L'article vise à empêcher durant la période d'état d'urgence sanitaire le prélèvement de frais bancaires pour les personnes financièrement fragiles. Si nous ne pouvons qu'approuver l'objectif d'assister les plus précaires en période de crise, les modalités pratiques proposées demeurent problématiques.
Pour des raisons d'opportunité, d'abord. Certes, l'enjeu est considérable : 3,3 millions de Français sont en situation de fragilité financière. Mais l'enfer est pavé de bonnes intentions, et l'effet du dispositif pourrait être contraire au but recherché. Ainsi, l'interdiction de prélèvement pourrait exclure du service bancaire des clients jugés trop fragiles par les établissements.
Le Gouvernement a demandé dès décembre 2018 aux établissements bancaires de prendre leurs responsabilités en plafonnant les frais d'incident bancaire pour les personnes financièrement fragiles. Cette approche fondée sur la souplesse plutôt que sur la contrainte était inédite. À la lumière de l'examen de ses résultats – et du contrôle des obligations des banques – par l'Autorité de contrôle prudentiel et de régulation, elle semble porter ses fruits. En conférence de presse, le 21 février dernier, le ministre de l'économie et des finances a fait état de progrès notables : les frais d'incident ont été réduits pour plus d'1 million de personnes.
Pour des raisons juridiques, ensuite. Dépourvu de lien direct avec l'objet de la loi, qui est de préciser les conditions de prorogation de l'état d'urgence sanitaire, l'article constitue un cavalier législatif. Or le Président de la République a annoncé son intention de saisir le Conseil constitutionnel du texte. De plus, l'article porte une atteinte manifeste à des contrats préexistants, ce qui l'expose d'autant plus au risque d'inconstitutionnalité.