Intervention de Christophe Castaner

Séance en hémicycle du jeudi 14 mai 2020 à 21h30
Diverses dispositions liées à la crise sanitaire à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du royaume-uni de l'union européenne — Après l'article 1er ter

Christophe Castaner, ministre de l'intérieur :

Nous sommes en présence de deux approches politiques du sujet, que j'aimerais préciser avant d'en aborder le fond. L'une consiste à réduire le plus possible les délais en imaginant réduire ainsi le nombre de demandes ; l'autre considère que, plus on allonge les délais, plus on facilite l'introduction des demandes. Ainsi se positionne-t-on sur l'échiquier politique.

Pour ma part, je serai très pragmatique. Si nous proposons de prolonger de cent quatre-vingts jours la durée de validité des titres de séjour de droit commun et de quatre-vingt-dix jours celle de l'attestation de demande d'asile, c'est sur la base d'une réalité objective – je parle de titres de séjour « de droit commun » parce que, contrairement à ce qui touche aux réfugiés, ils sont moins concernés par les approches politiques que j'évoquais à l'instant.

En raison du confinement, notre administration dédiée à l'accueil des réfugiés, hormis les cas exceptionnels, n'a pas accompagné comme nous le devons les personnes concernées. Le confinement a duré deux mois. Si nous prorogeons de trois mois la durée de validité des titres concernés, à compter de la date d'échéance prévue, nous parvenons à couvrir le spectre des personnes que nous n'avons pas accompagnées, et nous nous donnons une marge d'un mois pour traiter humainement et correctement les demandes.

En revanche, je suis très défavorable à la fixation d'une date d'échéance, par exemple au 10 juillet. Une prorogation de quatre-vingt-dix jours court à compter de l'arrivée à échéance de chaque titre. Ainsi, chaque jour de la semaine – j'ai rappelé tout à l'heure que nous avons repris l'instruction des dossiers en Île-de-France la semaine dernière, et sur tout le territoire national le 11 mai – , nous reprenons l'instruction de chaque dossier, à hauteur du volume que nous savons traiter.

Si nous fixons la date du 10 juillet pour tous les titres, il en résultera que l'arrivée à échéance de tous les titres de séjour sera reportée à cette date, de sorte que, le 9 juillet, de très longues files d'attente se formeront devant nos préfectures où se presseront les gens désireux de ne pas dépasser l'échéance, et nous ne serons pas capables de traiter leur dossier dignement. Je comprends la démarche des auteurs des sous-amendements ; elle procède d'une bonne intention. Toutefois, elle aurait pour conséquence de favoriser la formation d'un énorme bouchon à la date d'échéance fixée, ce qui nous empêcherait, je l'ai dit, de traiter de façon digne les demandeurs d'asile.

En retenant une prorogation de quatre-vingt-dix jours, nous adoptons des délais tenant compte de l'interruption de deux mois de service dont a souffert l'instruction des dossiers, en nous donnant un mois supplémentaire pour rattraper les retards consécutifs à la crise sanitaire ainsi qu'à l'arrivée de nouvelles personnes, fussent-elles en nombre moindre qu'auparavant, en raison de la fermeture des frontières au cours de la période de confinement, qui a eu pour effet de réduire le nombre de personnes entrées sur le territoire national dans le cadre d'une demande d'asile – il y a là un autre débat, dans lequel je n'entre pas.

Nous aurons sans difficulté la capacité d'instruire les dossiers ; nous disposerons d'une marge de manoeuvre ; et nous empêcherons véritablement la formation des bouchons qu'aurait suscités l'adoption d'une date d'échéance, dont je sais, je le répète, qu'elle procède d'une bonne intention.

Notre amendement procède du même esprit et de la même démarche que celui de M. Barrot, dont nous suggérons toutefois le retrait. Nous sommes défavorables aux amendements nos 516 et 515 , ainsi qu'aux sous-amendements, qui tendent à fixer une date couperet, dont je viens de décrire l'effet, en espérant avoir été clair.

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