Intervention de Antoine Savignat

Séance en hémicycle du jeudi 14 mai 2020 à 21h30
Diverses dispositions liées à la crise sanitaire à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du royaume-uni de l'union européenne — Après l'article 1er septies

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Savignat :

Le législateur ne doit à aucun moment s'immiscer dans le fonctionnement de la justice. Si j'étais procureur, je démissionnerais demain matin. Vous leur demandez de réorienter des affaires, alors qu'ils ont pris en leur âme et conscience des décisions de poursuite, dans des dossiers qu'ils ont examinés. Parce qu'ils estimaient que les faits étaient qualifiés et suffisamment graves, ils ont fait le choix de renvoyer des auteurs de faits devant des tribunaux de police ou des tribunaux correctionnels, pour qu'ils soient jugés, pour qu'ils aient le droit de se défendre. Avec votre amendement, la défense prend une claque : lorsqu'une personne reçoit une ordonnance pénale, elle constate qu'elle dispose d'un délai d'opposition, qu'elle peut joindre un avocat, prendre un rendez-vous – c'est compliqué – ; à l'inverse, celle convoquée devant le tribunal, avec toute la solennité que cela implique, sait qu'elle doit venir avec un avocat pour assurer sa défense.

Cette mesure porte atteinte à l'indépendance de la justice. Encore une fois, mettre ainsi la pression aux procureurs dans la loi est parfaitement inadmissible. Vous aviez à l'origine inscrit ce dispositif parmi ceux que vous comptiez prendre par ordonnance ; désormais vous l'inscrivez directement dans la loi : vous voulez nous en faire porter la responsabilité plutôt que de l'assumer.

Il y a des victimes derrière tout cela. On a demandé à des gens qui ont reçu une convocation à l'audience correctionnelle ou du tribunal de police s'ils entendaient se constituer partie civile : ils ne l'ont pas forcément fait, mais ils entendaient peut-être le faire à l'audience. Ils attendent le procès parce que celui-ci représente une réparation, parce qu'ils veulent voir l'auteur des faits entendu et condamné. Tous ceux-là, vous les méprisez, en arbitrant en faveur d'une simple mesure d'administration, et parce qu'encore une fois – pardonnez ma lourdeur, je continuerai indéfiniment à me répéter – , vous refusez de mettre les moyens pour que notre justice fonctionne. Vous préférez que le législateur interfère dans son fonctionnement. Si cette mesure est adoptée, j'espère très sincèrement que le Conseil constitutionnel la censurera dans des termes fermes, car elle est totalement inadmissible.

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