Intervention de Mathilde Panot

Séance en hémicycle du mardi 9 juin 2020 à 9h00
Questions orales sans débat — Coupes rases en forêt

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

Que ce soit dans le Morvan, sur le plateau de Millevaches, dans les Landes de Gascogne ou dans la forêt de Mormal, forestiers, citoyens et associations s'élèvent contre la pratique des coupes rases. Celles-ci libèrent une partie du carbone stocké dans la terre, tassent les sols, les fragilisent et empêchent leur bonne régénération. Elles détruisent également les habitats des mammifères, des oiseaux ou des insectes.

Les territoires que j'ai évoqués désignent des sites classés en parcs naturels régionaux, dont le patrimoine naturel est censé être protégé et valorisé. Pourtant, le modèle combinant monoculture, coupes rases et plantations s'y répand sans obstacle : en l'état de la réglementation, même les parcs naturels régionaux n'ont pas leur mot à dire. Dans le Morvan, où je me trouvais voilà quelques mois, 50 % des forêts de feuillus ont déjà été remplacées par des plantations monospécifiques de résineux.

Les forêts françaises ne sont pas de simples gisements de bois. Elles sont, entre autres choses, indispensables pour lutter contre le réchauffement climatique et assurer la filtration des eaux. Nous devons cesser de convertir des forêts de feuillus diversifiées en monocultures de résineux, exclusivement destinées à l'industrie et plus vulnérables aux événements extrêmes comme les incendies, les tempêtes ou la prolifération d'insectes. L'épidémie de scolytes qui ravage les forêts françaises nous incite, là encore, à changer de modèle.

D'autres pays l'ont fait : la Suisse a interdit les coupes rases dès 1876. En Allemagne, tous les Länder ont voté des législations restreignant la surface maximale des coupes. En Autriche, toute coupe de plus de 2 hectares est interdite. En France, aucun seuil de surface maximale de coupe rase n'est défini par la loi. Les seuils de coupe fixés par les départements peuvent être contournés par une simple demande d'autorisation à la préfecture. Ce vide juridique accroît la prédation sur nos forêts. Les grosses coopératives qui produisent des plans, conduisent des travaux forestiers et commercialisent du bois ont tout intérêt à recommander une coupe rase aux propriétaires, pour augmenter leurs gains.

Il est temps de rattraper notre retard en définissant une législation claire et des interdictions. La forêt est notre bien commun. Comme le disait Aldo Leopold, un écologiste et forestier : « J'ai lu de nombreuses définitions de ce qu'est un écologiste, et j'en ai moi-même écrit quelques-unes, mais je soupçonne que la meilleure d'entre elles ne s'écrit pas au stylo, mais à la cognée. La question est : à quoi pense un homme au moment où il coupe un arbre, ou au moment où il décide de ce qu'il doit couper ? Un écologiste est quelqu'un qui a conscience, humblement, qu'à chaque coup de cognée il inscrit sa signature sur la face de sa terre. ».

À nous de choisir quelle signature nous voulons inscrire sur la face de nos forêts : celle du marché qui les épuise pour plus de bois et maltraite les êtres humains qui y travaillent, ou celle de l'intérêt général, qui en prend soin pour le bien de toutes et tous ? Ma question est donc simple : êtes-vous favorable à un seuil national d'interdiction des coupes rases ?

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