Intervention de Jean-Luc Lagleize

Séance en hémicycle du mardi 19 mai 2020 à 15h00
Débat sur la souveraineté économique écologique et sanitaire à l'épreuve de la crise du covid-19

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Lagleize :

La crise sanitaire provoquée par le covid-19 a mis en lumière l'interdépendance de nos sociétés. La pandémie, dont les débuts se situent de l'autre côté de la planète, a en effet paralysé le monde entier en quelques semaines à peine. Cette crise sanitaire en a très vite entraîné d'autres dans son sillage et nous assistons aujourd'hui à des tensions économiques et sociales, qui s'ajoutent à des incertitudes écologiques et démocratiques. Nous devons l'admettre : cette maladie que nous connaissons encore trop peu aura des conséquences immenses sur nos sociétés. Notre rôle de responsables politiques est de faire en sorte que ces conséquences ne soient pas uniquement négatives. Elles doivent être une occasion de nous interroger sur nous-mêmes et sur notre organisation collective.

Tout d'abord, en France, cette situation inédite nous a permis de redécouvrir les multiples forces de notre pays. En premier lieu, le milieu médical, qui a fait preuve d'un dévouement et d'un professionnalisme sans faille, malgré des conditions humaines et matérielles loin d'être optimales. Je pense aussi à nos agriculteurs et au secteur agroalimentaire dans son ensemble, qui ont mis les bouchées doubles pour assurer un approvisionnement constant de toutes les surfaces commerciales et réinventer des chaînes de vente directe dans un pays quasiment à l'arrêt. Je pense également au monde des associations et des solidarités, qui a redoublé d'inventivité et d'esprit d'initiative pour maintenir le lien social et répondre aux contraintes nouvelles qui sont apparues. Ces forces vives de la nation, longtemps dévalorisées, nous ne devrons pas les oublier. S'y ajoutent, bien entendu, nos caissiers, nos éboueurs, nos postiers, nos livreurs, nos transporteurs, nos enseignants et toutes ces filières dans lesquelles, bien souvent, les femmes sont en première ligne.

Cette situation a également mis en évidence les faiblesses structurelles de notre pays, qui se résument en un mot : la dépendance. Dépendance industrielle et technologique pour notre matériel médical – masques, médicaments, blouses, respirateurs et tests. Dépendance politique, lorsque les coopérations que nous voulons mettre en oeuvre avec nos partenaires achoppent en raison d'un manque de volonté de la part de certains dirigeants. Dépendance numérique vis-à-vis d'outils extérieurs, comme nous le voyons tous les jours avec nos outils de visioconférence et le verrons encore lors des débats autour de l'application StopCovid. L'heure de la souveraineté a donc sonné.

Mais de quelle souveraineté parlons-nous ? Au Mouvement démocrate, nous la concevons comme étant notre capacité à reprendre en main notre destin commun, à jouer un rôle de leader et à influer sur le cours des affaires mondiales. La souveraineté ne pourra jamais être une excuse pour nous mettre en retrait du monde, pour nous replier sur nous-mêmes, pour mettre un terme au commerce ou pour fermer nos frontières – bien au contraire, car le commerce a été de tout temps un facteur de paix et de stabilité.

Retrouver notre souveraineté, c'est choisir plutôt que subir. Choisir les biens et les services que nous voulons produire sur le sol français, ceux que nous souhaitons produire en Europe et ceux que nous acceptons de produire dans le reste du monde. C'est donc repenser l'équilibre entre l'autosuffisance, la résilience et la dépendance.

La crise que nous vivons n'a pas fini de dérouler ses conséquences et nous sommes encore loin d'imaginer les scénarios qu'elle va nous imposer. Nous devons donc à la fois mettre en place le monde que nous voulons et garder notre capacité d'adaptation à l'inattendu. Ce monde, nous le souhaitons plus écologique – plus respectueux de notre planète et des hommes qui la peuplent.

Tout d'abord, nous ne pourrons pas faire l'impasse sur une grande conférence sociale, car il est temps de proposer une revalorisation en profondeur des carrières de ceux qui ont donné toute leur énergie pour sauver des vies, éduquer nos enfants, assurer notre alimentation et notre approvisionnement, ramasser nos poubelles ou nettoyer nos rues et nos établissements. La revalorisation des métiers et des salaires est le premier élément pour leur prouver la reconnaissance de la nation.

Ensuite, d'un point de vue économique, nous devons sauver nos filières industrielles et diversifier l'économie de nos territoires. C'est vrai pour certaines filières comme l'aéronautique, qui risque de subir une dépression de long terme.

D'un point de vue écologique aussi, nous sommes à un moment charnière. Cette crise, dont l'origine même est la destruction de la biodiversité, doit nous inciter à investir massivement dans la transition écologique pour développer de nouvelles technologies à bas carbone.

Je conclurai par un appel à une souveraineté européenne accrue. Ces derniers mois, en effet, l'Union européenne nous a montré ses limites et n'a pas profité de la crise pour montrer son efficacité. Dans les discussions à venir, la France devra proposer de réinventer cette souveraineté européenne pour que, lors des prochaines crises, des solutions collectives nous permettent de faire en sorte que nos États-nations soient plus liés entre eux. Tel est bien l'objet de l'Union européenne : mieux nous protéger et mieux nous défendre au moyen d'un cadre commun.

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