semble-t-il – mais c'est une idée qui peut se discuter –, un moyen à la fois de rendre publics des avis et recommandations, ce qui permettrait de recréer la confiance, alors que celle-ci s'est érodée, d'identifier clairement une sorte de « gendarme », reconnu aussi bien par les exploitants que par les ONG. On voit bien, à travers l'expérience de l'ASN, que les informations partagées avec le public permettent de raconter ce qui se passe dans les entreprises, ce qui est essentiel. Il faut, coûte que coûte, rétablir la confiance. Cela contribue aussi, d'ailleurs, à créer la culture du risque dont il a été question dans nos échanges.
J'ajoute un point qui me paraît important : la question n'est pas vraiment de savoir si ces inspecteurs sont indépendants vis-à-vis de l'État, car ils sont fonctionnaires de l'État, comme ceux de l'ASN d'ailleurs. Il s'agit plutôt de remédier à la difficulté, que nous avons observée, qui tient au fait que le préfet a une double mission – et, je le précise, je ne parle pas intuitu personae. Il est à la fois celui qui participe au développement économique et celui qui assure la protection des populations. La création d'une autorité exerçant un travail de contrôle et d'inspection, puis mettant ce travail à la disposition du préfet, lequel resterait décisionnaire en ce qui concerne les autorisations, me semblerait tout simplement de nature à offrir un peu plus de transparence et d'indépendance.
En revanche, je le dis très clairement, il n'y a pas d'opposition entre cette Autorité de sûreté des sites SEVESO et le Bureau d'enquête (BEA) que le rapporteur propose de créer : il y a là deux objets différents, qui pourraient être complémentaires et contribuer, l'un comme l'autre, à créer plus de confiance dans le secteur de l'industrie. Nous sommes à un moment où se fait sentir le besoin de contrôle, mais aussi d'autocontrôle à l'intérieur de l'État. D'ailleurs, c'est aussi comme cela que fonctionne parfois l'industrie. Il ne s'agit pas de remettre en cause le travail effectué à l'heure actuelle, mais d'offrir des garanties supplémentaires aux personnes qui sont extérieures à l'industrie, comme du reste au fonctionnement de l'État et des préfectures : cela leur permettrait d'avoir une meilleure compréhension de ce qui se passe. La question du tiers de confiance est revenue dans un grand nombre des témoignages que nous avons reçus. Je suis le premier à regretter qu'il n'y ait plus suffisamment de personnes qui considèrent que l'État est ce tiers de confiance ; c'est la raison pour laquelle je continue à penser qu'il faut confier à des fonctionnaires des missions de cette nature, tout en organisant les choses de telle manière qu'il y ait, malgré tout, des systèmes de contrôle comme d'autocontrôle. C'est le point de vue que j'ai souhaité défendre dans mon avant-propos.