Je partage en grande partie votre déception – mais en grande partie seulement. Je souscris aisément à l'épine dorsale de votre argumentation, qui consiste à dire que l'école est fondamentale – en d'autres termes, qu'on ne peut pas se passer de l'école. Pour ceux qui n'en auraient pas été convaincus avant le confinement, ce dernier a malheureusement démontré qu'on a besoin de l'école, et c'est bien pour cela que le déconfinement est aujourd'hui nécessaire. L'école est la clé de l'unité de la République, de l'égalité des chances et de la compensation des inégalités familiales – vous l'avez très bien dit et nous allons évidemment être d'accord sur ce point.
Il ne faut cependant pas noircir le tableau. Il y a eu, en effet, continuité pédagogique. Certains y ont, hélas, échappé : c'est le cas des fameux 4 % de décrocheurs. Ce chiffre est, au demeurant, une moyenne : il est, en certains endroits, beaucoup plus élevé, et en d'autres beaucoup moins. Il faut aussi compter avec des imperfections générales. Toutefois, ne minimisons ni les problèmes ni les forces.
Minimiser les problèmes, ce serait ne pas voir que l'Europe en son entier – le continent qui a été le plus touché dans le monde – , que les sociétés européennes sont en quelque sorte affectées dans leur lien avec l'école. C'est pourquoi il faut non seulement restituer ce lien mais encore, compte tenu des difficultés que nous avons eues, nous efforcer de le renforcer.
Ne minimisons pas non plus les forces. Vous l'avez dit, les professeurs se sont engagés. La France a probablement été l'un des pays les meilleurs en matière d'enseignement à distance, ne serait-ce que parce que nous avions préparé depuis deux ans ce système de la classe à la maison et parce que les professeurs se sont magnifiquement engagés.
Je me trouvais hier dans un collège de Pacy-sur-Eure qui reprenait le travail. Les élèves que j'y ai vus avaient connu la continuité pédagogique et ce qui leur était proposé n'était pas un « accueil pédagogique » – je suis en cela en désaccord avec vous. Il ne faut surtout pas dénigrer ce qui se passe. Si j'ai demandé que la rentrée se fasse d'abord par niveau, en même temps que par public prioritaire, c'est bien pour assurer la charpente de l'éducation nationale : il s'agit vraiment de faire classe en mai et juin, même si cela se fait d'une manière différente. L'école ne doit pas être une garderie. Elle est le lieu de la transmission des savoirs, et c'est le cas actuellement, même si, je vous l'accorde, c'est encore imparfait.
Pour répondre directement à votre question, il est certain qu'un rattrapage scolaire est nécessaire. Tout au long du mois de juin, je procéderai à des concertations afin de réfléchir à l'année 2020-2021. Ce rattrapage passera surtout par des modules de soutien scolaire gratuit. La réflexion que je mène sur ce point englobe les vacances d'été et l'année 2020-2021.