Monsieur le ministre, la rapporteure spéciale du Conseil des droits de l'homme (CDH) des Nations unies a effectué une visite en France en mai 2018 sur les questions liées à la lutte contre le terrorisme. Elle a émis à cette occasion des observations positives, mais a également constaté plusieurs problèmes attentatoires, à ses yeux, aux droits de l'homme et formulé plusieurs recommandations parmi lesquelles la création d'un organe d'experts pour exercer un contrôle sur l'ensemble de la loi.
Elle a recommandé aussi d'établir si cette loi est utile compte tenu des principes de nécessité, de proportionnalité et de non-discrimination, et de renforcer le rôle du Parlement – ce que nous sommes en train de faire en ce moment.
Je souhaite revenir sur quelques points, car il me paraît effectivement important de voir si les mesures de la loi SILT sont véritablement fondées.
Pouvons-nous quantifier la plus-value représentée par les périmètres de protection ? Je ne suis pas un spécialiste, mais il me semble que le marché de Noël de Strasbourg était bien un périmètre protégé. Cela n'a pas empêché un attentat.
S'agissant des MICAS, pour un certain nombre d'individus l'objectif est de parvenir à la réinsertion. Or cela peut s'avérer compliqué, certains devant pointer tous les jours voire plusieurs fois par jour au commissariat. Il arrive même, dans certains cas extrêmes, que la personne se soit vu interdire un certain périmètre par le juge et que ce soit dans ce périmètre précisément qu'elle doive aller pointer. Certaines actions peuvent ainsi s'avérer contradictoires.
Concernant les fermetures de lieux et les visites domiciliaires, la question principale qui se pose est de savoir combien de procédures judiciaires ont été engagées à l'issue de ces opérations et combien de condamnations ont été prononcées. Car c'est à l'aune de cela que nous pourrons juger véritablement de l'utilité de la loi.
Enfin, je crois que l'on vous fait un mauvais procès s'agissant de l'état d'urgence. En effet, à la fin de l'état d'urgence les policiers nous disaient eux-mêmes qu'ils ne savaient plus où perquisitionner, et qu'ils s'entendaient dire lorsqu'ils arrivaient quelque part : « c'est seulement maintenant que vous arrivez ? ». Dans de telles circonstances, une perquisition ne sert évidemment pas à grand-chose.
Les rapporteurs chargés du contrôle parlementaire de l'état d'urgence étaient MM. Jean-Frédéric Poisson et Jean-Jacques Urvoas. Or M. Jean-Frédéric Poisson n'a pas voté la continuation de l'état d'urgence, sur la question précisément de l'efficacité des perquisitions. Je crois donc que c'est un mauvais procès que l'on vous fait.