Intervention de Sylvia Pinel

Séance en hémicycle du mardi 19 mai 2020 à 15h00
Débat sur la souveraineté économique écologique et sanitaire à l'épreuve de la crise du covid-19

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvia Pinel :

Dans un monde interconnecté où soudain la lenteur et les frontières ont repris leurs droits, nous avons pris conscience de notre dépendance, voire de notre vulnérabilité, par rapport à d'autres pays. Si, demain, nous voulons protéger nos citoyens confrontés à de futures crises, nous devons réinvestir massivement dans nos industries stratégiques. Je pense en particulier à l'accès à l'alimentation, à l'eau, ou encore à l'industrie sanitaire, à nos filières d'excellence que sont l'aéronautique, le ferroviaire, le spatial, l'énergie, mais aussi à des secteurs clés comme le tourisme.

Cet élan doit s'accompagner d'une véritable transformation de notre économie autour des enjeux environnementaux et sociaux. La crise a modifié nos habitudes de consommation. Elle a mis notre économie à rude épreuve. Certains acteurs ont dû réorienter leur activité et leur production, chercher de nouveaux débouchés, souvent au profit de l'échelon local. Cette résilience doit nous inspirer pour bâtir un modèle économique durable, fondé sur une transition écologique qui conjugue proximité, humanité et solidarité.

Nous devons sécuriser l'accès à une alimentation saine de proximité et revaloriser le niveau de vie de nos agriculteurs. Pour y parvenir, il est crucial de pérenniser les bonnes pratiques autour des circuits courts et de la saisonnalité tout en réduisant la dépendance aux marchés étrangers. Au niveau européen, la France doit exiger une réorientation de la politique agricole commune afin de protéger davantage l'emploi agricole et de mieux tenir compte du besoin de proximité.

Une France souveraine ne veut pas dire une France repliée sur elle-même. Première destination mondiale, notre pays peut être fier de son attractivité touristique. La saison estivale qui s'annonce doit être l'occasion de lancer des initiatives en faveur d'un tourisme durable qui mette en avant la destination France auprès de nos voisins européens et extra-européens. Dans le même temps, nous devons développer des outils, en particulier numériques, pour limiter la surfréquentation et mieux répartir les flux sur le territoire et au cours des saisons.

Au coeur de nos préoccupations, la souveraineté sanitaire occupe une place à part. Il convient en priorité de relocaliser la production d'équipements médicaux, tels que les masques, les écouvillons, les bouteilles d'oxygène ou les ventilateurs, ainsi que la production pharmaceutique dont certains principes actifs manquent.

Être souverain, c'est détenir des moyens financiers et matériels mais, avant tout, c'est disposer de moyens humains. C'est pourquoi nous devons accentuer nos efforts pour lutter contre les déserts médicaux par le renforcement des mécanismes incitatifs. Si le développement de la télémédecine a permis de désengorger nos hôpitaux, il ne peut être la seule réponse. L'humain doit toujours primer.

Être souverain, c'est aussi être au rendez-vous de l'innovation. La France reste loin de l'objectif fixé par l'Union européenne : consacrer 3 % du PIB à la recherche. Le moment est venu d'un vaste plan de réhabilitation et de rénovation énergétique de l'ensemble du parc immobilier. Le soutien à l'innovation en matière d'urbanisme et de construction durable doit être intensifié. Je pense notamment aux matériaux biosourcés, aux process de construction, à l'usage du numérique.

Être souverain, c'est enfin garantir l'acquisition des compétences et des savoirs en France. Il faudra renforcer les moyens en faveur de l'apprentissage partout sur le territoire pour donner confiance aux employeurs qui recherchent une main-d'oeuvre qualifiée de proximité.

Toutefois, ces investissements ne pourront avoir lieu sans une refonte d'ampleur de notre fiscalité : pour accompagner durablement ces mutations, nous devons aussi accéder à la souveraineté fiscale. Trop de grands groupes multinationaux – dans le secteur numérique, mais pas seulement – contournent l'impôt et se jouent d'un système dépassé. Nous avons appris que l'initiative en cours à l'OCDE pour définir de nouvelles règles du jeu avait pris du retard. Il importe que son ambition ne soit pas rognée ; il faut même accélérer les choses.

Je suis convaincue que ce virage doit, pour réussir, être pris au niveau de l'Union européenne. Pour une meilleure harmonisation fiscale, l'objectif doit être énoncé clairement : il faut mettre un terme aux stratégies d'évitement et aux passagers clandestins. Pour ce faire, nous devons miser sur le rebond de solidarité des pays membres. Il nous faut désormais nous investir dans cette marche pour une Europe solidaire progressiste, prête à hausser le ton pour défendre ses valeurs.

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