La crise sans précédent traversée par notre pays depuis deux mois et les circonstances exceptionnelles qui en découlent mettent à l'épreuve l'ensemble de notre société et de notre économie. Pour y faire face, notre cadre juridique a d'ores et déjà été adapté à cinq reprises depuis le début de l'épidémie, via les deux lois organique et ordinaire d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, la loi de prorogation de l'état d'urgence sanitaire et les deux lois de finances rectificatives des 23 mars et 25 avril derniers.
Ces adaptations législatives étaient indispensables pour répondre sans tarder à l'urgence sanitaire, sociale et économique. Elles ont doté l'État des moyens juridiques et budgétaires nécessaires pour affronter la crise, accompagner le confinement et limiter l'effondrement de notre économie.
L'urgence est toujours là cependant et appelle de nouvelles adaptations juridiques dans le contexte de la sortie du confinement. Il s'y ajoute l'urgence de situations qui auraient dû être réglées par la voie législative depuis deux mois, ou qui doivent l'être d'ici à l'été, et qui se trouvent dans une impasse en raison de l'impossibilité pour le Gouvernement de mener son programme parlementaire à son terme du fait de la crise sanitaire.
Oui, les délais d'examen sont courts, mais la situation, tout à fait inédite, l'exige. Face aux épreuves professionnelles comme personnelles qu'ils rencontrent, notamment le bouleversement de leur vie quotidienne, les Français ont montré une formidable capacité d'adaptation. Montrons-leur que l'Assemblée sait, elle aussi, s'adapter en toutes circonstances pour répondre aux bouleversements de leur quotidien et les accompagner au moment où ils en ont le plus besoin.
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans cette perspective, en habilitant le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnances dans de nombreux domaines. La variété des sujets abordés a conduit notre assemblée à constituer une commission spéciale pour l'examiner. Je tiens à saluer ses membres, qui ont alimenté des débats constructifs. Je remercie également sa présidente, Nathalie Elimas, qui a veillé à ce que nos discussions se déroulent dans le dialogue et l'écoute, tout en respectant un calendrier serré et des consignes sanitaires strictes mais indispensables.
Les quatre articles du projet de loi initial partagent un même objectif, clair et assumé : répondre le plus rapidement possible aux difficultés soulevées par l'épidémie, celles que les ordonnances précédentes n'ont pas résolues, comme celles, nouvelles, que la durée de la crise et le déconfinement ont fait survenir. Je n'engagerai pas ici l'inventaire de l'ensemble des dispositions du texte, car notre discussion en séance publique nous donnera l'occasion de poursuivre et d'approfondir l'examen attentif du projet de loi.
En commission, j'ai annoncé mon intention de veiller à clarifier le sens des habilitations et à lever d'éventuelles ambiguïtés ou difficultés de compréhension. C'est ainsi que j'ai défendu plusieurs amendements dont l'adoption a conduit à insérer dans le projet de loi des dispositions devant initialement être prises par ordonnances. D'autres propositions poursuivant le même objectif ont reçu, par souci de cohérence, un avis favorable. Au total, trente amendements ont été adoptés en commission, venant de la majorité comme de l'opposition, de la droite comme de la gauche.
Sont désormais inscrites dans le projet de loi les dispositions relatives à la prolongation du contrat de travail des travailleurs saisonniers étrangers, à la simplification de la mise en place d'accords d'intéressement dans les très petites entreprises – TPE – , à l'adaptation du fonctionnement des fédérations départementales et interdépartementales des chasseurs, à l'élargissement des missions des volontaires internationaux dans l'administration, à l'harmonisation de l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, à la mise à disposition d'agents publics territoriaux ou hospitaliers auprès des hôpitaux et des centres médico-sociaux, et à la neutralisation de la période d'interruption entre deux contrats à durée déterminée dans la fonction publique.
Nos travaux en commission ont également précisé le sens de certaines dispositions afin de lever les ambiguïtés et de circonscrire clairement le champ des habilitations. Je pense notamment à la compétence exclusive des régimes de retraite des indépendants pour affecter leurs réserves de retraite, aux modalités d'extension de l'expérimentation des cours criminelles ou aux garanties apportées à la réorientation des procédures des procureurs de la République.
Le dernier sens de ma démarche de rapporteur a été de veiller à la pleine information du Parlement sur la préparation et la rédaction des ordonnances à venir. Accorder au Gouvernement des habilitations aussi nombreuses et d'aussi longue durée pour adapter notre droit à la situation d'urgence ne saurait signifier tenir le Parlement à l'écart ni remettre en question sa mission de contrôler l'action du Gouvernement. L'article 5, adopté à mon initiative et à celle du groupe La République en marche, est donc destiné à s'assurer qu'il sera associé à l'élaboration des ordonnances. En outre, il nous reviendra de débattre de nouveau de ces dispositions lors de l'examen de chaque projet de loi de ratification.
Préciser et clarifier d'un côté, informer et contrôler de l'autre, voici les deux jambes sur lesquelles nous nous appuierons pour avancer dans la discussion du projet de loi. Je forme le voeu que les débats en séance confortent cette démarche, dans l'esprit constructif mais exigeant qui a animé nos discussions en commission.