La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
La parole est à M. Frédéric Petit, pour exposer sa question, no 1077, relative à la représentation des Français établis hors de France.
Depuis le début de ce mandat, je n'ai de cesse de le répéter : les Français établis à l'étranger sont souvent au front des combats diplomatiques de notre pays.
Quel meilleur outil de résolution pacifique des conflits y a-t-il, puisque nous vivons au quotidien parmi nos collègues et nos amis, parfois dans l'intimité de notre famille, les divergences, les oppositions, les coopérations qui frottent dans les rapports franco-allemands, l'espace européen, les Balkans et la Londres post-Brexit, mais aussi dans les pays meurtris et parfois déchirés du Sahel, du Moyen-Orient, ou dans les grandes tensions qui existent entre les modèles mondiaux, en particulier en Amérique du Nord et en Asie ?
Nous ne sommes jamais moitié-moitié, comme on nous le dit souvent ; nous sommes le plus souvent 100 % les deux. Cette crise est venue confirmer notre richesse et notre disponibilité. Nous avons participé à la lutte contre cette crise par le biais de campagnes d'hébergement solidaire, de caisses de solidarité, d'une présence bénévole auprès de nos ambassades et nos consulats pour aider à la gestion des Français de passage mais aussi au dépassement des tensions et des décrochages nationaux.
La relation franco-allemande a été secouée pendant cette crise, mais tout ce qui relevait de la citoyenneté franco-allemande a tenu, que ce soit dans l'Office franco-allemand de la jeunesse, dans les entreprises, les jumelages, les familles ou les cercles d'amis.
Les conseillers du commerce extérieur – 4 500 bénévoles engagés dans tous les pays – ont multiplié les temps d'échanges, de contacts, de remontées d'information. Nos élus locaux, qui ont bien souvent dépassé et mis de côté leur campagne électorale, se sont regroupés autour des urgences.
Nous ne pouvons plus être considérés comme des Français « bizarres » comme des « pas que Français ». Nous, aujourd'hui, et nos enfants, demain, faisons partie de la communauté nationale.
Nous ne sommes pas sûrs, monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, que cette réalité ait vraiment percolé dans toute l'administration consulaire. Je comprends la difficulté et je connais les limites de la comparaison entre le couple maire-préfet et le couple élu consulaire-chef de poste. Je ne parle pas de droit à cocarde ou de rang protocolaire, je m'intéresse au fond.
La présence de la France au monde et sa voix spécifique dans le concert des nations au XXIe siècle passeront de plus en plus par ces plus de 3 millions d'ambassadeurs et médiateurs citoyens. Cette crise doit accélérer la réforme que nous avions imaginée au début du mandat plutôt que de la repousser ou, pire, de recroqueviller les positions par habitude ou par manque d'ambition.
Ainsi, j'ai été très surpris de l'absence pure et simple des élus consulaires dans la procédure d'attribution des aides d'urgence à nos concitoyens ou dans celle d'octroi de bourses scolaires exceptionnelles aux parents étrangers de nos établissements scolaires. Il est incompréhensible de se passer de ces élus dans ces procédures qu'ils connaissent si bien, pour garantir tant le contrôle des dépenses publiques que l'équité de ces aides.
Alors que nous avons commencé l'étude du projet de loi sur le report des élections municipales et consulaires, report long qui est effectivement bienvenu sur le terrain, qu'en est-il de la réforme nécessaire de cette représentation ? Quelle place faire à l'Assemblée des Français de l'étranger – AFE – dans la nouvelle architecture consultative ou participative de l'État ? Comment rééquilibrer l'élection de nos six sénateurs ?
M. M'jid El Guerrab applaudit.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Merci beaucoup, monsieur le député, pour cet hommage vibrant à l'action des Français établis hors de France et à celle de leurs élus qui, pendant cette crise épidémique – mais comme d'habitude – se sont donnés à plein pour aider et accompagner tous nos compatriotes.
Vous avez raison de souligner également le très bel élan de solidarité et de générosité de Français établis hors de France à l'égard de certains Français de passage dans leur pays, qui se sont retrouvés bloqués sur place par la fermeture des frontières. J'ai pu le mesurer au succès de la plateforme sosuntoit. fr, grâce à laquelle plus de 6 000 propositions d'hébergement ont été faites à nos compatriotes bloqués à l'étranger de la part des Français établis hors de France.
Depuis que j'ai pris mes fonctions aux côtés de Jean-Yves Le Drian, j'ai eu à coeur de conforter le rôle et les missions des conseillers consulaires, dont une partie est membre de l'AFE.
C'est avec bonheur que j'ai enfin vu aboutir, grâce à la loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, une révolution copernicienne : c'est désormais un élu qui préside le conseil consulaire alors que, pendant des décennies, c'était le chef de poste ou un membre de l'administration qui assumait cette fonction. Cela marque la reconnaissance du rôle important que jouent les élus. En outre, la loi affirme désormais le droit à la formation pour ces élus comme pour les élus locaux du territoire national, ce qui est heureux.
Pour que les travaux de l'AFE soient mieux pris en compte, j'ai aussi souhaité mettre en place la commission permanente des Français de l'étranger, dans laquelle vous siégez en qualité de parlementaire. Le bureau de l'AFE rencontre ainsi régulièrement les parlementaires et le Gouvernement, ce qui nous permet de donner une suite aux travaux produits au sein de cette instance.
Vous ouvrez d'autres chantiers sur lesquels il faudra sûrement continuer à avancer. Comme je l'ai dit vendredi dernier lorsque nous discutions d'un amendement de M. El Guerrab, que je suis déterminé à avancer avec vous pour améliorer la représentativité et les pouvoirs de ces élus.
La parole est à M. M'jid El Guerrab, pour exposer sa question, no 1087, relative au réseau des écoles françaises à l'étranger – EFE.
Notre réseau d'EFE – qui compte 522 établissements scolaires homologués implantés dans 139 pays et 370 000 élèves – n'échappe pas aux conséquences économiques de la crise sanitaire.
Depuis le début du confinement, nombre de familles se trouvent en grande difficulté et elles multiplient les pétitions et les courriers adressés à différentes autorités françaises et étrangères. Elles visent en premier lieu les frais de scolarité, jugés hors de proportion par rapport au « service rendu » à distance par les enseignants.
Ce problème pose la question de l'existence même du réseau, les établissements étant un mélange de privé et de public : privé, car il faut payer très cher pour scolariser ses enfants ; public, car il s'agit de l'école de la République, de la continuité du service public de l'enseignement français à l'étranger. Or les familles dépensent en moyenne autour de 5 000 euros par an.
Alors que ces familles sont nombreuses à subir lourdement les effets de la crise économique sans bénéficier des mêmes plans de soutien économique qu'en France et que certaines entreprises françaises ont décidé de rapatrier leur personnel, les établissements scolaires seront durablement fragilisés par la crise. Certains pourraient même définitivement fermer leurs portes cet été. Ce serait évidemment une catastrophe majeure pour le rayonnement culturel et éducatif de la France ainsi que pour notre diplomatie d'influence, à un moment où s'exacerbe la compétition internationale dans ce domaine.
Ce réseau unique au monde, beaucoup de pays nous l'envient. Tout en faisant preuve d'efficience et d'efficacité, il doit s'adapter au contexte de crise et se réinventer pour créer les conditions indispensables à la survie de notre modèle. Nous devons réfléchir à l'indispensable réforme du réseau et à une meilleure prise en compte des attentes des parents d'élèves. Je le dis de manière sereine, monsieur le secrétaire d'État : il faut rétablir la confiance entre les familles et nos écoles à travers le monde. Quelle sera la méthode du Gouvernement pour y parvenir ?
Monsieur le secrétaire d'État, je profite de l'occasion pour rebondir sur nos échanges de la nuit dernière, relativement à l'organisation des épreuves du baccalauréat pour les écoles françaises à l'étranger hors contrat. En France, les élèves des écoles hors contrat peuvent passer le baccalauréat en contrôle continu, mais ce n'est pas le cas pour ceux qui étudient dans les établissements hors contrat à l'étranger. Ces derniers jugent la situation injuste et inégalitaire. Il y a là un paradoxe car ces écoles font rayonner nos valeurs à travers le monde, et l'une de nos valeurs cardinales est précisément l'égalité. Ces écoles ne s'estiment donc pas traitées comme elles devraient l'être. Qu'en pensez-vous, monsieur le secrétaire d'État ?
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le député M'jid El Guerrab, ce réseau est un joyau : il permet à nos compatriotes établis hors de France de scolariser leurs enfants dans un système à la française ; il est un instrument d'influence car les deux tiers des élèves sont étrangers, lesquels peuvent ainsi tutoyer l'universalisme à la française, s'imprégner de nos valeurs et de nos méthodologies. Or, face à la concurrence croissante d'autres modèles, il est important d'affirmer le nôtre.
Jean-Yves Le Drian et moi-même sommes parfaitement conscients du fait que cette crise épidémique est un choc majeur pour ces 522 établissements. Le 30 avril dernier, avec Gérald Darmanin, nous avons donc annoncé un plan massif au profit de nos compatriotes établis hors de France. Ce plan comporte un volet sanitaire, un volet social et un volet lié à l'éducation et au réseau d'EFE.
L'Agence France Trésor a d'ores et déjà fait une avance de 100 millions d'euros d'avance à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger – AEFE – , ce qui va permettre à cette dernière de mettre en place un dispositif d'accompagnement pour tous les établissements, j'y insiste, quel que soit leur statut. Cela répond à une demande forte.
Au passage je précise que le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020, qui sera présenté demain en conseil des ministres, comprendra également des crédits budgétaires frais ainsi que la mobilisation de la réserve de précaution. De l'argent sonnant et trébuchant viendra donc en appui de ce plan.
Quelque 50 millions d'euros seront consacrés à l'aide aux familles afin d'accroître le montant des bourses d'élèves déjà éligibles ou d'en accorder à d'autres dont les parents n'en avaient pas fait la demande mais dont la situation a changé. Nous avons d'ailleurs fait évoluer les critères d'attribution puisque nous allons prendre en compte les revenus de 2020 et non pas ceux de l'année n-1. Nous souhaitons prêter attention aux familles, françaises ou étrangères, en usant de dispositifs adaptés. C'est en aidant ces familles que nous allons aider les établissements et assurer la survie du réseau.
Vous m'interrogez sur les élèves qui passent traditionnellement le baccalauréat en candidat libre car scolarisés hors EFE, mais dans des établissements qui suivent nos programmes. Je travaille d'arrache-pied sur cette question que j'ai signalée à Jean-Michel Blanquer. Je n'ai pas encore de garantie de bonne fin concernant les aménagements que nous devons trouver, mais j'ai entendu la détresse et je m'y attelle.
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour exposer sa question, no 1081, relative à la relance du secteur touristique à l'approche de la saison estivale.
Avec la crise sanitaire, le secteur du tourisme a accusé des pertes économiques colossales. Au premier semestre de 2020, les professionnels du tourisme ont subi un manque à gagner extraordinaire en raison du confinement, de la fermeture des frontières européennes et intraeuropéennes, de la fermeture des cafés, restaurants et hôtels.
Or un nouveau danger se profile au deuxième semestre de 2020 : une reprise d'activité trop lente liée aux restrictions encore en vigueur pour des raisons sanitaires et à la perte d'habitude des consommateurs. Avec une réouverture des frontières européennes et intraeuropéennes encore floue, il me semble raisonnable que le Gouvernement envisage une aide au secteur touristique par une politique de soutien à la demande.
Il me paraît indispensable de mettre en place des chèques tourisme destinés à tous les Français en fonction de leurs revenus, ce qui permettrait aux familles modestes d'inscrire leurs enfants dans des colonies de vacances, de prendre quelques jours de congé pour découvrir un département ou une région française, de voir la Méditerranée, l'Atlantique ou, bien sûr, les Pyrénées. Cette aide d'État leur permettrait de se loger, de faire des activités ou encore de visiter des musées, ce qui constituerait un coup de pouce non négligeable pour ce secteur économique créateur d'emplois.
Je fais mienne, en outre, la proposition de la présidente de la région Occitanie, Carole Delga, visant à assurer la gratuité des péages autoroutiers pendant les mois de juillet et août 2020 afin de favoriser le déplacement des Français sur le territoire national et, par conséquent, de soutenir le secteur du tourisme.
Nous le savons, la question du coût des déplacements est un frein considérable pour le secteur touristique, aujourd'hui menacé. Permettre aux Français de voyager librement sur l'ensemble du territoire – après le confinement, on peut comprendre combien ils l'apprécieraient ! – constituerait une aide essentielle pour le secteur touristique dans la période délicate qui s'annonce.
De plus, et pour mémoire, les sociétés d'autoroute ont distribué 3 milliards d'euros de dividendes aux actionnaires en 2019 et enregistré cette même année un chiffre d'affaires de plus de 10 milliards. Il apparaît donc raisonnable de leur demander de participer à l'effort de relance national.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
En effet, monsieur Aviragnet, le tourisme tricolore a été frappé de plein fouet par la crise épidémique. Que l'on en juge : un mois de confinement signifie 10 à 15 milliards de recettes en moins pour le secteur. C'est la raison pour laquelle le Président de la République a érigé le tourisme en priorité nationale. Loin d'être un simple slogan, cette priorité se traduit par des actes forts et des mesures concrètes. Ainsi, le 14 mai, un plan de 18 milliards d'euros a été annoncé lors du comité interministériel du tourisme : 9 milliards d'euros d'aides directes – maintien de l'activité partielle, prolongation du fonds de solidarité – et 9 milliards d'euros de financements et d'investissements pour préparer le tourisme de demain, un tourisme plus durable et plus digital.
S'agissant de la saison estivale, nous y travaillons d'arrache-pied avec les territoires, en particulier avec les régions. Si j'ai lancé un appel en faveur d'un été « bleu blanc rouge », c'est précisément pour inciter les Français à redécouvrir notre territoire. On peut faire le tour du monde en faisant le tour de la France, c'est ce qui est formidable dans notre pays ! Avec Atout France, nous avons lancé la campagne « Cet été, je visite la France ».
Quant au soutien à la demande, plusieurs régions travaillent sur des dispositifs de chèques-vacances. Vous avez mentionné l'initiative de la région Occitanie, mais les régions Nouvelle-Aquitaine – nous travaillons actuellement avec son président, Alain Rousset – , Grand Est et Sud réfléchissent également à des mesures de soutien au secteur du tourisme. J'ai bon espoir de pouvoir annoncer d'ici à quelques jours un dispositif d'accompagnement de l'État qui permettra de donner encore plus d'ampleur aux différentes initiatives des territoires.
En ce qui concerne les touristes étrangers, je leur dis bienvenue en France ! La question des frontières est claire : nous souhaitons lever les obstacles à la circulation en Europe à partir du 15 juin et accueillir les clientèles internationales dans notre pays début juillet. Nous savons néanmoins que la reprise sera très progressive. Il convient donc d'accompagner les professionnels du tourisme dans la durée, jusqu'à la fin de l'année. C'est tout le sens des mesures que nous avons prises – maintien de l'activité partielle et prolongation du fonds de solidarité – , qui permettront de leur donner une visibilité dans le temps.
En matière de transports, des tarifs promotionnels sont actuellement proposés aux Français, notamment par la SNCF. Je rappelle, en outre, que le billet de congé annuel payé en chèques-vacances permet de bénéficier d'une baisse de 50 % par rapport au tarif normal. D'autres dispositifs, ad hoc, ont également été mis en place, notamment les billets à moins de 49 euros.
Sur les autoroutes, permettez-moi de finir avec Didier Barbelivien et ce tube de années 1980 : « Quitter l'autoroute » ! Il est temps de reprendre nos bonnes routes départementales et nationales pour redécouvrir les joyaux de la France.
Quant aux relations avec les concessionnaires, mon collègue Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État chargé des transports, sera certainement mieux à même de vous apporter une réponse sur ce point.
Il vous reste quelques secondes, monsieur Aviragnet, si vous voulez dire à M. le secrétaire d'État que nous n'avons déjà plus d'aéroports et de gares : si, en plus, on nous supprime les autoroutes !
Sourires.
Je salue le plan de soutien au tourisme qui a été décidé, mais vous n'avez pas répondu à ma question sur les autoroutes, monsieur le secrétaire d'État. Pour ce qui est des routes départementales, je vous soupçonne de ne pas les prendre beaucoup.
Ah si, je suis un grand rouleur !
Pour rejoindre la Méditerranée depuis Toulouse par les routes départementales, il faut partir la veille pour arriver le lendemain !
Il faut prendre le temps de découvrir la France…
Tout comme l'État, les autoroutes doivent aujourd'hui consentir un effort.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour exposer sa question, no 1058, relative à la crise de la presse écrite.
Monsieur le ministre de la culture, la crise de la presse écrite est sévère et affecte l'ensemble des acteurs de la filière. Le Gouvernement doit agir : la liberté et le pluralisme de la presse sont indispensables à notre démocratie ; il ne peut y avoir ni liberté ni pluralisme véritables si les journaux ne sont pas distribués sur l'ensemble du territoire.
Or Presstalis est fragilisée et dépouillée des filières qui assurent la distribution de niveau 2 : celles-ci ont purement et simplement été liquidées le 15 mai, laissant plus de 500 salariés sur le carreau et des kiosquiers sans journaux – journaux nationaux notamment – dans des territoires entiers, tandis que d'autres sont achalandés grâce à des solutions bricolées. Cette situation n'est pas tenable. Elle ne permet pas de garantir la liberté et le pluralisme et ajoute aux difficultés d'une filière déjà en crise avant l'irruption du virus et particulièrement affectée par le confinement.
Pourtant, les différents acteurs se battent, inventent et cherchent de nouveaux modèles. Mais la mutualisation, qui était un bien précieux, est agonisante en raison de différends sur la gestion des flux financiers, des décisions relatives au fonctionnement de la concurrence et de la tentation du dumping. Il est temps que l'État s'impose comme un acteur pérenne pour contribuer à garantir l'intérêt général. C'est une question de santé pour la République.
Il est urgent de refuser le glissement de l'information dans le champ d'un marché sans règles et sans horizon. Il faut, au contraire, agir pour sauvegarder un écosystème mutualisé et solidaire indispensable à tous les niveaux : économique, écologique, social et démocratique.
La proposition d'une société coopérative d'intérêt collectif pour la gestion du niveau 2 est sur la table. Quelle suite envisagez-vous de lui donner ? Quelles solutions d'urgence prévoyez-vous ? Depuis plusieurs semaines maintenant, plusieurs territoires français sont dépourvus de ce service indispensable. Plus généralement, comment soutiendrez-vous les acteurs de la filière, des éditeurs jusqu'aux marchands de journaux, qui connaissent tous des difficultés ?
S'agissant des éditeurs, un certain nombre d'entre eux ont été amenés à prendre des mesures drastiques qui portent atteinte à leur capacité de produire l'information au quotidien. Leurs difficultés – mais pas seulement – ont placé les marchands de journaux dans une situation difficile.
Vous avez raison, monsieur Dharréville, la presse est essentielle à notre démocratie ; son pluralisme et son indépendance sont essentiels. Or, depuis des années, sa situation est très difficile. Dès le début du quinquennat, le Président de la République s'est mobilisé pour accompagner la presse dans sa transformation et favoriser l'émergence d'un nouveau modèle économique, toujours garant de son indépendance et de son pluralisme.
Depuis que je suis ministre de la culture, je me suis également beaucoup mobilisé en faveur de la presse. Tout en garantissant ses principes, le Gouvernement a modifié la loi relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, dite loi Bichet, pour l'adapter aux réalités actuelle et donner des moyens nouveaux à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, l'ARCEP, et aux marchands de journaux, dont les règles de gestion ont été assouplies.
Nous avons également fait voter, au niveau européen, une directive créant un droit voisin au droit d'auteur pour les éditeurs et les agences de presse, et que nous avons transposée dans le droit français. La France est le premier pays à transposer ce droit voisin au droit d'auteur et nous sommes actuellement aux côtés des éditeurs qui négocient avec Google afin que la plateforme paie ce droit voisin. De plus, dans le cadre de la préparation d'un plan de filière ambitieux, nous accompagnons la presse dans sa transformation numérique et écologique.
Nous travaillons également à l'accompagnement et à la transformation de Presstalis qui, comme vous l'avez rappelé, est dans une situation critique. Ses activités de niveau 1 sont en redressement judiciaire et ses activités de niveau 2 – celui des dépositaires – en liquidation judiciaire. Certaines offres sont en effet sur la table. Le tribunal de commerce prendra les décisions qui s'imposent pour permettre la continuation des activités du niveau 2 en limitant les conséquences sociales, qui seront malheureusement inévitables. En tout état de cause, nous portons une attention particulière à l'évolution du niveau 2.
Par ailleurs, nous accompagnons financièrement la distribution de la presse écrite puisque nous avons déjà mobilisé plus de 70 millions pour garantir le maintien de l'activité pendant le confinement. Nous avons ainsi fait en sorte que les marchands de journaux puissent toucher l'argent que leur devait Presstalis. Enfin, nous avons prévu 80 millions pour accompagner l'offre de reprise du niveau 1 de la coopérative de distribution des quotidiens.
Quant aux importantes perturbations qui persistent dans les régions de Marseille et de Lyon, je dois rencontrer cet après-midi les représentants des marchands de journaux pour examiner quels moyens pourraient être mis à leur disposition pour assurer la continuation de leur service. Nous travaillons également avec les éditeurs, notamment les plus petits, pour les aider à traverser la crise. Les difficultés financières de Presstalis ne sont pas sans conséquences pour eux puisque certaines de leurs créances risquent de disparaître du fait du redressement judiciaire de la société. Le Gouvernement est aux côtés de la filière, qu'il s'agisse des éditeurs ou des distributeurs.
La parole est à M. Stéphane Buchou, pour exposer sa question, no 1060, relative aux dons de DVD et de CD aux bibliothèques et aux médiathèques.
Permettez-moi, tout d'abord, de rendre hommage à celui qui, au début de l'année, m'a alerté sur le sujet qui me préoccupe aujourd'hui. Jacques Oudin, sénateur de la Vendée de 1986 à 2004, conseiller général pendant près de quarante ans, élu local de sa belle île de Noirmoutier de 1977 à 2014, a travaillé tout au long de sa carrière au service de ses concitoyens. Il est décédé brutalement le 21 mars dernier du covid-19.
Monsieur le ministre de la culture, ma question porte sur l'extrême difficulté, voire l'impossibilité, pour les bibliothèques et médiathèques publiques, d'accepter, de la part des particuliers, des dons de DVD ou de CD. Des limitations sont en effet imposées à leur usage par les lois qui protègent les droits d'auteur des compositeurs et des interprètes, ce que chacun comprend évidemment. Toutefois, l'ouverture d'une telle possibilité constituerait une réponse intéressante à différents titres. Elle permettrait, en particulier, l'enrichissement, sans coût, des fonds des médiathèques intercommunales, notamment rurales, dont les ressources sont limitées. En effet, les dons émanent de personnes d'un certain âge, sans succession ou motivées par un geste désintéressé envers leur collectivité et ses habitants. C'est pour elles un véritable crève-coeur que de devoir se débarrasser à la déchetterie de DVD ou de CD d'oeuvres artistiques qui ont accompagné leur vie.
D'une certaine manière, ce geste évoque les sinistres autodafés qui ont émaillé l'histoire. À une époque où le développement durable et la protection de l'environnement deviennent des impératifs catégoriques, il va à l'encontre des évolutions en cours : la limitation du gaspillage des plastiques, le bannissement de l'obsolescence programmée, la préférence accordée aux produits réparables, la valorisation de l'économie circulaire. Se séparer de DVD et de CD en bon état s'apparente alors à un énorme gâchis matériel.
Monsieur le ministre, ne pourrait-on pas imaginer un mécanisme simple et peu onéreux pour les collectivités qui, tout en préservant les droits d'auteur, permettrait aux médiathèques d'enrichir leur fonds et aux citoyens de se conformer aux nouveaux standards de la consommation opposés au gaspillage ?
Vous posez, monsieur Buchou, une très bonne question, qui préoccupe à juste titre les bibliothèques et les médiathèques.
Les utilisations des oeuvres dans les bibliothèques sont, de manière générale, soumises à l'application du droit d'auteur. La seule exception est le prêt de livre car la loi du 18 juin 2003 relative à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs a créé un dispositif de licence légale qui garantit aux bibliothèques la faculté de prêter les livres. Ainsi, les auteurs de livre ne peuvent plus exercer leur droit exclusif d'autoriser ou d'interdire le prêt de leur ouvrage, en contrepartie d'un droit à rémunération géré collectivement par la Société française des intérêts des auteurs de l'écrit, la SOFIA.
Le prêt public à la consultation des CD et des DVD dans une bibliothèque relève quant à lui du droit exclusif de l'auteur. Lorsqu'une bibliothèque reçoit ces supports en dons, il lui faut donc acquérir les droits d'usage collectifs pour pouvoir les proposer au public en se rapprochant directement des titulaires des droits ou d'organismes de gestion collective lorsque cette voie est possible.
La manière dont les ayants droit appréhendent l'activité des bibliothèques peut différer d'un secteur de la création à l'autre. Les ayants droit du secteur musical ne demandent aucune rémunération au titre du prêt public des CD, sauf lorsque de la musique est écoutée dans la bibliothèque, auquel cas la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, la SACEM, perçoit une redevance au titre du droit de représentation.
Il en va différemment s'agissant du secteur audiovisuel : le prêt public et la consultation sur place des DVD font l'objet d'un dispositif contractuel éprouvé, impliquant des fournisseurs spécialisés bien identifiés, qui négocient avec les éditeurs, les producteurs et les distributeurs – le processus est complexe ! – des droits attachés au support et couvrant les usages collectifs liés aux activités des bibliothèques. Les DVD donnés par des particuliers relèvent du commerce réservé à un usage privé dans le cercle familial.
Nous travaillons avec les ayants droit pour faciliter les dons grâce à un système équivalent à celui qui s'applique aux CD, mais il est plus difficile d'y parvenir s'agissant de DVD, pour lesquels les titulaires de droits sont plus nombreux. Actuellement, il revient à la bibliothèque donataire de négocier individuellement avec ces titulaires les droits d'usage des exemplaires qui l'intéressent. Or cette démarche contractuelle peut se révéler très fastidieuse quand beaucoup de DVD sont concernés, comme vous l'avez souligné.
Les dons des familles que vous avez évoquées permettraient d'enrichir les collections des bibliothèques et médiathèques, mais nous devons nous assurer que le processus respecte les droits des auteurs et de l'ensemble de la filière. Un tel équilibre est toujours délicat à trouver. J'espère pouvoir vous donner prochainement de bonnes nouvelles à ce sujet.
Effectivement, que des familles veuillent se défaire de leurs CD et DVD alors que les médiathèques ne disposent pas des solutions ni des ressources humaines et techniques leur permettant de les accepter crée une situation complexe. J'espère moi aussi une très bonne nouvelle d'ici à quelques semaines ou quelques mois.
La parole est à M. Jean-Luc Fugit, pour exposer sa question, no 1059, relative aux établissements d'enseignement de la commune de Givors.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, la commune de Givors, centre de gravité de ma circonscription situé au sud de la métropole lyonnaise, fait partie de l'académie de Lyon, celle de France où les résultats sont les moins bons au sein des réseaux d'éducation prioritaire, comme me l'a expliqué son recteur en début d'année. Mon équipe et moi-même échangeons régulièrement avec les parents d'élèves, les professeurs et les responsables de ses établissements scolaires.
À la lumière de ces échanges, je souhaite vous alerter sur les difficultés grandissantes que rencontrent les écoles, collèges et lycées de Givors : manque de personnel, baisse des dotations horaires, épuisement des professeurs, colère des parents d'élèves. Elles sont en bonne partie liées à l'inadéquation des zonages d'éducation prioritaire et des moyens par rapport au nombre d'élèves accueillis et aux problèmes socioéconomiques des familles.
Ainsi, parmi les deux collèges de la commune, le collège Lucie-Aubrac, classé en réseau d'éducation prioritaire, présente depuis plusieurs années tous les indicateurs justifiant la classification REP+, celle-ci ne lui a toujours pas été attribuée. Quant au collège Paul-Vallon, il n'appartient à aucune de ces deux catégories au motif qu'il accueille des élèves venus de villages alentour socialement moins défavorisés, bien que d'autres de ses élèves, en grand nombre, soient issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Sa non-classification a pour effet collatéral de pénaliser lourdement les écoles élémentaires implantées dans ces quartiers, lesquels ne bénéficient pas, par exemple, du dédoublement systématique des classes de CP et CE1.
Concernant le lycée Aragon-Picasso, il est préoccupant que sa dotation horaire pour la rentrée de septembre 2020 s'annonce insuffisante, car cela pourrait aboutir à la constitution de classes dont l'effectif dépasserait le seuil de trente-cinq élèves en seconde. Dans ce contexte, et compte tenu de la crise que nous venons de vivre, quels moyens supplémentaires peut-on mobiliser pour les établissements de la commune ?
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Mon ministère veille naturellement à l'équité des dotations d'enseignement scolaire public des premier et second degrés, qu'il répartit entre les académies. L'analyse des moyens tient notamment compte du poids de l'académie, de la démographie des élèves et des disparités géographiques et sociales.
Lors de l'élaboration de la carte, le ministère a doté l'académie de Lyon de 46 réseaux d'éducation prioritaire – REP – , dont 21 réseaux d'éducation prioritaire renforcés – REP+. La classification des collèges date de la rentrée 2015 et n'a pas été modifiée depuis, sauf pour intégrer de nouveaux collèges classés directement en éducation prioritaire. Le collège Lucie-Aubrac y est situé en réseau de réussite scolaire – RRS – et le collège Paul-Vallon ne relève pas de l'éducation prioritaire. En effet, les indicateurs retenus n'ont pas permis de classer le premier en REP+ ni le second, à la rentrée 2014, en REP.
Je suis pleinement conscient des problèmes que posent ces effets de seuil. De fait, par-delà l'enjeu de la classification en REP, l'allocation de moyens académiques est fondée sur un principe d'équité sociale et territoriale, en vertu duquel l'académie du Rhône a maintenu son engagement d'accompagner les établissements accueillant des élèves issus de milieux défavorisés. Cela concerne les établissements mentionnés : le collège Lucie-Aubrac bénéficie de moyens équivalents à d'autres collèges REP+ de l'académie malgré son classement REP, tandis que le collège Paul Vallon a obtenu des moyens supplémentaires au même titre que d'autres collèges classés REP. Quant au lycée Aragon-Picasso, il a obtenu environ 30 heures en sus de la dotation règlementaire.
J'ai souhaité que la révision de la carte de l'éducation prioritaire soit reportée à la rentrée 2021 afin de prendre le temps de consulter l'ensemble des parties prenantes et d'élaborer un dispositif permettant plus de souplesse et une plus grande adéquation de notre action aux problèmes propres à chaque territoire. Il nous faut en effet développer la différenciation territoriale.
Sur le fondement des recommandations du rapport de la mission territoires et réussite, dit rapport Mathiot-Azéma, je souhaite donner davantage de marges de manoeuvre aux services académiques pour choisir les leviers les plus pertinents pour cela, qu'il s'agisse des moyens d'enseignement, des dispositifs d'égalité des chances ou des personnels de vie scolaire.
En outre, au-delà de la seule labellisation REP et REP+, les autorités académiques peuvent affecter les moyens de manière progressive en fonction des caractéristiques socio-économiques et scolaires des écoles et des établissements. Ainsi, l'allocation progressive des moyens dans l'académie de Lyon reprend pour partie des critères utilisés pour le classement en éducation prioritaire en 2015, par le biais de l'indice de difficulté sociale et de territorialité : elle est calculée proportionnellement à cet indice et aux effectifs accueillis par chaque établissement. À ce titre, les deux collèges de la ville de Givors bénéficient de moyens supplémentaires, et l'allocation progressive bénéficie également au lycée compte tenu de ces indicateurs.
Enfin, concernant l'enseignement scolaire du premier degré public, le nombre de postes pour 100 élèves – taux PE – du département du Rhône a augmenté entre la rentrée 2015 et la rentrée 2019, passant de 5 à 5,4. Cette amélioration se poursuivra. Ainsi, à la prochaine rentrée scolaire, le taux d'encadrement devrait continuer de progresser grâce à une dotation supplémentaire en emplois alors que les effectifs d'élèves prévus sont stables.
S'agissant plus particulièrement de la ville de Givors, cinq emplois seront créés, dont deux à l'école élémentaire Picard-Liauthaud, un à l'école élémentaire Joliot-Curie et deux à l'école primaire Freydière-Gare.
L'académie de Lyon bénéficie pour la rentrée 2020 de la création de 97 équivalents temps plein d'enseignement dans le premier degré de l'enseignement public et de 107 dans le second degré.
La parole est à Mme Mireille Robert, pour exposer sa question, no 1063, relative aux blocs sanitaires dans les écoles.
L'épidémie de covid-19 nous a imposé de revoir nos mesures d'hygiène afin de ralentir la propagation du virus, voire de la stopper. Les procédures instaurées dans les établissements scolaires en vue du déconfinement ont révélé des lacunes et des dysfonctionnements touchant notamment les blocs sanitaires.
À la faveur de visites dans ma circonscription et à la lumière d'enquêtes que j'ai menées pour évaluer les difficultés et les questions soulevées par ces nouvelles dispositions, j'ai constaté le problème majeur que posaient les sanitaires et les points d'eau dans nombre d'écoles vieillissantes. L'épidémie a ainsi révélé que bien des mesures d'hygiène élémentaire n'étaient pas la norme dans notre pays. Beaucoup de blocs sanitaires sont dans un état qui fait honte : points d'eau, robinets, toilettes en nombre insuffisant, médiocrité de l'approvisionnement en savon ou en désinfectant, gestion délicate du passage aux toilettes ou au lavabo. À ces problèmes, qui ne sont pas récents, s'ajoutent le manque d'intimité du fait de toilettes sans séparation ou de portes qui ne ferment pas, l'éloignement des blocs sanitaires par rapport aux classes, l'approvisionnement aléatoire en papier hygiénique.
Enseignants, parents et élèves multiplient les alertes depuis des années. On sait très bien que beaucoup d'enfants ne vont pas aux toilettes aux heures d'école à cause de la vétusté des installations. Face aux nouveaux défis sanitaires, comment faire de la prévention et enseigner aux enfants les bons gestes quand les infrastructures ne sont pas au rendez-vous ? Peut-on prévoir un plan ambitieux de remise à niveau des installations sanitaires de nos écoles élémentaires et de nos collèges ? Quel partenariat peut-on imaginer avec les différentes collectivités territoriales, compétentes en la matière ?
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
L'hygiène défectueuse dans les sanitaires à l'école, dans le premier comme dans le second degré, constitue un problème majeur. J'ai eu à maintes reprises l'occasion de m'exprimer à son sujet, avant même la crise du covid-19. Tout ce que vous avez décrit est malheureusement conforme à la réalité, et nous avons beaucoup à rattraper en la matière. Des difficultés telles que le nombre insuffisant de sanitaires, leur détérioration, leur saleté, leur insécurité ont été relevées dans une proportion élevée d'écoles et d'établissements scolaires. Elles empoisonnent la vie quotidienne des élèves, comme vous l'avez très bien dit. De plus, des pathologies récurrentes sont signalées, surtout chez les jeunes filles, en lien avec le non-usage des toilettes scolaires, dont un nombre élevé d'infections urinaires. Le constat est corroboré par la thèse soutenue en juin 2013 par le docteur Bénédicte Hoarau, qui a enquêté auprès de 800 élèves de trois collèges : un tiers des élèves interrogés renoncent à aller aux toilettes à cause de cette situation.
La gestion de ces difficultés, relevant d'enjeux de promotion de la santé et de limitation de la propagation des virus, concerne tous les acteurs de la communauté éducative et implique une collaboration étroite avec les collectivités territoriales.
Pour le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, offrir à l'ensemble de la communauté éducative un cadre de vie favorable aux apprentissages a toujours été une priorité. Or l'hygiène constitue un élément primordial pour le bien-être des élèves et, par là même, pour leur réussite à l'école.
Le problème des installations sanitaires se situe à la croisée des thématiques de la citoyenneté, de la santé et de la vie scolaire s'agissant du volet pédagogique et éducatif. Selon une démarche d'éducation à la santé et à la citoyenneté, des projets pédagogiques et éducatifs tendent donc à aborder les conditions d'accès aux sanitaires, d'usage de ceux-ci, de sécurité, d'hygiène et d'intimité pour ceux qui les utilisent. Un guide dédié, disponible en ligne sur le portail Éduscol, apporte ainsi un ensemble de références, de conseils et d'outils pour agir.
Enfin, dans le contexte du contrôle de la pandémie de covid-19, l'accès à un point d'eau, en complément de la fourniture de gel hydroalcoolique, est indispensable dans le respect renforcé des gestes barrières : le protocole à appliquer par l'ensemble de la communauté éducative permet l'échelonnement du passage des élèves aux toilettes afin de respecter les distances et d'éviter la surfréquentation lors des temps de pause.
Alors qu'il nous faut progresser en ce domaine, la crise du covid-19 crée une prise de conscience salutaire. Je vous confirme que le plan de soutien aux collectivités locales mis en oeuvre par l'État à la suite de la crise sanitaire permet ainsi d'apporter des solutions de financement pour la rénovation des sanitaires dans les écoles, notamment grâce à l'abondement de 1 milliard d'euros de la dotation de soutien à l'investissement local, la DSIL. J'y serai particulièrement attentif.
J'agis par ailleurs au niveau européen afin que le plan de relance inclue ce que j'ai appelé un plan Marshall du bâti scolaire, pour appuyer les collectivités locales dans une entreprise de rénovation écologique de l'ensemble des bâtiments. Or celle-ci concernerait évidemment les sanitaires, car l'écologie est aussi en jeu, comme le bien-être quotidien.
La parole est à Mme Sophie Auconie, pour exposer sa question, no 1082, relative aux services pénitentiaires d'insertion et de probation.
Madame la garde des sceaux, les services pénitentiaires d'insertion et de probation, les SPIP, jouent un rôle essentiel dans l'accompagnement des détenus accomplissant leur peine, en milieu ouvert comme en milieu fermé. Afin de faire face au risque de propagation du covid-19 au sein des prisons, vous avez pris des décisions significatives pour réduire la population carcérale, ramenant à 97 % le taux d'occupation des établissements pénitentiaires. De plus, la réforme de la justice entrée en vigueur le 24 mars 2020 comporte de nombreuses mesures tendant à réduire les courtes peines et à favoriser l'aménagement d'alternatives à l'emprisonnement. Ces mesures intéressantes nécessiteront un accompagnement et un encadrement par des agents spécialisés.
Pourtant, les agents des SPIP témoignent de leur sentiment d'abandon face aux très fortes contraintes qui leur sont imposées. L'augmentation du nombre de personnes condamnées et la surpopulation carcérale posent des problèmes majeurs d'encadrement. Vous le savez pour être venue visiter en Indre-et-Loire la maison d'arrêt de Tours, dont le taux d'occupation atteignait 200 % avant la crise sanitaire. Le service dispose de 19,4 équivalents temps plein chargés du suivi de 1 743 personnes, soit un agent pour 90 usagers. Je vous remercie d'avoir fait du SPIP d'Indre-et-Loire un service pilote dans le cadre de la loi de programmation et de réforme pour la justice.
La loi dite Pradié visant à agir contre les violences au sein de la famille a notamment pour objet d'instaurer des mesures d'éloignement grâce à l'utilisation des bracelets électroniques.
Cette mesure, indispensable pour lutter contre les violences faites aux femmes aura pour conséquence d'augmenter, elle aussi, le nombre de personnes suivies par les SPIP.
En outre, les agents des SPIP sont particulièrement inquiets des conditions de la mise en oeuvre de la loi de transformation de la fonction publique car celle-ci va peser sur leurs mutations, sur leur formation et sur leur carrière.
Les missions des SPIP sont essentielles pour une meilleure orientation des parcours de peine des condamnés, accompagnement quotidien qui est aussi un rouage majeur pour la protection des victimes ; elles sont également centrales pour garantir les meilleures conditions de réinsertion et, ce faisant, pour lutter contre la surpopulation carcérale. Leur engagement mérite des moyens à la hauteur des ambitions affichées par le Gouvernement pour accompagner ces agents dans leurs actions.
Je souhaite donc connaître, madame la ministre, les engagements concrets qui seront pris, à la suite de cette crise qui a changé les paramètres, pour accompagner les SPIP.
Madame la députée, je suis en plein accord avec vous sur le fait que les services pénitentiaires d'insertion et de probation sont l'un des maillons essentiels à la fois de la réussite de la loi de réforme de la justice, mais aussi, plus fondamentalement, des politiques de prévention de la récidive et de régulation carcérale.
Sur la période 2018-2020, et dans le cadre de la loi de réforme de la justice, le Gouvernement a pris l'engagement de créer 1 500 emplois supplémentaires dans les services pénitentiaires d'insertion et de probation, dont 870 conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation – CPIP. Ces personnels seront répartis en fonction notamment des personnes sous main de justice suivies localement, mais aussi des enjeux de politique pénale et pénitentiaire. Ainsi, 259 conseillers ont déjà été recrutés et entreront en fonction en septembre 2020 pour certains d'entre eux et en septembre 2021 pour d'autres – puisqu'il y a deux ans de formation. Dans le SPIP d'Indre-et-Loire, un poste supplémentaire sera créé dès le mois de septembre 2020, s'ajoutant aux vingt-trois déjà existants.
En outre, sur le plan national, parmi les 1 500 emplois que je viens d'évoquer, 144 agents administratifs, 135 assistants de service social et 106 surveillants en charge de la surveillance électronique ainsi que des coordonnateurs culturels et des psychologues viendront étoffer les équipes pluridisciplinaires des SPIP. En conséquence, les moyens de fonctionnement dont sont dotés les SPIP devraient passer à 42,6 millions d'euros en 2022, soit une hausse prévisionnelle de 17 %.
Dans le cadre de la lutte contre les violences conjugales, la loi du 28 décembre 2019 que vous avez évoquée a en effet créé le bracelet anti-rapprochement, mais ce dispositif n'a pas vocation à générer une charge de travail supplémentaire pour les SPIP puisqu'il y aura des pôles de télésurveillance et de téléassistance spécifiquement en charge du suivi électronique du dispositif.
Enfin, la réorganisation des services centraux de la direction de l'administration pénitentiaire a permis de créer récemment une sous-direction de l'insertion et de la probation, chargée de soutenir et d'accompagner les SPIP.
C'est donc une politique globale qui est mise en oeuvre et dans laquelle les CPIP et l'ensemble des SPIP, loin d'être abandonnés, constituent un rouage essentiel.
La parole est à M. Stéphane Travert, pour exposer sa question, no 1061, relative à l'impact de la crise sanitaire sur la filière cidricole.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, je ne vais pas vous apprendre que les grandes filières font l'actualité quotidienne de votre ministère. Pourtant, notre territoire est maillé par d'autres filières de production qui en font à la fois la richesse et l'attractivité : c'est le cas de la filière cidricole, très présente dans le Grand Ouest et dont je rappelle qu'elle est ancrée dans les territoires et qu'elle constitue un élément fondateur des terroirs et des économies locales. Elle a été frappée par la crise du covid-19 au moment où elle entamait une nouvelle dynamique attendue par ses acteurs.
Cette crise sanitaire a mis en lumière plusieurs difficultés : la gestion des stocks chez les transformateurs après un effondrement de la demande, due d'abord à la fermeture administrative du secteur de la RHD – la restauration hors domicile – , puis à des baisses significatives des ventes en grande distribution ; la seconde difficulté est due à la récolte exceptionnelle qui se profile au mois de septembre car, avec un stock important de produits finis et l'impossibilité pour la filière de produire sans s'en délester, les producteurs s'inquiètent légitimement pour la pérennité de leur activité.
Je souhaite donc savoir, monsieur le ministre, quelles mesures de soutien sont envisagées spécifiquement pour la filière cidricole, en plus de celles prévues par le cadre général et pour lesquelles vous avez beaucoup travaillé : je pense à des mesures de dégagement de marché, à la distillation, à des dispositions spécifiques fiscales et sociales. Afin de définir efficacement de telles mesures de soutien, il est crucial d'ouvrir un dialogue avec les acteurs de la filière. Je sais que vous l'avez fait, mais je souhaite que soit établi un calendrier sur les rencontres à venir. Cette filière porte des ambitions fortes et demande à être mieux reconnue au sein du conseil spécialisé « vin et cidre » de FranceAgriMer, à travers un groupe de travail dédié pour accompagner et rendre plus attractive l'activité cidricole.
La communication collective est aussi un investissement important, mais la crise du covid-19 a un lourd impact sur les campagnes de promotion prévues. Nous avons pu observer un changement de comportement de consommation de nos concitoyens, beaucoup d'entre eux privilégiant la consommation de produits locaux, et beaucoup d'initiatives ont été prises à votre initiative, dans nos territoires, pour les y inciter. Plusieurs collectivités locales ont ainsi lancé des campagnes de communication en ce sens. Dans ce contexte, je vous propose d'adapter cette stratégie de communication en incitant encore davantage à la consommation locale et en mettant plus particulièrement en valeur la filière cidricole, car elle traverse de grandes difficultés.
Les produits cidricoles perpétuent une tradition, des savoir-faire, une image de la qualité de nos terroirs et se rattachent à une histoire, celle des femmes et des hommes qui partagent une passion pour la culture et pour la production de pommes à cidre. Qu'il s'agisse de fermiers, d'artisans, de petites ou de grandes entreprises ou encore de coopératives, ils font vivre eux aussi au quotidien notre agriculture et attendent de notre part un soutien. Je sais la complexité de la tâche que vous avez à entreprendre et je vous remercie des réponses que vous saurez leur apporter.
Cher Stéphane Travert, il n'y a pas de petites filières : il n'y a que des filières. Et j'attache autant d'importance à la filière cidricole qu'à la filière bovine ou laitière et qu'à toutes les autres – je ne vais pas toutes les citer, car celles que j'oublierais peut-être m'en voudraient. Vous avez à fort juste titre rappelé que c'est une filière économique, sociale et territoriale importante, mais aussi, de surcroît, culturelle eu égard à son histoire et à ses lieux de consommation – pensons notamment à la Normandie, au festival interceltique de Lorient ou encore à des espace restreints tels que les crêperies.
J'ai déjà rencontré à deux reprises les représentants de la filière cidricole depuis le début de la crise, hier après-midi encore avec ceux de la filière bière et de la filière horticole, et en partant d'ici je recevrai ceux de la filière pommes de terre. Il n'y a pas de grandes et de petites filières : il faut toutes les traiter au même niveau.
Vous l'avez dit vous-même : la filière cidricole a bénéficié de toutes les mesures transversales mises en place par le Gouvernement et que vous avez évidemment soutenues : le fonds de solidarité et les diverses garanties sur lesquelles je ne reviendrai pas. Je travaille beaucoup avec les représentants de cette filière, victime collatérale de la décision de fermer en urgence les cafés-hôtels-restaurants, laquelle a réduit ses débouchés d'autant. Les gens, pendant le confinement, ont moins consommé de cidre. C'est la raison pour laquelle je tiens à ce que soient prises des mesures tout à fait spécifiques, à commencer par l'exonération de charges sociales patronales : j'en discute avec Gérald Darmanin, le ministre de l'action et des comptes publics, dans la perspective du troisième PLFR que votre assemblée examinera dans quelques jours. C'est une mesure très importante à laquelle je tiens. De plus, j'ai annoncé hier le déblocage d'une enveloppe de 5 millions d'euros de crédits pour financer la distillation à hauteur de 50 euros par hectolitre, sachant que la nouvelle récolte va en effet arriver et que les stocks de pommes existants ne pourront être conservés.
Quant à la communication, je m'engage à ce que le ministère finance, par l'intermédiaire de FranceAgriMer, une campagne d'information et de promotion, comme il l'a fait pour la filière pêche et pour la filière horticole – cette dernière, menée juste avant la fête des mères, a très bien marché.
La parole est à M. Sébastien Leclerc, pour exposer sa question, no 1067, relative aux mesures de soutien à la filière cidricole.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, la crise du covid-19 aura frappé tous les pans de notre économie et, semaine après semaine, le Gouvernement annonce des dispositifs spécifiques pour les différentes filières – automobile, industrie, monde viticole, et un plan d'urgence pour le secteur aéronautique doit être rendu public – , mais il subsiste des filières qui vous ont sollicité et qui attende une réponse, dont la filière cidricole, qui vient d'être évoquée. Elle est importante dans le Pays d'Auge, plus largement en Normandie et dans le Grand Ouest, avec des points de vente sans clients, les restaurants fermés et des exportations en chute libre. Avec le déconfinement, l'activité repart timidement, mais il faudra du temps avant de retrouver un rythme normal d'écoulement des produits ; les caves accumulent les stocks, ce qui va poser de multiples problèmes d'ordre économique, les entreprises devenant déficitaires, et d'ordre logistique : comment gérer la prochaine récolte de pommes quand la précédente s'est écoulée deux ou trois fois moins que d'habitude ?
Un plan d'aide à la filière cidricole est donc nécessaire. Plusieurs outils sont à votre disposition : exonérations de charges sociales pour les salariés comme pour les employeurs, financement du retrait du marché d'une partie de la récolte de pommes 2020, comme le demande l'interprofession. Comment l'État se positionne-t-il par rapport à sa demande ? Des mesures fiscales peuvent aussi être prises. Je rappelle qu'actuellement, un producteur de calvados paye des droits annuels assis sur l'augmentation de la valeur de son stock : il doit donc payer sans même avoir vendu une seule bouteille. Ne pourrait-on pas envisager de ne taxer la production 2020 qu'au moment de la vente, afin de permettre aux récoltants de distiller davantage cette année et ainsi de ne pas perdre de fruits ?
Monsieur le député, vous connaissez bien, comme M. Travert, cette région et cette filière, et je répète que le Gouvernement n'est pas resté inactif. Pour compléter la réponse que j'ai faite précédemment, je rappelle que la meilleure relance passe par la consommation – avec modération, évidemment, à titre individuel. À partir du moment où le déconfinement a été décidé, les choses vont avancer, et nous espérons tous qu'il y aura, le plus tôt possible, plus de restaurants et de bars complètement ouverts. Que les gens puissent à nouveau consommer est la meilleure condition de la relance. Une campagne de communication et de promotion, j'y travaillais hier avec les représentants de la filière, serait à cet égard importante pour leur rappeler les qualités de la boisson dont nous parlons. La filière cidricole subit en effet une double peine : celle liée à la conséquence de la fermeture des CHR et celle liée à la réduction, cette année, d'événements culturels estivaux, tels que les festivals.
Pour vous répondre très clairement sur les taxes, je vous indique que le Gouvernement n'est pas favorable à une modification du droit fiscal en la matière. Certes, les producteurs ont assez peu utilisé le dispositif du chômage partiel, largement développé par le Gouvernement puisqu'il faut bien de la main-d'oeuvre dans les vergers, mais nous travaillons, je l'ai dit, à une exonération de charges et 5 millions d'euros d'aides sont prévues pour la distillation.
Il est très important que la filière cidricole puisse continuer à vivre, compte tenu de son importance et de sa dimension culturelle. Elle doit donc être mieux reconnue. La crise du covid-19 a eu aussi un impact sur l'agrotourisme, qui a dû s'interrompre. Le déconfinement doit permettre de le relancer, au bénéfice de la filière cidricole aussi.
Soyez donc vraiment assuré, monsieur le député, que mon ministère est entièrement mobilisé pour aider spécifiquement la filière cidricole, elle aussi. Je ne l'oublie pas, même si elle est géographiquement circonscrite.
La quasi-absence d'exportations vers les pays tiers constitue également un problème : nous devons relancer cette machine. Enfin, nous travaillons au niveau européen, avec quelques autres pays, à faire en sorte que l'interprofession soit prise en considération au même titre que la filière des vins et spiritueux. Cela permettrait à l'Europe d'intervenir pour aider la filière cidricole, ce qu'elle ne peut pas faire actuellement.
Le Gouvernement est en tout cas mobilisé pour aider l'ensemble de la filière.
Ma demande ne consistait pas à exonérer les professionnels de l'ensemble des taxes, mais seulement de celles portant sur le calvados, lequel fait partie de notre patrimoine au même titre que le cidre et sera peut-être encore plus en souffrance à l'avenir. Voilà pourquoi je souhaitais que vous étudiiez ma proposition.
Nous allons y réfléchir.
La parole est à M. Nicolas Meizonnet, pour exposer sa question, no 1083, relative à l'impact de la crise sanitaire sur l'activité des manades de Camargue.
Connaissez-vous la Camargue, monsieur le ministre ? Si tel n'est pas le cas, je vous encourage vivement à la découvrir. Ce vaste et magnifique territoire, embrassé par le delta du Rhône et ses pourtours, vit et vibre au rythme de ses traditions taurines. Cette terre est un espace précieux, à la biodiversité remarquable, et elle attire des populations du monde entier. Elle recèle un patrimoine inestimable mais fragile, façonné et préservé par la sueur et le sang de femmes et d'hommes, gardians et éleveurs de taureaux et de chevaux – manadiers, comme on les appelle – , dont le savoir-faire est reconnu par-delà les frontières.
Aujourd'hui, les manadiers, comme d'autres, se trouvent dans la tourmente à cause de la crise sanitaire. La survie de leur entreprise est devenue un véritable enjeu pour la conservation d'un écosystème exceptionnel, d'un petit bout de France qui constitue un véritable joyau de l'humanité. Comprenez-moi bien : on ne parle pas ici de l'élevage de viande bovine ou chevaline destinée en premier lieu à la consommation. On parle d'un monde, celui de la bouvine, qui s'inscrit dans une histoire de plusieurs siècles, une identité culturelle qui fait la fierté de tous, un berceau de traditions ancestrales : abrivados, encierros, fêtes votives et courses camarguaises.
Tout cela participe du lien social de tout un peuple et fait vivre l'économie locale. Tout cela ne peut exister sans les manadiers. Si je devais citer le poète Frédéric Mistral, je dirais que : « C'est là le signe de famille, C'est là le sacrement qui unit le fils aux aïeux. L'homme à la terre ! C'est là le fil Qui tient le nid dans la ramée. »
En Camargue, à l'heure où nous parlons, et avec toutes les incertitudes qui planent encore, les 116 manades existantes pourraient enregistrer une perte sèche de 3 millions d'euros. Il est donc primordial que l'État intervienne rapidement au secours de nos manades et de nos traditions. Comme je vous l'ai indiqué par courrier, il me paraît indispensable de créer un fonds d'aide d'urgence pour les charges d'exploitation et de geler les charges de structures.
Ma question est simple, monsieur le ministre : que comptez-vous faire ?
Étant assis au banc du Gouvernement au côté du secrétaire d'État Laurent Nunez, qui connaît particulièrement bien cette région, je dois dire que nous sommes heureux que vous nous ayez invités, avec votre accent, à évoquer Frédéric Mistral, les traditions votives, les courses camarguaises ou les abrivados : cela nous fait penser à Arles, aux Saintes-Maries-de-la-Mer, et à toute cette formidable culture.
Si la Camargue est un lieu touristique fantastique et qu'elle constitue une magnifique carte postale, elle ne saurait se limiter à cette image. Lorsque nos concitoyens évoquent ce territoire, ils le font souvent avec le sourire et parlent d'y partir en vacances – tant mieux. Mais il y a en Camargue des gens qui travaillent dur, quotidiennement, dans toute une série de domaines. Je songe par exemple aux professionnels de la filière rizicole, qui font un travail difficile et remarquable dans ce secteur, et qui enregistrent d'ailleurs des progrès notables. Vous avez fait spécifiquement référence aux manadiers, qui sont une spécificité de votre région, que j'apprécie particulièrement et que Laurent Nunez et moi-même connaissons pour de multiples raisons.
Nous avons étudié leur situation avec beaucoup d'intérêt. Comme je l'indiquais à Stéphane Travert et au député Leclerc, il n'y a pas de grandes ou de petites filières : le Gouvernement s'occupe de tout à la fois, car il est important de ne laisser personne au bord du chemin à l'issue d'une crise absolument dramatique. Cette crise a eu pour conséquence l'arrêt complet de toutes les manifestations et rencontres rassemblant du public. Les manadiers ont été directement touchés.
Nous avons pris des mesures immédiates pour l'ensemble des entreprises agricoles et d'élevage, quel que soit leur domaine d'activité. Les manadiers sont ainsi concernés par toutes les mesures transversales déployées par le Gouvernement, qu'il s'agisse du fonds de solidarité, des prêts de trésorerie garantis par l'État ou du report d'échéances fiscales. Nous nous efforçons en outre de faire en sorte que les mesures destinées aux exploitations agricoles soient détaillées par la MSA – la Mutualité sociale agricole – , s'agissant en particulier des prélèvements de cotisations. Nous allons progresser dans ce domaine.
Ainsi que je l'ai déjà indiqué à plusieurs d'entre vous qui m'avez interpellé par écrit – la présidente Françoise Dumas m'a par exemple contacté à plusieurs reprises, y compris ce week-end – , je souhaite que nous procédions à un examen individuel de la situation des manades, car il est important qu'elles continuent à vivre. Il n'y a plus, pour l'heure, de fêtes, de rassemblements ni de courses, mais il y a des animaux, des éleveurs et des passionnés. Nous ne les oublions pas.
Je sais par ailleurs que les conseils régionaux apportent un soutien spécifique aux manades. Je me suis notamment entretenu avec Renaud Muselier, président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui a beaucoup travaillé sur cette question, comme les autres régions concernées. L'État sera toutefois présent pour assurer la pérennité de cette culture, de cette tradition et de ces élevages.
Vous semblez avoir bien saisi les enjeux de ma requête. Vous connaissez le territoire et vous avez compris qu'on parle ici d'une histoire, d'une culture, de traditions, bref, d'une identité à laquelle le peuple de Camargue – cet « ancien peuple fier et libre », comme l'écrivait Frédéric Mistral – , est extrêmement attaché. Toutefois, la réponse que vous faites n'est pas de nature à me satisfaire pleinement.
Vraiment ?
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour exposer sa question, no 1054, relative aux coupes rases en forêt.
Que ce soit dans le Morvan, sur le plateau de Millevaches, dans les Landes de Gascogne ou dans la forêt de Mormal, forestiers, citoyens et associations s'élèvent contre la pratique des coupes rases. Celles-ci libèrent une partie du carbone stocké dans la terre, tassent les sols, les fragilisent et empêchent leur bonne régénération. Elles détruisent également les habitats des mammifères, des oiseaux ou des insectes.
Les territoires que j'ai évoqués désignent des sites classés en parcs naturels régionaux, dont le patrimoine naturel est censé être protégé et valorisé. Pourtant, le modèle combinant monoculture, coupes rases et plantations s'y répand sans obstacle : en l'état de la réglementation, même les parcs naturels régionaux n'ont pas leur mot à dire. Dans le Morvan, où je me trouvais voilà quelques mois, 50 % des forêts de feuillus ont déjà été remplacées par des plantations monospécifiques de résineux.
Les forêts françaises ne sont pas de simples gisements de bois. Elles sont, entre autres choses, indispensables pour lutter contre le réchauffement climatique et assurer la filtration des eaux. Nous devons cesser de convertir des forêts de feuillus diversifiées en monocultures de résineux, exclusivement destinées à l'industrie et plus vulnérables aux événements extrêmes comme les incendies, les tempêtes ou la prolifération d'insectes. L'épidémie de scolytes qui ravage les forêts françaises nous incite, là encore, à changer de modèle.
D'autres pays l'ont fait : la Suisse a interdit les coupes rases dès 1876. En Allemagne, tous les Länder ont voté des législations restreignant la surface maximale des coupes. En Autriche, toute coupe de plus de 2 hectares est interdite. En France, aucun seuil de surface maximale de coupe rase n'est défini par la loi. Les seuils de coupe fixés par les départements peuvent être contournés par une simple demande d'autorisation à la préfecture. Ce vide juridique accroît la prédation sur nos forêts. Les grosses coopératives qui produisent des plans, conduisent des travaux forestiers et commercialisent du bois ont tout intérêt à recommander une coupe rase aux propriétaires, pour augmenter leurs gains.
Il est temps de rattraper notre retard en définissant une législation claire et des interdictions. La forêt est notre bien commun. Comme le disait Aldo Leopold, un écologiste et forestier : « J'ai lu de nombreuses définitions de ce qu'est un écologiste, et j'en ai moi-même écrit quelques-unes, mais je soupçonne que la meilleure d'entre elles ne s'écrit pas au stylo, mais à la cognée. La question est : à quoi pense un homme au moment où il coupe un arbre, ou au moment où il décide de ce qu'il doit couper ? Un écologiste est quelqu'un qui a conscience, humblement, qu'à chaque coup de cognée il inscrit sa signature sur la face de sa terre. ».
À nous de choisir quelle signature nous voulons inscrire sur la face de nos forêts : celle du marché qui les épuise pour plus de bois et maltraite les êtres humains qui y travaillent, ou celle de l'intérêt général, qui en prend soin pour le bien de toutes et tous ? Ma question est donc simple : êtes-vous favorable à un seuil national d'interdiction des coupes rases ?
Merci pour votre question, madame Panot : je connais votre engagement réel pour la forêt, et je sais combien vous travaillez sur ce thème. Votre question est très importante, et je la prends comme telle. Je suis prêt à évoluer dans ce domaine, comme le reste du Gouvernement.
La forêt française est diverse, elle est riche de son contexte géographique : la France ne compte pas une forêt, mais des forêts, en fonction qu'on se trouve dans la Meuse ou dans le Sud-Ouest, par exemple dans les Landes. Ces lieux géographiques divers obéissent aussi à des contextes économiques et sanitaires variables. Vous avez évoqué la terrible épidémie de scolytes, contre laquelle le Gouvernement a déployé un plan – sur lequel je ne reviens pas, ayant déjà eu l'occasion de répondre à une de vos questions à ce propos.
Nos forêts remplissent plusieurs fonctions : la lutte contre l'érosion, l'amélioration de la qualité de l'eau, la préservation de la biodiversité, l'accueil du public – qui reste important, même s'il a été réduit depuis trois mois – et la production de bois. La ressource bois, naturelle et renouvelable, a toute sa place dans le modèle d'économie décarbonée que la société appelle de ses voeux. Nous voulons agir en ce sens, car il n'est pas normal que le bois des forêts françaises ne soit pas exploité en France. La politique forestière se fonde sur une gestion durable et multifonctionnelle des forêts et garantit la qualité de l'ensemble des services rendus. Il ne faut pas opposer la forêt et la filière bois.
Vous m'interrogez plus précisément sur les coupes rases. Je rappelle que ce terme désigne une coupe suivie d'une plantation, le plus souvent d'essence résineuse. Force est de constater que cette modalité de gestion sylvicole n'est pas majoritaire en France : si elle était la règle du temps du fonds forestier national, moins de 15 % des surfaces en régénération font aujourd'hui l'objet de plantations résineuses. Ainsi, comme le montre l'inventaire forestier national, la forêt française ne subit aucune régression sur les forêts de feuillus, lesquels forment les deux tiers de la forêt métropolitaine.
Néanmoins, la question des forêts revêt une dimension transversale : il s'agit à la fois d'un enjeu environnemental, comme vous l'avez souligné, d'un enjeu économique, mais aussi, parce de plus en plus de nos concitoyens s'en soucient, d'un enjeu de société. C'est pourquoi la Cour des comptes a remis, la semaine dernière, un rapport sur la structuration de la filière forêt-bois à la commission des finances de l'Assemblée nationale. C'est pourquoi six ONG ont décidé de mettre en commun leurs réflexions au sein d'un récent rapport. C'est pourquoi j'ai demandé, en octobre dernier, aux professionnels de construire une feuille de route pour l'adaptation des forêts au changement climatique, qui devrait m'être remise prochainement.
C'est également pourquoi le Premier ministre a confié à votre collègue Anne-Laure Cattelot la mission de mener une réflexion sur les enjeux liés à la forêt et aux coupes rases. Ses recommandations seront rendues avant l'été, et je m'engage à rencontrer ceux qui sont impliqués dans ce dossier, et peut-être vous-même, pour définir la direction que nous pourrons prendre dans les semaines et les mois à venir.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour exposer sa question, no 1056, relative à la confiance entre la police et la population.
Les États-Unis ne sont pas la France, certes. Mais les différences ne peuvent effacer les points communs qui apparaissent aux yeux de beaucoup de nos concitoyens. Dernièrement, aux États-Unis, des milliers de personnes se sont soulevées après le meurtre de George Floyd par la police de Minneapolis. Une indignation mondiale, saine, juste et légitime s'est répandue. En France, cette colère entre en résonance avec les combats menés pour que toute la lumière soit faite sur la mort de plusieurs de nos concitoyens au cours d'interpellations.
Ici aussi, en France, des dizaines de milliers de personnes se sont ainsi rassemblées pour rappeler qu'avant George Floyd, il y a eu M. Adama Traoré, Mme Zineb Redouane, Zyed Benna, Bouna Traoré et beaucoup d'autres. Face à cette indignation qui monte, M. le ministre Castaner a annoncé des mesures pour tenter, dit-il, de mettre fin aux violences policières et au racisme dans la police.
Il aura donc fallu attendre plusieurs années et une large mobilisation populaire pour que vous reconnaissiez enfin que des problèmes existent. Pourquoi tant de temps perdu ?
Depuis la nomination de M. Castaner, on a le sentiment que le ministère de l'intérieur a toujours cherché à taire ces problèmes, à les minimiser, à les étouffer, niant des violences contre les gilets jaunes et des interpellations anormalement violentes, en particulier dans des quartiers populaires, et préférant même parfois colporter de fausses informations. J'ai ainsi souvenir de M. Castaner me disant ici même que l'interpellation violente qui avait eu lieu à Bordeaux était juste, puisque les faits retenus contre la personne violentée étaient avérés, ce qui était totalement faux. Le dernier rapport du Défenseur des droits, publié hier, montre que cette attitude était fausse. En votre qualité de donneur d'ordre numéro un, votre responsabilité est directement engagée et vous devez des explications à la représentation nationale.
Pourquoi l'IGPN, l'Inspection générale de la police nationale, prononce-t-elle aussi peu de sanctions, alors que des faits de violence sont avérés et circulent sur les réseaux sociaux, que des groupes Facebook racistes sont dévoilés dans la presse et que les sanctions prononcées contre la France par certaines instances internationales montrent qu'il ne s'agit pas d'actes isolés ? J'ai une pensée particulière pour des policiers qui ont élevé la voix contre ces propos racistes, spécialement, et même s'il n'est pas le seul, à M. Noam Anouar, policier, actuellement traîné devant l'IGPN, si je puis me permettre cette expression, et menacé de nombreuses sanctions administratives, alors qu'il était un lanceur d'alerte qui aurait dû être écouté.
Pourquoi avez-vous, sinon ordonné, du moins toléré 30 000 tirs de LBD – lanceur de balles de défense – et plus de 10 000 tirs de grenades explosives en deux ans seulement, en particulier lors des manifestations des gilets jaunes ? J'ai déposé, avec le groupe de La France insoumise, une proposition de loi visant à interdire ces armes potentiellement létales, qui mutilent et brisent des vies. Vous avez balayé cela d'un revers de main. Pourquoi certaines techniques d'interpellation, comme le plaquage ventral, ne sont-elles pas remises en cause ? Toujours avec notre groupe, Mme Obono et M. Bernalicis ont déposé une proposition de loi, que vous avez rejetée.
Comme vous l'avez compris, il y a aujourd'hui une situation grave, un manque de confiance d'une partie importante de la population envers notre police, qui doit être un service public apprécié de tous et respecté. Pour qu'il le soit, chacun de ceux qui ont cette mission difficile doit être respectable. Pour être franc, nous manquons de confiance dans l'idée que vous puissiez mener à bien ce travail.
Pourquoi ce temps perdu ? Pourquoi aura-t-il fallu ce scandale révélé par l'organe de presse StreetPress, qui a montré que deux groupes, rassemblant respectivement 8 000 et 9 000 personnes, dont de nombreux policiers, tenaient des propos intolérables ? Pourquoi a-t-il fallu tout ce temps et cette réaction qui n'est pas venue de l'institution pour que vous commenciez à faire des déclarations allant dans le bon sens ? Je veux considérer que la conférence de presse qui a eu lieu hier est un point positif, un petit pas en avant, mais que de temps perdu, que de gens blessés, que de vies perdues du fait de techniques d'interpellation et d'une banalisation de choses intolérables par l'institution ! L'heure est grave, monsieur le secrétaire d'État. Comme vous l'aurez compris, M. Castaner nous semble avoir été tellement peu à la hauteur de la situation que la déclaration par laquelle nous demandions sa démission est encore d'actualité. Je souhaiterais néanmoins vous entendre répondre à la question de savoir pourquoi tant de temps perdu.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur, pour peu de temps désormais.
Monsieur le député, je vais m'efforcer, en peu de temps, de répondre à une question qui abordait de très nombreux sujets. Je rappelle tout d'abord que le ministre de l'intérieur a annoncé des mesures, dans la définition desquelles j'ai pris, compte tenu de mon expérience et du rôle que je joue auprès de lui, toute ma part. Je ne peux pas vous laisser dire que nous avons mis du temps à réagir, car le problème du racisme dans la police a toujours été pris en compte. Depuis de nombreuses années, des formations sont organisées sur ces thématiques, notamment dans le cadre de la formation initiale des gardiens de la paix et des militaires de la gendarmerie. Chaque fois qu'il y a des actes ou des propos injurieux ou racistes, des procédures disciplinaires sont engagées. Le racisme n'a pas sa place dans la police nationale ni dans la gendarmerie nationale. Nous l'avons dit et répété, et nous réagissons fermement.
Cependant, comme l'a dit hier le ministre et comme je l'ai rappelé moi-même hier soir sur BFM TV, nous ne voulons pas d'amalgame, ni que l'on puisse dire, comme je l'ai entendu, que la police serait raciste de manière systémique. C'est faux. Il y a certes des actes isolés, qui jettent l'opprobre sur l'ensemble de l'institution et qui doivent être sanctionnés. C'est bien parce que nous voulons préserver ce lien fondamental entre la police et la population, entre la police et les citoyens, et préserver l'image de l'institution, que nous voulons réprimer encore plus sévèrement les auteurs de propos ou d'actes injurieux ou racistes ; d'où le renforcement annoncé des règles de déontologie policière.
De la même façon, nous avons passé en revue toutes les techniques d'interpellation et il a été décidé d'en retirer une de l'usage des policiers, parce qu'elle nous passait dangereuse. Les autres, croyez-moi, sont indispensables pour interpeller des individus violents qui ont souvent commis des infractions et qui ne se laissent pas interpeller.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour exposer sa question, no 1080, relative au commissariat de police de Riom.
Monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur, l'actualité brûlante nous démontre qu'il est urgent de restaurer le lien entre notre police républicaine et la population. Pourtant, dans le département du Puy-de-Dôme, la réalité du moment me laisse un peu dubitative, voire méfiante, quant à l'avenir de la sécurité intérieure de notre département.
En effet, je ne peux, hélas, que déplorer le manque de moyens humains affectés au commissariat de police de Riom. De fait, alors que l'effectif de fonctionnement annuel est fixé à cinquante-quatre agents, le sous-effectif est flagrant, puisque ces agents ne sont aujourd'hui que cinquante, et demain quarante-huit en raison de deux départs programmés. La situation n'est d'ailleurs pas mirobolante non plus à Clermont.
Les conséquences sont malheureusement concrètes et désolantes, avec l'impossibilité pour les agents de remplir efficacement leurs missions, comme en témoignent, malheureusement, les statistiques de 2019. Cela donne également lieu à des absurdités, comme la mise en sommeil d'une brigade VTT, faute d'agents en nombre suffisant, après seulement trois mois de fonctionnement, alors que cette brigade bénéficiait de retours très favorables de la part de la population. Pire encore, cette situation est aggravée par une multitude de missions exercées par les agents de ce commissariat auprès du centre pénitentiaire et de la cour d'appel de Riom. À titre d'exemple, ces agents ont réalisé 170 extractions judiciaires pour la seule année 2019, alors que, comme vous le savez, ces interventions sont censées être réalisées par les services du ministère de la justice.
Quant au service chargé des délégations judiciaires, il est composé d'un seul agent, qui doit traiter 800 dossiers par an. La réponse que j'entends régulièrement, selon laquelle il s'agirait de compenser les carences de la police nationale par la police municipale est, vous le savez, une fausse solution. Notre police a besoin de moyens financiers et humains, et non pas que l'État se défausse sur les collectivités, notamment sur les communes.
Ma question est donc simple : nous donnerez-vous les moyens en effectifs prévus par votre propre administration, à savoir cinquante-quatre agents ?
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.
Madame la députée, je puis vous assurer que la lutte contre la délinquance demeure une priorité constante du Gouvernement, qui, comme vous le savez, a pris depuis 2017 des mesures majeures pour renforcer les moyens budgétaires, les moyens en personnel et les moyens juridiques des forces de l'ordre. La détermination du ministre de l'intérieur et la mienne sont permanentes.
Pour répondre aux questions très précises que vous posez, les effectifs de la circonscription de sécurité publique de Riom étaient de soixante-deux agents fin 2016 et, au 30 avril dernier, de soixante-sept. Cette circonscription dispose notamment d'un nombre de gradés et gardiens de la paix quasiment conforme à son effectif de référence – soit, selon les éléments dont je dispose, non pas cinquante personnes, mais cinquante-trois, pour un effectif de référence fixé à cinquante-quatre. Ce dernier point est important, car ce sont principalement ces fonctionnaires de police qui sont mobilisés au quotidien sur la voie publique. Ces chiffres devraient rester stables dans les mois à venir, avec à ce stade, pour l'ensemble de ce commissariat, un effectif prévu de soixante-six agents d'ici à la fin octobre.
Il importe également de garder à l'esprit que ces policiers peuvent, chaque fois que c'est nécessaire, recevoir le renfort d'effectifs départementaux. Je précise à cet égard que la direction départementale de la sécurité publique de votre département dispose globalement d'un nombre de gradés et gardiens supérieur de neuf unités à l'effectif cible. Nous n'en serons pas moins attentifs à la situation de la circonscription dans le cadre des prochains mouvements de mutation.
Vous avez évoqué les charges judiciaires qui pèsent sur les fonctionnaires de cette circonscription de police. Des travaux ont en effet, comme vous l'avez rappelé, été engagés avec la chancellerie depuis plusieurs années pour réduire ces charges et recentrer les policiers sur leurs missions prioritaires, et des progrès ont effectivement été obtenus. Il me faut donc vous contredire sur ce point, notamment pour ce qui concerne les transfèrements judiciaires. Cette politique se poursuit et si, à ce jour, des charges judiciaires pèsent encore sur les policiers de la circonscription, leur impact est plus limité qu'il ne l'était. Ainsi, en 2019, la police des audiences a mobilisé 2,3 % du potentiel opérationnel de la circonscription de police, les extractions et escortes 2,5 % et les gardes de détenus hospitalisés 1,8 %. Ces données restent les mêmes en ce début d'année 2020.
En tout état de cause, vous pouvez compter, madame la députée, sur la mobilisation des policiers. Elle va se poursuivre et il n'est pas question de faire compenser par les collectivités locales ce que vous nommez les carences de l'État, car ce ne serait pas acceptable. C'est, en revanche, ensemble, de manière complémentaire et coordonnée, en donnant priorité à l'engagement de la police nationale dans ses missions de lutte contre la délinquance, que nous pouvons agir plus efficacement pour nos concitoyens dans véritable continuum de sécurité.
La sécurité est l'affaire de tous, comme viennent de nous le rappeler les difficultés que nous connaissons en termes de relations entre la police et la population. Les policiers ne peuvent pas être les seuls réceptacles des problèmes de sécurité dans notre pays : il doit exister un partenariat, un continuum, et que chacun s'engage à hauteur de ce qu'il peut apporter en matière de sécurité. La police nationale doit se concentrer sur ses objectifs prioritaires, qui sont essentiellement de lutter contre la délinquance. C'est très important et elle le fait partout en France, comme dans votre circonscription.
Monsieur le secrétaire d'État, j'avais gardé du temps, mais vous en avez profité, et c'est tant mieux. Je tiens cependant à vous remercier. Si vos propos sont exacts – il n'y a dans les miens nulle intention polémique – et que l'effectif est de cinquante-trois agents, je les prends ! Vous pourrez vérifier les chiffres, car le commandant du commissariat de police de Riom, auprès duquel je suis allée moi-même les vérifier hier, m'a indiqué qu'il y en avait actuellement cinquante, et non pas cinquante-trois. Si vous m'en donnez trois de plus, alors que l'effectif de référence est de cinquante-quatre, je prends. Nous ne demandons rien de plus que le respect de ce chiffre, mais je vous assure que les cinquante-trois agents n'y sont pas aujourd'hui.
Madame Pires Beaune, je suis certain que M. le secrétaire d'État et vous aurez l'occasion d'échanger à nouveau sur cette situation.
La parole est à M. Aurélien Taché, pour exposer sa question, no 1086, relative à la confiance entre la police et la population.
Monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur, votre ministre a annoncé hier une tolérance zéro contre le racisme dans les forces de l'ordre française. Pourtant, dans le rapport d'activité annuelle de l'IGPN pour 2019, paru également hier, l'expression « injures à caractère raciste ou discriminatoire » a tout simplement disparu. Cette décision, prise en mars dernier alors que viennent d'intervenir des révélations sur des groupes tels que celui qui a récemment été mis au jour à Rouen ou « TN Rabiot Police Officiel », sur Facebook, à propos duquel le ministère de l'intérieur a d'ailleurs saisi le parquet de Paris, a de quoi étonner. Dans le même temps – hasard du calendrier – , Jacques Toubon, Défenseur des droits, publiait lui aussi son rapport d'activité, qui nous indique que, sur les trente-six dossiers dont il a saisi le Gouvernement en raison de manquements à la déontologie dans la police, il n'a obtenu aucune réponse. Il indique également que 84 % des personnes interrogées pour savoir si elles avaient ou non subi un contrôle d'identité au cours des cinq dernières années disent que ce n'est pas le cas, mais que 40 % des jeunes de 18 à 24 ans indiquent avoir déjà été contrôlés et, parmi eux, 80 % d'hommes perçus comme noirs ou arabes maghrébins l'ont été.
Le ministre de l'intérieur a annoncé hier une mission contre le racisme de la police, à laquelle la société civile pourrait participer. Peut-on savoir sous quelle forme, et la représentation nationale y sera-t-elle associée ?
Une réforme de l'Inspection générale de la police nationale a aussi été annoncée. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous en dire un peu plus ? Les policiers chargés de ce contrôle retrouveront leur pairs sur le terrain. Cela va-t-il changer, ou non ?
Vous avez également annoncé un rappel des règles applicables aux contrôles d'identité et le renforcement des caméras piétons. Au regard des faits que je viens de rappeler et alors que les jeunesses du monde entier marchent pour l'égalité, ces déclarations me semblent un peu décalées. Pourquoi ne pas simplement généraliser le port de webcams embarquées et instaurer, par exemple, un délai de trente jours pour contester les interpellations ? Après l'étranglement, le placage ventral sera-t-il abandonné ?
Monsieur le secrétaire d'État, en tant que député, mais également en tant que petit-fils de policier, je mesure les difficultés que rencontrent les forces de l'ordre dans le cadre de leur métier, mais si des réponses à la hauteur des enjeux ne sont pas apportées, cette situation ne pourra qu'empirer. Prenez la mesure du problème et donnons-nous les moyens de redonner véritablement ses lettres de noblesse à la police républicaine.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.
Monsieur le député, vous m'interrogez, en réalité, sur le lien de confiance entre la police et la population. Cette relation demeure très forte, et c'est important, car les policiers et les gendarmes sont les piliers de notre République. Toutes les actions dans lesquelles ils sont mis en cause, ils les réalisent d'abord pour protéger nos concitoyens, lutter contre la délinquance et interpeller les auteurs d'infractions. Je veux que cela soit dit et entendu.
Ce ne sont pas des interventions gratuites, menées pour le plaisir. Elles visent à protéger nos concitoyens sur l'ensemble du territoire national, y compris dans les quartiers les plus sensibles où la police n'a jamais été autant demandée. Il faut rappeler ce contexte qu'on a un peu tendance à oublier.
Il est vrai que ce lien s'érode en ce moment, pour plusieurs raisons que je veux également rappeler. Tout d'abord, certaines formations politiques ont pu laisser penser que, pour répondre à des violences survenues lors de manifestations, les forces de l'ordre avaient fait un usage disproportionné de la force, répondant ainsi aux injonctions du pouvoir politique, comme s'il existait une forme de police politique dont l'objectif serait de réprimer les manifestations. Je ne crois pas que ce type de discours contribue à renforcer le lien entre la police et la population.
Deuxièmement, les policiers sont trop souvent seuls face à des problèmes de sécurité auxquels, monsieur le député, vous êtes aussi confronté dans votre circonscription, comme je l'ai été au cours de ma carrière professionnelle. Trop souvent, les autres acteurs – qu'il s'agisse de communes, de bailleurs sociaux, de transporteurs, d'associations – ne s'impliquent pas. Or nous avons besoin de construire un continuum de sécurité, un véritable partenariat, afin que les policiers s'occupent de ce à quoi ils ont été formés, la lutte contre la délinquance, et qu'on ne leur demande pas de gérer les problèmes d'incivilité. C'est très important. Quand des jeunes créent des nuisances en jouant au football au pied d'une barre d'immeubles, pensez-vous vraiment que ce sont les policiers qui doivent intervenir ? D'autres acteurs ne pourraient-ils pas être mobilisés ? Tel est le sens de la politique que ce Gouvernement met en oeuvre dans le cadre de la sécurité du quotidien et qui est de nature à renforcer le lien entre la police et la population.
Concernant la réforme structurelle de la police, l'Inspection générale de la police nationale sera chapeautée par l'Inspection générale de l'administration, laquelle sera chargée de mieux coordonner ses actions et de traiter les dossiers les plus sensibles en réalisant une enquête administrative à chaque suspicion de violence dans une affaire emblématique. Je vous rappelle que l'Inspection générale de l'administration s'était déjà saisie de l'affaire Steve Maia Caniço à Nantes. Nous poursuivrons sur cette voie à travers ladite réforme.
Par ailleurs, le ministre de l'intérieur a rappelé hier, lors de sa conférence de presse, les règles applicables aux contrôles d'identité. Une instruction sera adressée à ce sujet à l'ensemble des policiers et des gendarmes. On réalise un contrôle d'identité lorsqu'on veut prévenir un trouble à l'ordre public ou en cas de suspicion d'infraction. Et c'est tout. Il n'y a pas de contrôle au faciès, monsieur le député. Il était important de rappeler ces règles de façon précise aux policiers et aux gendarmes qui les appliquent au quotidien, c'est ce que nous avons fait. De même, comme vous l'avez évoqué, nous allons généraliser le plus possible l'usage des caméras-piétons qui, en fournissant des images, protègent à la fois nos effectifs et les personnes contrôlées.
Enfin, le plaquage ventral est l'une des techniques d'intervention permettant de ramener au sol quelqu'un qui ne se laisse pas interpeller – j'insiste sur ce point – pour pouvoir le menotter.
Merci, monsieur le secrétaire d'État…
Nous avons décidé de supprimer la technique qui nous semblait la plus dangereuse, celle qui consiste à ramener quelqu'un au sol en le prenant par le cou.
La parole est à Mme Sylvie Tolmont, pour exposer sa question, no 1078, relative à la réforme du régime des catastrophes naturelles.
Le préambule de la Constitution de 1946 a consacré, en son alinéa 12, les principes de solidarité et d'égalité de tous les citoyens devant les charges qui résultent des calamités nationales.
Comme cela a été rappelé dans une récente mission d'information du Sénat, notre pays, compte tenu de sa situation géographique et du changement climatique en cours, est particulièrement exposé à ces catastrophes naturelles. Or, face à celles-ci, notre régime d'indemnisation se révèle inadapté. En effet, sa procédure, qui gravite autour d'une commission interministérielle dont la composition ainsi que les critères d'appréciation apparaissent particulièrement obscurs, n'assure pas suffisamment d'équité, d'efficacité ni de transparence.
J'ai déjà alerté M. le ministre de l'économie et des finances sur cette question en lui faisant part du désarroi des sinistrés de ma circonscription – réunis dans l'association « Les Oubliés de la canicule » – , dont les habitations ont subi de gros dégâts à la suite des forts épisodes de sécheresse de 2018 et 2019. En effet, alors que ce phénomène climatique s'est observé de la même façon dans l'ensemble du département de la Sarthe, seules cinq des vingt-cinq communes concernées ont été reconnues en état de catastrophe naturelle, privant, de fait, de nombreux concitoyens de toute possibilité d'indemnisation par leur assurance.
Pour répondre à la nécessité de réformer notre régime d'indemnisation, une proposition de loi, défendue par notre collègue sénatrice Nicole Bonnefoy, a été adoptée en première lecture au Sénat le 15 janvier dernier. Ce texte apporte des modifications bienvenues et pourrait utilement être complété, notamment pour prendre en considération des phénomènes spécifiques, telle la sécheresse-réhydratation des sols dont les effets ont la particularité de ne pouvoir être immédiatement perceptibles ni directement imputables à un phénomène climatique.
Aussi aimerais-je tout simplement savoir, d'une part, si le Gouvernement est favorable à cette nécessaire modification législative visant à faire évoluer les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle et, d'autre part, quels sont les délais pour agir. Monsieur le secrétaire d'État, acceptez-vous d'inscrire cette proposition de loi à l'agenda de l'Assemblée nationale ?
Depuis sa création en 1982, le régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles a prouvé de nombreuses fois sa solidité et sa légitimité. Au total, 36 milliards d'euros d'indemnités ont été versés, soit environ 1 milliard par an, dont 150 millions au titre des inondations et 400 millions au titre de la sécheresse. Environ 2 milliards d'euros ont été versés à la suite de l'ouragan Irma qui avait dévasté les îles Saint-Martin et Saint-Barthélemy, dont plus de 80 % supportés par la Caisse centrale de réassurance. Au total, environ 3 300 reconnaissances de l'état de catastrophes naturelle sont accordées par an, au bénéfice de millions de sinistrés sur la quasi-totalité du territoire français.
La composition et l'organisation de la commission chargée d'étudier les demandes communales permettent aujourd'hui un fonctionnement souple de cette enceinte à vocation purement technique qui, depuis 2018, s'est réunie quinze à dix-huit fois par an et a traité entre 7 000 et 8 000 demandes communales de reconnaissance.
Le Gouvernement poursuit constamment l'objectif, que vous avez évoqué, d'amélioration de la transparence et de la qualité des motivations des décisions de reconnaissance et de non-reconnaissance. Des efforts ont été réalisés en ce sens ces derniers mois. Ainsi, l'application informatique iCatNat a amélioré de façon significative la transparence pour les communes de France.
Cependant, vous avez raison, nous pouvons faire mieux. Le Président de la République a d'ailleurs appelé de ses voeux une réforme de l'indemnisation en cas de catastrophe naturelle. La France, déjà fortement exposée à de tels risques, pourrait en effet voir son degré d'exposition augmenter en fréquence et en intensité. Selon les projections de la Caisse centrale de réassurance, sur la base des résultats du GIEC, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le coût des indemnisations en cas de catastrophe naturelle pourrait augmenter de 50 % à horizon 2050. Le régime doit donc être modernisé afin de s'adapter à l'évolution des risques et aux enjeux du changement climatique. Le Gouvernement se réjouit que cet objectif soit partagé par les deux assemblées.
S'agissant de la proposition de loi que vous mentionnez, le Gouvernement a présenté son point de vue lors du vote en séance plénière au Sénat le 15 janvier. Il partage le souhait d'améliorer la transparence de la procédure de reconnaissance, d'inciter à la prévention, de participer à l'institution d'une culture du risque et d'adapter le dispositif aux besoins des assurés. Des expertises complémentaires sont nécessaires sur ces différentes thématiques afin de retenir les dispositions les plus pertinentes et de parvenir à un dispositif techniquement abouti. Le Gouvernement engagera prochainement une consultation avec l'ensemble des parties prenantes afin d'approfondir collectivement ce travail.
En vous écoutant, j'ai bien compris qu'encore une fois, il était urgent d'attendre de nouvelles consultations ! Je vous répète donc que cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité au Sénat. Imaginez-vous, pendant ce temps, la détresse insupportable dans laquelle se trouvent ces personnes qui voient un bien, pour lequel elles se sont engagées le plus souvent sur le long terme, complètement détruit, et qui sont exposées à des risques pour leur santé ? Il me semble vraiment urgent de prendre en considération ce désarroi et ces difficultés. L'inscription de cette nouvelle proposition de loi au calendrier de notre assemblée permettrait peut-être une grande avancée sur cette question.
La parole est à Mme Marguerite Deprez-Audebert, pour exposer sa question, no 1075, relative à la délocalisation au profit des métropoles.
Ma question porte sur les délocalisations des sièges des entreprises industrielles au profit des métropoles. Ainsi, à Lestrem, dans le Pas-de-Calais, à vingt-cinq kilomètres de Lille, est implantée depuis 1933 Roquette, qui fait la fierté de la communauté de communes Flandres Lys et de l'arrondissement de Béthune. Cette entreprise longtemps familiale, devenue l'un des cinq leaders mondiaux de l'industrie de l'amidon, est présente dans plus de 100 pays, 2 700 de ses 8 000 salariés étant localisés à Lestrem.
Jusqu'en 2015, le siège était au coeur du site. La tête et le corps de l'entreprise ne faisaient qu'un. Avec l'arrivée d'une nouvelle équipe de dirigeants, il a été décidé de transférer la direction générale puis le siège social à La Madeleine, plus proche de Lille, plus attractive car plus proche de l'aéroport, des gares, des écoles et des talents, concrétisant ainsi l'effet d'aspiration d'une métropole – la MEL, métropole européenne de Lille – qui assèche son territoire au lieu de l'irriguer, et faisant prendre le risque à l'entreprise de perdre son âme.
Si la pérennité économique de certaines entreprises industrielles nécessite parfois une réorganisation spatiale, ce n'est pas le cas de Roquette, qui réalise de bons résultats. Malgré tout, il a été récemment proposé à 115 salariés de quitter le site historique de Lestrem pour rejoindre le siège métropolitain. Roquette n'est pas la première entreprise à séparer sa tête de son corps. Au-delà de leur non-sens écologique, de leur impact sur le tissu local, du fait qu'elles contribuent à l'embolie des grandes villes et de l'actuelle valorisation de la RSE, la responsabilité sociale des entreprises, dans notre économie, de telles mesures ne laissent pas d'interroger quant à leur sens et à leurs conséquences à long terme, tant elles contribuent à accentuer les fractures que nous nous attachons à réduire, a fortiori quand elles sont décidées par des entreprises qui ont reçu de l'argent public.
Je salue et partage les récents propos de M. Roux de Bézieux, président du MEDEF, qui a pris conscience de ce que j'appellerai la nécessaire « démétropolisation » : nous devons, explique-t-il, prendre en compte la réalité du terrain, ce qui nécessite une meilleure adaptation aux différences et aux spécificités territoriales. Les centres de décision, ajoute-t-il, les richesses et les talents sont concentrés dans les métropoles, phénomène grave qui entraîne une attrition des territoires.
En outre, la fréquentation dense de lieux typiquement urbains, tels que les transports collectifs, semble avoir joué un rôle dans la diffusion du virus. Il ne fait aucun doute que les déplacements représentent une dimension essentielle de la crise que nous traversons et révèlent les failles de la métropolisation. Monsieur le secrétaire d'État, partagez-vous ces préoccupations ? Comment éviter ces décisions préjudiciables à nos territoires et veiller à ce que nos entreprises restent ou redeviennent un vecteur de rééquilibrage des territoires ?
Il nous semble que le développement de nos territoires doit refléter une vision d'ensemble et qu'il ne s'agit pas d'opposer les métropoles et villes moyennes aux territoires ruraux et urbains. Ce qui est en jeu, comme vous l'avez dit, c'est la réduction des inégalités territoriales, laquelle constitue l'une des priorités du quinquennat ; elle est rendue plus aiguë encore par les facteurs que vous avez évoqués.
Le maintien des entreprises, dont les entreprises industrielles dans les zones rurales et les villes moyennes, est à ce titre essentiel et participe sans aucun doute aux rééquilibrages territoriaux. C'est pourquoi je me permettrai de citer le programme « territoires d'industrie » qui, en mobilisant des moyens financiers à hauteur de 1,3 milliard d'euros, vise à soutenir les entreprises industrielles dans les territoires. Aujourd'hui, 148 territoires bénéficient de ce programme qui repose sur quatre piliers : l'amélioration de notre rapport compétitivité-coût, l'innovation, la formation et une forte présence territoriale. Dans leur grande majorité, ces territoires se situent en dehors des métropoles, même si nous n'en n'avons pas fait une question de principe.
Je tiens également à évoquer devant vous le rapport de la mission agenda rural, qui a notamment permis de bâtir un plan d'action concret et ambitieux pour nos campagnes. Pour lutter contre la disparition des entreprises dans les communes rurales et favoriser leur réimplantation, le Gouvernement a par exemple validé le lancement en 2020 d'un plan de soutien aux petits commerces en zones rurales. Dans ce cadre, les petits commerces situés dans les communes de moins de 3 500 habitants pourront, avec l'accord des communes concernées, bénéficier d'exonérations fiscales, comme la CFE, la cotisation foncière des entreprises, ou la TFPB, la taxe foncière sur les propriétés bâties.
Afin de renforcer l'attractivité des territoires ruraux, le Gouvernement s'est aussi engagé à faire résorber les zones blanches de téléphonie mobile en cinq ans et à faire passer à la 4G tous les pylônes existants d'ici à la fin 2020. De plus, un seuil minimal de sites 5G à déployer dans les territoires ruraux sera défini dans le cadre des attributions de fréquence aux opérateurs.
Enfin, comme vous l'avez souligné, je suis convaincu que la crise mondiale provoquée par l'épidémie de coronavirus aura un impact sur l'organisation de l'économie en faisant naître une réflexion profonde sur une meilleure organisation des chaînes de valeur et sur la relocalisation de plusieurs activités stratégiques pour la France. La relocalisation des compétences ne concerne pas uniquement les métropoles, comme en témoigne d'ailleurs le mouvement actuel de migration de certains urbains vers les territoires ruraux.
Le Gouvernement travaille activement depuis plusieurs semaines à ces mouvements de relocalisation et de migration. Notre souhait est qu'ils puissent aussi profiter aux territoires – dont les villes moyennes et les communes rurales – et participer à leur développement, démontrant ainsi que ce Gouvernement est soucieux de garantir un équilibre économique territorial.
Je suis convaincue que les événements actuels et la volonté de relocaliser seront bénéfiques aux territoires. Il faut saisir cette occasion. En tant que secrétaire d'État chargé du numérique, vous avez un rôle essentiel à jouer pour réenchanter nos territoires, qui sont un peu isolés.
La parole est à Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, pour exposer sa question, no 1065, relative à l'avenir des métiers d'art et savoir-faire traditionnels après la crise du covid-19.
L'hôtellerie, la restauration et le tourisme sont profondément mis à mal par la crise que nous traversons. Prenant la mesure du risque qui pèse sur ce secteur stratégique de notre économie, le Gouvernement a mis sur pied le plan tourisme. Je m'en félicite. Préserver le tourisme, c'est d'abord préserver, comme le Gouvernement a choisi de le faire, les hôtels, les restaurants, les compagnies de transport et les 2 millions d'emplois directs assurés par l'ensemble des entreprises, en attendant que les 90 millions de touristes étrangers annuels reviennent fouler les plages de Bretagne et de Côte d'Azur, visiter notre capitale et ses monuments, goûter à notre gastronomie et profiter des charmes du lac de Vassivière.
En Haute-Vienne, ce sont les parcs naturels, les lieux de mémoire tels qu'Oradour-sur-Glane et les savoir-faire traditionnels qui attirent chaque année touristes français et étrangers. L'exemple emblématique de ces savoir-faire, c'est la porcelaine de Limoges, qui, en plus de ses apports directs à la région en emplois et en revenus, assure la publicité de la ville en France et dans le monde entier. Et cela ne vaut pas que pour le Limousin, mais aussi pour la Drôme et ses poteries de tradition gallo-romaine, pour la ville de Grasse et ses parfums, les cristalleries du Grand Est et les verreries des Alpes-Maritimes.
Mais revenons à la porcelaine : son économie est grandement tributaire de la restauration et de l'hôtellerie, donc du tourisme, notamment mondial. Ce sont les commandes de restaurants et de palaces, en France et à l'étranger, qui assurent la rentabilité de la filière. Or ces métiers d'art qui contribuent au rayonnement de nos régions et de notre pays ne font pour l'instant l'objet d'aucune aide spécifique. La possibilité de continuer le chômage partiel au-delà du mois de juin 2020 est un réel soulagement pour les professionnels de ces secteurs, mais il y a urgence. Dans le cas de la porcelaine, les carnets de commandes se sont effondrés, avec de très nombreuses demandes d'annulation ou, au mieux, de report sine die. La perte de chiffre d'affaires est estimée entre 40 et 60 % depuis le début de la crise, et la reprise est timide.
Monsieur le secrétaire d'État, pensez-vous mener des actions spécifiques pour protéger les savoir-faire de nos territoires, notamment les produits labellisés IGP – indication géographique protégée – et AOP – appellation d'origine protégée ? Envisagez-vous d'élargir certaines des mesures prises pour le secteur du tourisme aux métiers et produits mentionnés et à nos entreprises du patrimoine vivant ?
Les professionnels des métiers d'art et du patrimoine vivant, vous l'avez dit, subissent de plein fouet les effets de la crise sanitaire : en premier lieu, l'annulation de nombreux salons et d'événements, primordiaux pour exposer et commercialiser leur production ; mais également l'effondrement de l'activité touristique et de la restauration, qui représentent également des débouchés importants pour ces métiers.
Afin de parer aux difficultés immédiates, ces entreprises aux savoir-faire d'excellence ont pu bénéficier des mesures de soutien transverses très rapidement mises en place par le Gouvernement : fonds de solidarité, prêts garantis par l'État, report voire annulation de charges sociales pour les très petites entreprises ayant fait l'objet d'une fermeture administrative, dispositif exceptionnel de chômage partiel. Face à l'ampleur de la crise, le Gouvernement a décidé de maintenir des mesures exceptionnelles de soutien pour la filière tourisme. Nous évaluons l'opportunité d'en faire profiter des secteurs autres que le tourisme, mais se révélant économiquement très dépendants de l'activité touristique.
Les savoir-faire exceptionnels sont aussi le reflet de l'identité culturelle de nos territoires. Afin de soutenir durablement les artisans et les entreprises qui les font vivre, le Gouvernement a confié en 2018 à trois parlementaires une mission temporaire sur la préservation et le développement des métiers d'art et du patrimoine vivant en France. Le rapport remis à l'issue de cette mission, « France, métiers d'excellence », formulait une série de propositions dont certaines sont en cours de mise en oeuvre. Ainsi, le crédit d'impôt en faveur des métiers d'art a été prolongé pour la période 2020-2022.
À la suite d'une étude d'impact réalisée par l'Institut national des métiers d'art – INMA – celui-ci proposera, avec le soutien du Gouvernement, un plan de relance spécifique associant étroitement professionnels et mécènes. Ce plan devra comprendre des actions complémentaires aux dispositifs de soutien proposés par l'État pour aider ces professionnels à sortir de la crise. Les actions porteront notamment sur la numérisation des canaux de vente et l'organisation d'événements tels que les Journées européennes des métiers d'art et du patrimoine vivant, dont l'édition 2021 a été annoncée. Selon l'évolution de la situation sanitaire, des opérations pourront également être menées dans le cadre des Journées européennes du patrimoine. L'INMA travaille enfin à une opération spéciale pour les fêtes de fin d'année visant à promouvoir le travail de ces professionnels et à inciter les Français à privilégier l'achat de cadeaux fabriqués en France.
La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour exposer sa question, no 1057, relative à la sauvegarde de la papeterie UPM Chapelle Darblay de Grand-Couronne.
Nous sommes stupéfaits du traitement politique, économique, social et environnemental de la situation de l'entreprise UPM Chapelle Darblay de Grand-Couronne, en Seine-Maritime. Depuis neuf mois et l'annonce, par le groupe finlandais, de sa fermeture programmée au 15 juin, soit dans une semaine, en l'absence d'un repreneur, aucune initiative du ministre de l'économie et des finances n'est intervenue. Cette unité de production de papier recyclé pour la presse – la France en compte deux – et le savoir-faire de ses 230 salariés sont à quelques jours de la liquidation, et rien n'est fait. C'est l'indifférence totale – ou bien je suis passé à côté de quelque chose depuis ma question orale du 19 novembre dernier.
Au nom de la liberté de propriété, vous laissez faire le groupe finlandais qui veut diminuer ses capacités de production et éviter à un concurrent de s'installer dans le but de maintenir ses profits. À l'heure où vous promettez un territoire national plus industrialisé, une économie circulaire plus écologique, une volonté politique plus offensive, à l'heure où l'argent public irrigue la sauvegarde et la relance des entreprises du pays, aucun projet où l'État s'engagerait avec détermination n'a été examiné pour la filière bois-papier durable.
Ma question est simple : que répondez-vous, ce jour, à une semaine d'une potentielle annonce de fermeture définitive, aux salariés et aux élus du territoire – M. Patrice Dupray, maire de Grand-Couronne, M. Yvon Robert, président de la métropole de Rouen, Mme Sira Sylla, notre collègue du groupe La République en marche et députée de la circonscription – rassemblés, avec bien d'autres, pour vous demander d'agir enfin sur ce dossier d'extrême urgence ?
UPM, vous l'avez dit, a annoncé en fin d'année dernière son intention de céder ou de fermer la papeterie de Chapelle Darblay située à Grand-Couronne, près de Rouen. À la suite de cette annonce et après une première phase de recherche de repreneur, le groupe a engagé un plan de sauvegarde de l'emploi. Cette usine, vous l'avez également souligné, produit aujourd'hui du papier journal – marché qui connaît un déclin très important depuis de nombreuses années, encore aggravé avec la crise du covid-19. Le site n'est aujourd'hui chargé qu'au tiers de sa capacité.
Avant la crise, au début de l'année 2019, le groupe papetier VPK a conçu et présenté un projet sérieux de reprise de cette papeterie pour la convertir et y produire du papier pour ondulé, comme cela avait été fait sur le site de Stracel, près de Strasbourg. Le projet prévoyait la reprise d'environ 80 salariés sur les 220 que compte le site. La difficulté principale liée à cette éventuelle transaction tient au délai de transfert du site et d'une partie du personnel, et aux coûts engendrés par la transformation de l'outil industriel. La crise du covid-19 et les très grandes incertitudes entourant non seulement le projet de reprise par VPK, mais également l'environnement de marché des deux groupes, qui font face à une forte baisse de la demande de leurs clients et disposent d'une visibilité très faible, ont conduit les deux sociétés à renoncer à court terme au projet de transfert. En effet, VPK ne souhaite pas prendre un tel risque financier sans aucune visibilité sur le rythme et la vigueur de la reprise économique, et UPM ne souhaite pas supporter plus longtemps les pertes importantes engendrées par le site en sous-activité.
La procédure de plan de sauvegarde de l'emploi qu'UPM a engagée est encadrée par des délais légaux, que l'entreprise a respectés. Pourtant, le travail se poursuit, en lien avec les services du ministère de l'économie et des finances et du ministère du travail, dans le but de réaliser le projet dès lors que les conditions économiques permettront aux acteurs de s'y engager. Les atouts du site sont réels et permettent d'envisager d'y relancer une activité papetière : aussi avons-nous demandé à UPM de maintenir le site en condition opérationnelle pour donner au projet de reconversion toutes ses chances.
Le projet de VPK est très sérieux et a trouvé son financement. Ce qui lui manque aujourd'hui, c'est de la visibilité sur la situation économique et la demande de ses clients.
Au-delà de ce projet, il y a une région, la Haute-Normandie, un département, la Seine-Maritime, une métropole forte et puissante, Rouen. Ce sont des partenaires désireux d'accompagner un projet crédible qui assurerait la pérennité du site. Neuf projets émanant des organisations syndicales sont perdus depuis des mois dans les tiroirs de l'État. Nous avons également l'exemple d'une expérience réussie : le montage réalisé il y a quelques années pour la papeterie M-Real, située dans l'Eure, à quelques kilomètres du site de Chapelle Darblay, avait permis le maintien du site grâce à l'engagement des pouvoirs publics et des partenaires publics en faveur d'un projet industriel crédible.
Sans vouloir vous nuire, monsieur le secrétaire d'État, je note que, pour la deuxième fois, ce n'est ni M. Le Maire ni Mme Pannier-Runacher, mais vous qui me répondez. À une semaine de la décision définitive, j'y vois un mauvais présage.
Situation des entreprises organisatrices de voyages scolaires
La parole est à M. Stéphane Mazars, pour exposer sa question, no 1085, relative à la situation singulière des entreprises organisatrices de voyages scolaires.
Notre pays connaît une crise économique sans précédent, liée à la pandémie de covid-19. Parmi les secteurs les plus touchés, il y a celui du tourisme, qui bénéficie d'ailleurs d'un plan massif de soutien du Gouvernement – il faut s'en féliciter. Parmi les entreprises les plus affectées du secteur, on trouve les voyagistes, pour lesquels l'État a pris des mesures spécifiques afin de leur permettre de préserver au mieux leur trésorerie. Parmi eux, cependant, une catégorie d'entreprises reste grandement inquiète de son avenir : celle spécialisée dans les séjours linguistiques et les voyages scolaires. Dès les premiers jours de l'état d'urgence sanitaire, j'ai interpellé l'État sur ce sujet qui me touche d'autant plus que dans mon département, ce secteur représente six entreprises de premier plan au niveau national et plus de 250 salariés, ce qui a permis à l'Aveyron de s'imposer au fil des décennies comme le berceau et le poumon du séjour linguistique en France.
Mes interpellations concernaient la spécificité de ce type de voyages, incompatibles avec le principe du remboursement différé de l'avoir qui a été prévu pour les entreprises organisatrices de voyages classiques. En effet, l'avoir n'a pas de sens pour un public de voyageurs – élèves, collégiens ou étudiants – susceptibles de quitter l'année suivante la classe ou l'établissement concerné. De plus, ce principe appliqué aux entreprises de voyage en général semble aujourd'hui remis en cause par la Commission européenne, qui, le 13 mai dernier, a invité les États membres à prendre des mesures visant à privilégier le droit au remboursement immédiat des voyageurs.
Dans mes diverses interpellations, j'ai relayé la proposition des professionnels du secteur : créer, au niveau de l'État, une caisse de compensation qui permettrait notamment d'assurer le remboursement des établissements scolaires et, partant, des parents d'élèves, ce qui aurait pour avantage de lever la difficulté du principe de l'avoir et d'apporter une aide financière à la hauteur des difficultés de ce secteur hautement sinistré. Quelle est la position du Gouvernement quant à la création de ce fonds de soutien ?
L'objet de l'ordonnance no 2020-315 du 25 mars est effectivement d'aider les acteurs du tourisme à passer le cap d'une situation difficile. Sans cela, le risque sur les trésoreries des professionnels aurait été trop important au regard du nombre de remboursements à effectuer. L'ordonnance permet ainsi à tous les professionnels de proposer, à la place d'un remboursement, un avoir d'un montant équivalent, utilisable pour une prochaine prestation. Cette possibilité s'applique aux agences de voyages ainsi qu'à d'autres professionnels du tourisme. Point important : cette mesure bénéficie aussi aux associations qui offrent le même type de prestations, souvent pour répondre à des finalités sociales, et notamment à celles qui accueillent des mineurs.
Les annulations concernées par l'ordonnance sont celles dont la notification est comprise entre le 1er mars et le 15 septembre 2020. À l'issue d'une échéance de 18 mois, si le client n'a pas utilisé l'avoir, le professionnel devra le rembourser. L'avoir prévu par l'ordonnance constitue une possibilité offerte au prestataire, quelle que soit sa nature, et non une obligation. Si le prestataire préfère rembourser ses clients, il peut le faire : c'est à lui d'évaluer quelle est la meilleure solution adaptée à sa situation. Dans le cas des voyages scolaires, on comprend que les élèves auront changé de classe, voire d'école, et qu'il faille parfois rembourser.
II faut souligner que l'ordonnance ne modifie que les relations du professionnel avec le client final. Elle ne change rien aux relations juridiques entre celui qui vend un voyage et ses propres fournisseurs. Les organisateurs de voyages scolaires devraient donc pouvoir se faire rembourser une prestation qui, en l'espèce, a fait l'objet d'une résolution – pour force majeure ou pour circonstances exceptionnelles – liée au covid-19. Dans ces conditions, le Gouvernement n'envisage pas, à ce stade, de se substituer aux professionnels pour les remboursements, qu'ils sont libres ou non d'effectuer. Cela pourrait créer un aléa moral en donnant à penser que l'État lui-même garantit les fonds versés aux professionnels.
Votre réponse est pour le moins inquiétante – non pas pour moi, mais pour les centaines de salariés qui travaillent dans le secteur. En effet, sans fonds de soutien, ces entreprises ne pourront pas, je le crains, passer le cap d'une crise qui risque de leur être fatale.
Il faut bien comprendre la difficulté de ce secteur très spécifique : les acteurs ne pourront se faire rembourser en aval les prestations qu'ils ont déjà commencé à payer aux prestataires, lesquels se trouvent parfois à l'étranger puisque ces voyages scolaires s'effectuent souvent à l'étranger, mais devront rembourser en amont des établissements scolaires et, derrière, des familles qui ont avancé des frais pour des voyages qui n'auront pas lieu.
Votre réponse est donc quelque peu inquiétante et je demande au Gouvernement de faire preuve d'une attention toute particulière à l'égard de ces organismes de voyages, qui effectuent un travail très spécifique et qui ne peuvent pas être amalgamés avec les agences de voyages classiques.
La parole est à M. Jacques Cattin, pour exposer sa question, no 1073, relative à la filière viticole et à la crise sanitaire.
Ma question s'adresse au ministre de l'action et des comptes publics et concerne la fiscalité liée à l'augmentation des stocks viticoles engendrée par la crise sanitaire, malgré les mesures annoncées de soutien à la distillation et les baisses de rendement proposées par les instances viticoles régionales.
La conjoncture dramatique plonge de nombreuses exploitations dans une situation financière fort préoccupante, en raison d'une mévente sans précédent. La constitution de stocks très importants aura des conséquences négatives sur la trésorerie des entreprises du fait d'une imposition qui ne tient pas compte des ventes effectives, la fiscalité étant inadaptée à la situation. De même, le champ d'application de la déduction pour épargne de précaution – DEP – est trop restreint.
La profession viticole propose donc d'instaurer un dispositif fiscal exceptionnel de neutralisation de l'augmentation de la valeur des stocks, sur option de l'exploitant. Êtes-vous prêt à soutenir cette demande dans le cadre du prochain projet de loi de finances rectificative ?
Tout d'abord, je tiens à rappeler que le Gouvernement a appliqué, depuis le début de la crise sanitaire, des mesures fiscales, sociales ou budgétaires sans précédent pour permettre à l'ensemble de nos entreprises de surmonter les difficultés nées de cette crise. Hors mesures d'exonérations sur les prélèvements obligatoires, le soutien à la filière viti-vinicole s'élève ainsi à 170 millions d'euros. Ces mesures, et celles à venir dans le cadre du plan de relance, doivent profiter à toutes les entreprises en difficulté.
Par ailleurs, vous l'avez évoqué, les spécificités liées à l'activité agricole sont déjà prises en considération dans le cadre des mécanismes en vigueur, qui permettent de répondre en grande partie aux préoccupations que vous évoquez. La prise en compte, dans le résultat de l'entreprise, de la variation de la valeur des stocks à la clôture de l'exercice est une règle applicable à toutes les entreprises, quel que soit leur secteur d'activité. Les charges incorporées à la valeur des stocks ne sont pas déduites l'année où elles sont engagées mais ultérieurement, au moment de la cession des stocks.
Toutefois, en matière de bénéfices agricoles, à cause de la rotation parfois très lente des stocks, le législateur a déjà prévu plusieurs dispositifs pour atténuer les conséquences fiscales de ce principe. Ainsi, les viticulteurs peuvent recourir au dispositif de blocage de la valeur des stocks à rotation lente, prévu par les dispositions de l'article 72 B bis du code général des impôts, qui autorise à comptabiliser les stocks de produits, jusqu'à la vente de ces biens, à la valeur déterminée à la clôture de l'exercice précédant celui au titre duquel l'option est exercée. En conséquence, les coûts de production de l'exercice ne sont pas pris en compte dans la valorisation des stocks, mais sont au contraire immédiatement déduits du bénéfice. Ce dispositif, applicable sur option de l'entreprise, concerne tous les produits dont la rotation des stocks excède un an et permet la déduction de tous les coûts de production de ces stocks l'année de leur engagement.
Ce dispositif est distinct de celui de la déduction pour épargne de précaution, même s'ils peuvent être cumulés. La DEP est un outil fiscal de gestion des risques et de l'investissement agricole ; elle autorise un exploitant à réduire son résultat imposable, sous réserve qu'il constitue une épargne de précaution en principe monétaire. Toutefois, pour répondre notamment aux besoins de la viticulture, ce dispositif permet de substituer à l'épargne monétaire les coûts de production afférents aux stocks à rotation lente.
Enfin, le mécanisme d'imposition selon la moyenne triennale permet d'atténuer la progressivité de l'impôt sur le revenu en cas de forte irrégularité des revenus, notamment dans l'hypothèse d'une variation positive exceptionnelle des stocks. Ces différents dispositifs sont déjà de nature à répondre à la préoccupation exprimée par la profession et il n'est pas prévu de mesure législative sectorielle supplémentaire, d'autant plus que la mesure proposée créerait une inégalité de traitement vis-à-vis d'autres entreprises qui ont pu, dans le contexte actuel, se trouver confrontées à des difficultés semblables.
Vous évoquez différents dispositifs, mais votre réponse ne me convainc pas vraiment. J'ai cité l'exemple de la DEP : il s'agit certes d'une mesure intéressante, mais elle est très limitée. Elle est conditionnée par les règles européennes de minimis…
… et s'applique exclusivement aux entreprises assujetties aux bénéfices agricoles, et non à celles, fort nombreuses, soumise à l'impôt sur les sociétés. De plus, la DEP est plafonnée, proportionnellement au bénéfice agricole : il existe quatre strates, avec un maximum de 41 400 euros. Surtout, la DEP ne résout aucunement le problème de besoin de trésorerie : pour activer ce dispositif, 50 % de l'épargne de précaution doivent impérativement être bloqués sur un compte bancaire, alors même que les disponibilités financières manquent.
Pasteur a écrit en son temps que le vin est la plus saine et la plus hygiénique des boissons ; Horace a dit que le vin, c'est la vie ; et nous, vignerons, disons que le vin est bon pour le moral : il en faut actuellement !
La viticulture, c'est des milliers d'emplois directs et indirects, de la vigne jusqu'à la table ; c'est l'oenotourisme avec des paysages magnifiques, l'Alsace, bien entendu, la Champagne, et bien d'autres régions ; …
… et c'est la gastronomie, la culture, la convivialité ! La filière vin fait également la fierté de notre pays, elle produit du chiffre d'affaires, fournit des devises et verse des taxes importantes, que nous avons toujours assumées – il en faudra, pour alimenter les caisses de l'État… Monsieur le secrétaire d'État, vous savez ce qui vous reste à faire dans le troisième projet de loi de finances rectificative : je compte sur vous !
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour exposer sa question, no 1055, relative aux couturiers et costumiers indépendants.
Au pic de la crise sanitaire, faute de mesures adéquates prises par le Gouvernement, le pays a connu une pénurie de masques et autres équipements de protection. Dans un élan de solidarité, des milliers de couturiers et couturières, costumiers et costumières, bénévoles et professionnels, en ont confectionné, avec leurs propres moyens, afin d'approvisionner la population des quartiers, des centres hospitaliers proches ou des personnels administratifs.
Ce geste a rapidement été instrumentalisé, favorisant une surexploitation. Des communautés de communes et entreprises qui manquaient de personnel ont fait appel à leurs services, imposant de plus en plus de contraintes, avec des demandes exigeant jusqu'à 10 heures de travail journalier. Beaucoup n'ont pas été rémunérés du tout, d'autres ont reçu une compensation, nettement insuffisante, de 40 centimes par masque. Or, la plupart de ces personnes sont précaires, voire ne touchent aucune autre rémunération ; elles ont souvent fourni elles-mêmes les tissus, ou ont pris sur leurs fonds propres pour acheter tissu et élastiques. Dans d'autres cas, elles ont été embauchées dans le cadre de contrats d'insertion sous rémunérés, au lieu de contrats réguliers. Lorsque l'État a passé les premières commandes industrielles, elles en ont été écartées : le processus d'homologation favorisait les grosses productions, ce qui pose un problème de concurrence déloyale.
Aujourd'hui ces travailleurs font face à un autre problème : faute de planification par l'État, après la pénurie, nous voici en surproduction, l'importation de masques jetables antiécologiques ayant été privilégiée au détriment des masques lavables produits en France. Les couturiers et costumiers se trouvent donc doublement pénalisés : après avoir été surexploités, ils sont désormais mis au rebut. Parmi ces indépendants, 1 658 professionnels se sont regroupés au sein du collectif Bas les masques, pour dénoncer les heures de travail non rémunérées et l'emploi d'une main-d'oeuvre sous- payée au profit de grosses entreprises ou de collectivités, ce qui dépasse largement le cadre d'un travail ponctuel bénévole, déterminé par la solidarité.
Le collectif a constitué un dossier très complet, que je tiens à la disposition des ministres. Il demande la valorisation des heures effectuées, l'assurance que l'emploi de bénévoles pour pallier une pénurie ne crée pas un précédent et qu'en cas de nouvelle crise, l'État impose que les entreprises obtenant des marchés embauchent régulièrement et offrent une rémunération à un taux horaire adéquat. Quelle réponse le Gouvernement entend-il apporter à ces revendications légitimes ?
Vous m'interrogez sur la situation des couturiers et costumiers professionnels indépendants. En premier lieu, je salue ces professionnels qui se sont mobilisés rapidement pour répondre aux besoins de production de masques en faveur de l'ensemble de nos concitoyens. Comme vous le savez, pour assurer la production des masques, le Gouvernement a fortement mobilisé l'industrie textile française, qui a répondu à l'appel, avec désormais plus de 400 entreprises qualifiées dans la production de masques « grand public ». Plus de 20 millions de masques sont fabriqués chaque semaine en France.
Comme tout professionnel, les couturiers et costumiers sont concernés par les mesures de soutien instaurées depuis le début de la crise. Ainsi, en tant que professionnels indépendants, ils relèvent du fonds de solidarité, instauré par l'État et les régions, qui vise à soutenir les très petites entreprises, les micro-entrepreneurs, les indépendants et les professions libérales les plus touchées par la crise. En outre, la subvention « Prévention covid » a pour objet d'aider financièrement à prévenir la transmission du coronavirus au travail. Destinée aux entreprises de moins de cinquante salariés et aux travailleurs indépendants sans salariés, qu'ils soient commerçants, artisans ou exerçant une profession libérale, elle les soutient dans l'achat ou la location d'équipements consacrés à prévenir le covid-19 au travail.
Je peux également citer les aides proposées par le conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants : les artisans et commerçants, ainsi que leurs conjoints collaborateurs, relevant du régime complémentaire des indépendants, ont perçu fin avril ou début mai, de manière automatique, une aide de la caisse de sécurité sociale des travailleurs indépendants. Pour être éligible à cette aide, il convenait d'être en activité au 15 mars 2020 et d'avoir été immatriculé avant le 1er janvier 2019.
La palette large de ces mesures, qui interviennent en complément de celles prises par les régions et les autres collectivités, permettront aux plus petites entreprises et aux travailleurs indépendants sans salariés de mieux faire face à la crise.
Enfin, je tiens à souligner que, sensible à la situation de ces secteurs, le Gouvernement a permis la réouverture des commerces textiles, tels que les merceries, avant le 11 mai, pour que les couturiers et costumiers indépendants puissent s'approvisionner en matières premières.
Telle n'était absolument pas la question que je vous posais. J'interroge votre Gouvernement sur les mesures concernant ce qui s'est passé : le travail dissimulé, la surexploitation de ces travailleurs et travailleuses. Il ne s'agit pas de me répondre que des aides existent – ces personnes sont au courant, même s'il leur est parfois difficile d'y avoir accès. Elles demandent que soient payées les heures travaillées pour aider au moment du pic de la crise, alors que le Gouvernement était incapable de pourvoir aux besoins.
Ces personnes se sont engagées et n'ont pas été rémunérées comme elles l'auraient dû : il s'agit de faire en sorte que le ministère de l'économie et des finances et le ministère du travail accomplissent leur tâche pour les protéger, faire en sorte qu'elles soient rémunérées et que ce type de surexploitation ne se reproduise plus. Encore une fois, après avoir tellement mal anticipé et planifié qu'on se retrouve dans une situation de surproduction, impliquant des personnes précaires surexploitées et qui ne seront pas rémunérées, nous vous demandons de prendre vos responsabilités et de résoudre ce problème de justice sociale par une juste rémunération du travail effectué.
La parole est à M. Yannick Haury, pour exposer sa question, no 1062, relative à SOS Médecins dans le pays de Retz.
Je souhaite interroger M. le ministre des solidarités et de la santé sur la couverture médicale du pays de Retz, en Loire-Atlantique. Dans le département, SOS Médecins n'intervient que dans deux secteurs géographiques, à Nantes et à Saint-Nazaire, soit le coeur métropolitain. Aucune structure médicale n'existe en Sud Loire, alors que la population de cette région touristique triple durant la période estivale.
Il est vrai, comme l'indique l'agence régionale de santé – ARS – , que le pays de Retz bénéficie de soins ambulatoires en dehors des horaires d'ouverture des cabinets médicaux. Il s'agit d'une permanence régulée par l'association départementale pour la permanence des soins de Loire-Atlantique ; elle rassemble divers médecins, et nous remercions tous ceux qui s'y engagent. Toutefois, je me permets de répéter et de souligner que durant les mois d'été et les vacances scolaires, la population du pays de Retz triple : les maisons médicales de garde ne peuvent pas désengorger les urgences saturées de l'hôpital de Saint-Nazaire. De surcroît, la traversée de la Loire est devenue très difficile durant ces périodes. Pour les urgentistes sursollicités, la présence de SOS Médecins sur le territoire du pays de Retz serait une véritable amélioration et soulagerait efficacement leurs services.
Après que notre pays a traversé une crise sanitaire sans précédent et que vous avez lancé le Ségur de la santé, les attentes de la population et du monde médical sont fortes. Il faut en finir avec les disparités entre les traitements sanitaires des deux rives de la Loire et répondre aux inquiétudes de nos soignants, qui sont à bout de souffle. Comment entendez-vous améliorer la couverture médicale du Sud Loire en Loire-Atlantique ? Cela passera-t-il par la création, attendue, d'un service de SOS Médecins ?
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur Haury, votre question porte sur la couverture médicale du pays de Retz et sur la possibilité d'y installer une antenne de SOS Médecins, afin de désengorger les services d'urgences des établissements de santé et de répondre aux besoins de la population de ce territoire.
Nous partageons votre constat : l'évolution démographique et la perspective du départ en retraite de médecins dans les années à venir conduisent d'ores et déjà à anticiper les points de fragilité, en cherchant à consolider l'offre de soins de premier recours existante et à organiser la réponse aux demandes de soins non programmées.
En effet, pour une réponse de qualité, l'accès aux soins non programmés doit s'organiser au sein d'un parcours de soins du patient, coordonné par le médecin traitant, comme vous le savez. Une réponse organisée de la médecine générale en journée et en période de permanence des soins ambulatoires permettra d'éviter le recours non pertinent aux services d'urgences des établissements de santé.
Le pays de Retz bénéficie d'une permanence des soins ambulatoires, en dehors des horaires d'ouverture des cabinets médicaux, organisée et efficacement régulée par l'association départementale de l'organisation et de la permanence de soins en Loire atlantique, qui fédère les médecins spécialistes en médecine générale libéraux et les salariés participant à la permanence des soins ambulatoires.
Ainsi, cette zone est divisée en trois secteurs de garde : le pays de Retz, Bouaye, et le Sud-Loire-Vendée, chacun étant desservi par une maison médicale de garde. La couverture médicale, de un ou deux médecins selon les secteurs et la période, qui peut être complétée par un médecin mobile la nuit, répond, nous semble-t-il, aux besoins de soins non programmés à la fois le soir, la nuit et les week-end.
La réponse à la demande de soins non programmés en journée doit quant à elle s'effectuer dans le cadre du projet de santé des fameuses communautés professionnelles territoriales de santé – CPTS. Les professionnels libéraux sont au coeur de ce dispositif, vous le savez, en lien avec leurs partenaires des territoires, qu'il s'agisse des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ou des établissements de santé. L'amélioration de l'accès aux soins, l'organisation de la réponse aux patients à la recherche d'un médecin traitant et l'amélioration de la prise en charge des soins non programmés constituent autant de missions prioritaires des CPTS. L'accord conventionnel interprofessionnel en faveur du développement de l'exercice coordonné et du déploiement des CPTS, signé le 20 juin 2019, leur apporte un financement pérenne.
Trois projets de CPTS sont engagés, qui couvrent la quasi-totalité des communes du pays de Retz. Leur développement est accompagné à la fois par l'Agence régionale de santé, mais aussi par la caisse primaire d'assurance maladie et l'inter-Union régionale des professionnels de santé. C'est dans ce cadre-là qu'il nous semble possible de répondre, monsieur le député, aux interrogations que vous soulevez.
Je vous remercie. J'espère que ces évolutions permettront de prendre en compte les caractéristiques de ce territoire à forte évolution démographique, où le pourcentage de personnes retraitées est important, tout comme l'aspect touristique.
La parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha, pour exposer sa question, no 1064, relative au calendrier de la réforme de l'aide alimentaire.
Monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, pendant le grand débat, en mars 2019, j'ai participé à une conférence inversée consacrée aux familles monoparentales, à laquelle vous étiez présent d'ailleurs. Cet événement, organisé sous l'impulsion de Marlène Schiappa avait permis de donner la parole à des mères solo et à des enfants de parents isolés, qui ont partagé leur expérience et formulé des propositions.
À la base de mon engagement est ce combat pour l'égalité entre les femmes et les hommes et la justice envers les familles monoparentales qui vivent trop souvent dans l'angoisse de voir leurs ressources amputées à cause d'un mauvais payeur.
À la suite du grand débat, le Président de la République et le Premier ministre ont réaffirmé l'engagement du Gouvernement envers les familles monoparentales en créant un service public de versement des pensions alimentaires, confié à l'ARIPA – Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires. L'enjeu se situe à la frontière de politiques prioritaires que nous conduisons depuis trois ans : la grande cause de l'égalité femme-homme et la prévention de la pauvreté.
Si la séparation constitue toujours un bouleversement dans la vie d'une famille, la puissance publique a le devoir d'assurer aux parents séparés de nouveaux droits et de nouvelles garanties pour leur permettre de se concentrer sur les aspects essentiels de l'éducation et du développement des enfants. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a renforcé l'accompagnement des familles dans le paiement des pensions alimentaires en confiant à l'ARIPA l'institution d'un dispositif de versement des pensions alimentaires.
Le parent débiteur versera la pension à l'Agence, qui se chargera de la reverser sans délai au parent créancier, afin de le sécuriser sur ce point. En cas de carence du parent débiteur, l'Agence organisera une procédure de recouvrement auprès de lui et versera automatiquement au parent isolé une allocation de soutien familial d'un montant de 115 euros par mois et par enfant.
C'est une belle avancée, dont nous pouvons nous satisfaire, mais qui n'est pas encore appliquée : le déploiement de cette mesure devait avoir lieu en deux phases qui, en raison de la crise sanitaire, ont été retardées. Or cette mesure constitue un engagement fort du Gouvernement envers les familles monoparentales, pour lesquelles la période de crise sanitaire a fortement accru les difficultés, comme nous le savons.
Le Gouvernement s'est engagé à ce que la mesure soit applicable au plus tard au 1er janvier 2021. Aussi, je souhaite savoir quels moyens seront employés pour tenir ce calendrier prévisionnel, et disposer d'éléments garantissant que cette date, qui paraît déjà bien trop tardive aux familles, sera respectée.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur Gouffier-Cha, vous l'avez dit, la crise a quelque peu perturbé le calendrier initialement prévu de la réforme du service public des pensions alimentaires. Toutefois, l'engagement du Gouvernement reste évidemment entier, pour la simple et bonne raison que, comme vous l'avez rappelé, cette réforme constitue une avancée importante pour les familles monoparentales, souvent confrontées à la précarité. La crise sanitaire a révélé, exacerbé, mis au jour un certain nombre de ces situations.
Oui, l'épidémie de covid a bouleversé le fonctionnement de nos institutions et perturbé de nombreux projets. Dans ce contexte d'état d'urgence sanitaire, mais aussi économique et sociale, les travaux de préparation du service public de versement des pensions alimentaires ont été entravés.
D'une part, la situation des juridictions ne permettait pas de leur confier une charge nouvelle dès le 1er juin 2020. Elles sont actuellement pleinement mobilisées pour réduire le stock de contentieux qui s'est constitué pendant la période de confinement, comme vous le savez.
Par ailleurs, le chantier de développement des nouveaux outils informatiques, indispensables à la réforme, a aussi été suspendu afin que les moyens techniques et humains des organismes puissent être pleinement concentrés sur l'application des mesures exceptionnelles décidées par le Gouvernement pour soutenir les familles et les personnes en situation de précarité. Je pense notamment aux aides exceptionnelles aux familles modestes et aux jeunes précaires, qui ont bénéficié à près de 5 millions de nos concitoyens.
Les caisses ont en outre été mobilisées par les aides allouées aux professionnels grâce à l'extension du chômage partiel aux assistants maternels, mais aussi par les mesures destinées aux structures de la petite enfance ou encore aux équipements sociaux, notamment les aides aux places fermées et le bonus d'accompagnement à la réouverture.
Les personnels des caisses d'allocations familiales et de la MSA – Mutualité sociale agricole – ont également été pleinement mobilisés pendant la crise afin d'assurer la continuité des droits des allocataires et le versement des prestations.
C'est donc pour permettre une entrée en vigueur de la réforme du versement des pensions alimentaires dans des conditions optimales que le Gouvernement a proposé de la reporter à une date ultérieure, au plus tard le 1er janvier 2021. Les travaux préalables indispensables ont repris. Ils constituent une priorité pour le Gouvernement, qui s'assurera que tous les moyens humains et techniques sont mobilisés pour parvenir à une mise en oeuvre de qualité le plus rapidement possible.
Les expertises sont en cours pour définir, dans la limite fixée par le Parlement, la date précise la plus précoce possible d'entrée en vigueur de la réforme dans des conditions de qualité optimale. Nous souhaitons en particulier une application dès le mois de septembre ou d'octobre de la mesure concernant les cas où un impayé a déjà été signalé auprès de la Caisse d'allocations familiales ou de la caisse de MSA.
En attendant ce nouveau service public, les personnes qui élèvent seules un enfant pour lequel l'autre parent ne verse plus de pension alimentaire peuvent d'ores et déjà bénéficier de l'allocation de soutien familial. Elles peuvent également demander aux caisses d'allocations familiales et de la MSA de les aider à recouvrer jusqu'à deux ans d'arriérés de pensions alimentaires impayées.
Je vous remercie pour cette réponse. Nous nous retrouverons en septembre pour étudier l'avancée de ces travaux.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour exposer sa question, no 1069, relative à la situation financière de l'hôpital public.
Le Gouvernement a annoncé il y a plusieurs mois le plan « Investir pour l'hôpital », dans le prolongement du plan « Ma santé 2022 », plan très attendu au regard des circonstances. Il dit vouloir, par ce plan, relancer l'investissement courant afin de renouveler plus rapidement les équipements et matériels indispensables au travail des soignants au quotidien.
La crise du covid-19 nous a rappelé quelques réalités de notre hôpital public. Le département de l'Orne aurait bénéficié d'une enveloppe de 1,33 million d'euros, somme qui, divisée entre ses différents établissements, aurait atteint péniblement 220 000 euros par hôpital, ce qui n'offre pas, vous en conviendrez, de grandes perspectives de renouvellement du matériel.
Cette aide est dérisoire pour un hôpital comme celui de Saint-Louis, à L'Aigle, dont le taux de vétusté du matériel est estimé à 96 % en 2020, et dont la dette fiscale et sociale frôle déjà les 20 millions d'euros.
La chambre régionale des comptes avait émis des recommandations, axées notamment sur la nécessité d'investir pour renouveler le matériel et l'immobilier. Mais dans la situation actuelle, le centre hospitalier de L'Aigle ne peut investir.
La décision de l'État de reprendre un tiers de la dette hospitalière pour dégager des marges nécessaires pour les établissements – 10 milliards dans un premier temps, puis 13 milliards ensuite – reste malheureusement insuffisante. En effet le centre hospitalier de L'Aigle, conservant 14 millions d'euros de dette, n'aura toujours pas de capacité d'investissement. Ainsi, finalement, la reprise d'un tiers de la dette n'apporte rien à un tel centre hospitalier.
Avec l'augmentation des charges de 4,91 % par rapport à 2019, le centre hospitalier Saint-Louis va probablement clore son exercice pour 2020 avec un déficit de 5,5 millions d'euros.
Tous les services de cet hôpital sont, pour les patients, d'un intérêt majeur, qu'il s'agisse des urgences, de la médecine générale, de la chirurgie, des services de psychiatrie, de la maternité, des services de gynécologie ou des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Je pourrais me lancer dans un inventaire à la Prévert, mais je suis certaine que vous avez compris.
Bref, malgré tous les efforts consentis, l'hôpital ne peut tout simplement pas suivre les recommandations de la Cour des comptes en matière d'investissements. Comment le pourrait-il ?
À travers la situation de l'hôpital de L'Aigle, qui, je suis sûre que vous rejoignez ma pensée, est loin d'être un cas isolé, se pose la question du mode de financement de l'hôpital public. Restera-t-il sous perfusion, ou gagnera-t-il des marges de manoeuvre supplémentaires ? La crise du covid modifie-t-elle votre diagnostic ? L'investissement de l'État dans un établissement comme celui de L'Aigle va-t-il être renforcé ?
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
Madame Louwagie, je souhaite apporter quelques éléments pour remettre en perspective la situation et nous projeter dans un avenir proche concernant les difficultés financières des établissements de santé et, plus particulièrement, la situation financière du centre hospitalier de L'Aigle, dans l'Orne.
Ce centre hospitalier est aujourd'hui indispensable pour répondre aux besoins de santé des populations de son territoire, compte tenu de son isolement géographique. Son développement est d'ailleurs, à ce titre, régulièrement accompagné, depuis de nombreuses années. Il a ainsi été autorisé fin 2018 à pratiquer l'activité de soins d'anesthésie ou de chirurgie ambulatoire et à renforcer son offre de soins en direction des personnes âgées, avec la création d'une unité de court séjour gériatrique de vingt lits ainsi que d'une unité de soins continus de cinq lits.
Malgré ce dynamisme, le centre hospitalier de L'Aigle est confronté à la baisse de son activité de chirurgie et à un taux de fuite important de ses patients vers d'autres établissements. Il souffre également de difficultés importantes pour recruter les professionnels nécessaires à son fonctionnement. Ces difficultés ont eu pour conséquence de dégrader significativement sa situation financière.
Pour limiter l'impact de cette situation, l'établissement reçoit depuis 2016 un financement forfaitaire compensant en partie son isolement géographique, le forfait s'élevant à 820 000 euros pour 2020. En outre, le centre hospitalier est accompagné régulièrement au titre des investissements nécessaires à sa modernisation. Depuis 2017, plus de 3 millions d'euros lui ont été alloués en aides à l'investissement, ce qui correspond à environ 10 % de son budget d'exploitation sanitaire. S'y ajoutent plus de 3 millions d'euros de crédits de trésorerie afin d'alléger les contraintes de trésorerie en cette période de crise.
En complément de ces accompagnements, l'établissement a renforcé ses coopérations avec les autres établissements de l'Orne, au sein du groupement hospitalier de territoire Eure-Seine-Pays d'Ouche. Ces coopérations sont indispensables à cet établissement, comme à d'autres, pour leur permettre de recruter les professionnels dont ils ont besoin et de retrouver un niveau d'activité correspondant à la population de leurs territoires. Elles restent à développer en direction de la médecine de ville et des établissements médico-sociaux, dans une logique de coopération de l'ensemble des professionnels au profit de la population locale.
Plus largement madame la députée, vous avez évoqué « Ma santé 2022 », et le plan pour l'hôpital présenté par le Premier ministre et Mme Agnès Buzyn, ministre de la santé à l'époque. Vous le savez, nous avons lancé le 25 mai dernier le Ségur de la santé, qui sera l'occasion de se concerter largement avec l'ensemble des acteurs de l'hôpital mais aussi de la médecine de ville ou du médico-social, en vue de définir notamment une nouvelle politique d'investissement – c'est l'un des grands chantiers du Ségur.
Au-delà de la reprise des 13 milliards de dettes que vous évoquiez, il s'agira de définir les nouvelles politiques de financement des établissements au service des soins. Le pays de L'Aigle et son établissement ont vocation à être pleinement associés à cette réflexion.
La parole est à M. Julien Dive, pour exposer sa question, no 1070, relative à la prime pour les ambulanciers.
La crise sanitaire que nous traversons a mis en lumière toutes les professions qui sont en première ligne face à l'épidémie. Que ce soit le personnel soignant, les caissières ou les agriculteurs, ils ont tous fait preuve d'un réel courage pour soigner, aider et nourrir les Français et nous leur en sommes reconnaissants.
Mais il y a aussi les héros de l'ombre, ces grands oubliés de la crise sanitaire, qui étaient également en première ligne. C'est le cas des ambulanciers. Parfois quatorze interventions le même jour ; des journées de travail qui s'étirent jusqu'à l'épuisement ; à peine assez de masques et de surblouses : c'est le quotidien des ambulanciers, qu'ils soient du secteur privé ou dans la fonction publique hospitalière. Sans relâche, ils ont accompli leur mission pour sauver des vies, malgré des conditions de travail plus que difficiles et parfois inadmissibles dans un pays tel que le nôtre, sans parler du manque de reconnaissance de l'État à leur égard.
Prenons l'exemple plus précis des ambulanciers hospitaliers. Alors qu'ils sont eux aussi en première ligne dans la lutte contre l'épidémie, et ce depuis le premier jour, lors des annonces du Gouvernement en avril concernant la prime pour les personnels soignants, ils n'ont pas été cités une seule fois.
Pourquoi ? Parce qu'ils ne font pas partie du personnel soignant en tant que tel : ils appartiennent au corps des conducteurs ambulanciers, régi par un décret du 12 décembre 2016. Cela signifie qu'ils ne sont pas supposés être en contact direct avec les patients. Pourtant, lorsqu'ils interviennent au sein de services d'urgence tels que le SAMU ou le SMUR, ils peuvent être amenés à prodiguer les premiers soins, voire à participer aux soins d'urgence si l'état de santé du patient venait à se dégrader lors d'un transfert. C'est la preuve d'un contact direct avec les malades et les blessés.
Ce ne sont pas, contrairement à ce que suggère ce décret, de simples conducteurs, ce sont aussi des soignants. Ils travaillent les week-ends, les nuits et les jours fériés, pour un salaire maximal en fin de carrière de 1 800 euros. Lorsque les représentants d'une telle profession font preuve d'un engagement sans faille, malgré les risques auxquels ils sont confrontés, il semble juste et équitable de reconnaître leur dévouement et l'importance de leur mission à leur juste valeur.
Cela passe par la reconnaissance du métier d'ambulancier ; par une évolution du statut et une intégration dans la filière soignante, en catégorie active ; par la revalorisation du salaire ; par des formations adaptées aux réalités du terrain et surtout aux évolutions du métier.
Le Ségur de la santé est censé répondre à la crise et aux attentes, et non créer de nouvelles frustrations. Il est temps de revaloriser et de reconnaître cette courageuse et difficile profession d'ambulancier, maintenant et non pas plus tard.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
Merci, monsieur le député, d'évoquer les ambulanciers, profession qui est en première ligne dans la prise en charge des patients tout au long de l'année, et qui l'a été plus encore durant l'épidémie. Je m'associe aux remerciements que vous avez formulés.
Tout d'abord, je souhaite rappeler qu'il est possible pour une entreprise privée, comme c'est le cas des transporteurs sanitaires, de verser à ses salariés une prime de pouvoir d'achat spécifique qui est totalement exonérée de charges sociales et d'impôt, pour l'employeur comme pour le salarié, dans la limite de 2 000 euros. Ses conditions d'attribution ont été assouplies afin de pouvoir récompenser plus spécifiquement les employés mobilisés pendant la crise.
Dès avant la crise, nous avions été alertés des difficultés économiques rencontrées par les entreprises du secteur et le ministère reste à l'écoute des organisations représentatives. Les entreprises de transport sanitaire, en tant que professionnels conventionnés avec l'assurance maladie, bénéficient d'une aide de celle-ci garantissant la couverture de leurs charges fixes, mais également des soutiens de l'État tels que le chômage partiel et le versement d'indemnités journalières. Je vous informe aussi que des travaux sont en cours afin de trouver des modalités de compensation et de prise en charge des surcoûts et éventuelles pertes subies par ces entreprises lors de la crise.
Soyez convaincu, monsieur le député, que le Gouvernement a bien conscience de l'engagement des ambulanciers au service des Français et qu'il souhaite, par ces dispositifs, soutenir les entreprises et leurs salariés, afin qu'elles puissent continuer à assumer leur mission de service public et leur rôle essentiel dans notre système de santé.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez répondu à une partie de ma question, celle concernant les ambulanciers du secteur privé ; encore faut-il que la société qui les emploie puise leur verser ces aides. Mais vous n'avez pas répondu à la seconde partie de ma question, qui concerne les ambulanciers du secteur public hospitalier.
Je l'ai rappelé, ils sont reconnus par un décret qui n'est pas relatif à la fonction publique hospitalière ; on leur demande, comme aux agents de sécurité incendie des hôpitaux, pour prendre un autre exemple, de remplir des missions qui ne sont pas celles pour lesquelles ils sont formés. Ils se mettent en danger, y compris dans l'exercice de leur responsabilité.
Monsieur le secrétaire d'État, j'entends que vous ne pouvez avoir réponse à tout, mais prenez au moins en compte ces revendications dans le cadre du Ségur de la santé.
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour exposer sa question, no 1074, relative à la revalorisation de la profession des aides à domicile.
Depuis plusieurs années, j'alerte régulièrement le Gouvernement et le Premier ministre sur la situation des aides à domicile. Elles travaillent souvent à temps partiel, sont payées au SMIC et leurs frais de transport sont parfois à peine pris en compte.
Les associations d'aide à domicile ont été en première ligne pendant la crise, et les aides à domicile sont parties travailler la boule au ventre. Il y a des primes et des augmentations de rémunérations pour le personnel soignant : qu'en est-il pour les aides à domicile ? Une prime a été annoncée, quand leur sera-t-elle versée ?
S'agissant de la revalorisation des rémunérations, des conventions collectives sont en discussion depuis maintenant plus de deux ans, sans progrès. Ces discussions vont-elles aboutir ? De quel ordre seront les augmentations ? Il en va, évidemment, de la santé des personnes âgées dont les aides à domicile s'occupent en permanence dans nos territoires.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
Je vous remercie d'appeler l'attention sur les professionnels des services à domicile, qui se sont fortement mobilisés pendant la crise. Le ministère les soutient et les ordonnances du 25 mars et du 15 avril 2020 prévoient une garantie de financement pour les services d'aide et d'accompagnement à domicile – SAAD – , qu'ils soient tarifés ou non par le département. La signature du décret précisant les modalités de la garantie des financements des SAAD pour traverser la crise est imminente.
Plus largement, il est crucial de répondre aux difficultés structurelles de ce secteur. Je pense aux difficultés économiques, mais aussi aux complexités de coordination entre l'accompagnement et le soin, ainsi qu'à la nécessité de reconnaître la pénibilité et l'importance sociale de ces métiers. La question de l'utilité sociale de ce secteur a été mise en pleine lumière à l'occasion de la crise sanitaire. Olivier Véran avait d'ailleurs consacré son premier déplacement en tant que ministre à ces professionnels.
En coordination avec le Ségur de la santé, des travaux techniques sont en cours pour l'application de mesures concrètes destinées à revaloriser ces métiers, en s'inspirant notamment des propositions du rapport de Myriam El Khomri.
La question centrale de l'évolution des rémunérations fera l'objet d'échanges spécifiques avec l'ensemble des acteurs du secteur, un premier geste étant intervenu avec la conférence salariale qui, avant la crise, avait prévu une évolution des rémunérations de près de 2,7 % en 2020.
D'autres leviers seront également mobilisés, notamment grâce à la mobilisation de financements pour identifier les compétences à développer et aider les professionnels à les acquérir – la construction de parcours offre des perspectives de carrière aux aides à domicile, y compris dans les établissements accompagnant des personnes âgées ; grâce à des actions destinées à lutter contre les risques professionnels ; grâce à l'augmentation des entrées en formation à ces métiers. Bref, nous avons une appréhension très large des problématiques qui concernent ce secteur depuis de nombreuses années.
Pour parvenir à la concrétisation des actions envisagées, les sujets relatifs à l'attractivité des métiers du grand âge font l'objet d'échanges réguliers avec tous les partenaires impliqués dans le secteur, en vue de déboucher sur un plan partagé et intégré dans la réflexion plus large de la réforme du grand âge dont vous savez qu'elle est désormais sur le métier.
Tout cela est intéressant. Je note qu'un décret est en cours de signature, mais ce que l'on voudrait savoir exactement, c'est combien et quand ! Tout cela traîne depuis des années ! C'est l'ancien président de département qui vous parle. Il y a vingt ans, j'étais président du département de la Meuse et l'on parlait déjà de ces problèmes de revalorisation, qui ne se sont pas améliorés depuis.
Je sais qu'une négociation est en cours entre la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et les départements au sujet des primes, mais on ne sait pas quand elle va aboutir. La question des rémunérations est réellement centrale. Nous voulons savoir quels moyens seront mobilisés. Nous serons très attentifs à ce sujet, qui est une vraie préoccupation des aides à domicile.
La parole est à M. Christian Hutin, pour exposer sa question, no 1079, relative aux étudiants et internes en médecine et crise sanitaire.
Ils étaient cent, ils étaient mille, ils ont peut-être été encore plus nombreux. Ils étaient en deuxième, en troisième, en sixième année de médecine et ont été les premiers à se dévouer, à se mobiliser, à la demande de la nation, pour suppléer le manque de personnel ou aider ceux qui étaient en première ligne.
Ils ont vite été oubliés. Je vous invite à ne pas faire de même dans le cadre du Ségur de la santé que vous avez préparé, et pour cela à lire le rapport de l'association nationale des étudiants en médecine de France, qui fait état de la précarité du statut des étudiants en médecine.
Tous les étudiants en médecine, n'ont pas des parents riches, loin de là. Très loin de là. Savez-vous combien touche un étudiant stagiaire en master non médical ? En gros, 3,80 euros nets par heure, ce qui n'est déjà pas grand-chose. Or un étudiant en médecine stagiaire de quatrième année touche 1,29 euro brut par heure ! Les étudiants en quatrième ou cinquième année de médecine, qui sont souvent déjà des parents, touchent 189 euros bruts par mois – sans compter que l'hôpital est parfois un peu éloigné. Et tous les hôpitaux ne disposent pas de chambres pour dormir lors des gardes de nuit, ce qui est aussi dangereux pour les soignants que pour les soignés. Puis les étudiants repartent chez eux après 48 heures sans dormir…
Est-ce que tout ça est raisonnable ? Non. Il y a une vraie précarité des étudiants en médecine. Il ne faut pas s'étonner du manque de vocations : très franchement, faire dix à douze années d'études dans de telles conditions… Il arrive même que certains étudiants prennent des gardes de 48 heures et passent un examen le lendemain ! C'est absolument inadmissible.
Dans le cadre du Ségur de la santé, ce problème ne peut être éludé. L'ensemble des associations corporatives et des syndicats des étudiants en médecine, ainsi que l'association nationale des étudiants en médecine de France, vous demandent aujourd'hui de faire quelque chose. Les pratiques que j'évoque sont quasiment hors la loi : il y a de quoi aller en justice. Or il s'agit d'agents du service public !
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
Les internes et les étudiants en médecine ont été fortement mobilisés dans le cadre de la crise sanitaire et je salue comme vous l'implication dont ils ont fait preuve. Ils ont été nombreux à s'être volontairement mobilisés sur le front hospitalier, dans les établissements médico-sociaux et en médecine de ville.
Dès le début de la crise, nous avons été attentifs à ce que les étudiants et les internes bénéficient des mêmes mesures de protection que le personnel en exercice. L'impératif d'encadrement par un praticien senior, malgré des circonstances exceptionnelles, a été rappelé. Par précaution, nous avons annulé les stages de premier cycle de médecine.
Sur la base du volontariat, des réaffectations ont été autorisées. Ainsi, les internes volontaires se sont manifestés auprès des associations régionales de santé, qui ont coordonné le dispositif dans les différentes subdivisions. Des conventions ont été conclues avec les lieux d'accueil, ce qui a permis de les couvrir en cas de dommages.
Nous avons également été vigilants quant aux risques d'épuisement professionnel de tous les étudiants pendant cette période, en rappelant la nécessité de s'appuyer sur les services de santé au travail des établissements, ainsi que sur les cellules d'urgence médico-psychologique, et en créant une plateforme nationale d'écoute gratuite. Des initiatives associatives, départementales et ordinales ont également proposé de nombreux services d'accompagnement, que nous avons encouragés.
S'agissant de la reconnaissance de l'engagement des jeunes professionnels, le décret du 14 mai a instauré une prime exceptionnelle dont peuvent bénéficier les étudiants et internes qui ont participé à la gestion de la crise, dans le secteur hospitalier comme dans celui de la médecine de ville.
En ce qui concerne la précarité, les conditions matérielles que connaissent les étudiants et la charge de travail qu'ils supportent, les organisations représentatives des internes étudiants participent aux concertations du Ségur qu'ont lancées le Premier ministre et le ministre de la santé, et qui aboutiront notamment à l'élaboration d'un plan visant à renforcer l'attractivité de l'exercice médical à l'hôpital – qui est en effet en jeu, monsieur le député. Du reste, la concertation entre ces organisations et les services ministériels avait été ouverte avant même la crise du covid-19 – laquelle n'a fait qu'exacerber certaines tendances déjà observées – afin d'aborder l'ensemble de ces sujets sensibles et importants, qui seront donc de nouveau évoqués lors des concertations dans le cadre du Ségur.
Je l'entendais en effet comme cela. J'ai présidé un ensemble de ces associations et je resterai carabin. Je me contenterai d'espérer que le comte de Ségur – le ministre Véran ! – fasse en sorte que les malheurs de Sophie ne soient pas ceux des étudiants.
Sourires.
La parole est à M. Bernard Perrut, pour exposer sa question, no 1072, relative à l'avenir des jeunes.
Nombreux sont les jeunes et leurs parents à nous solliciter, chaque jour, parce qu'ils sont inquiets pour leur avenir : certains entrent dans l'enseignement supérieur ou poursuivent leurs études, d'autres s'apprêtent à démarrer dans la vie active et cherchent leur premier emploi mais tous, reconnaissons-le, se trouvent devant des perspectives peu encourageantes. À quoi ressemblera cette rentrée pour ceux qui poursuivent leurs études ? Comment se feront les enseignements et les évaluations ? Comment faire face aux reports de stages, au décalage des concours d'entrée dans les grandes écoles, aux suppressions d'emplois d'été pour de nombreux étudiants ?
Pour près de 700 000 étudiants en fin de cursus, l'entrée dans la vie active sera difficile car les perspectives d'embauche sont repoussées et les offres limitées. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour favoriser leur insertion face à un marché de l'emploi dégradé ? Comment leur redonner des perspectives ? Quel système d'aide à l'embauche, quel dispositif d'exonération des cotisations patronales permettront d'inciter les entreprises à recruter des jeunes ?
La semaine dernière, madame la ministre du travail, vous avez annoncé plusieurs mesures en faveur de l'apprentissage et je m'en réjouis. Cependant, les jeunes les plus éloignés de l'emploi, trop souvent sans qualification, rencontreront encore plus de difficultés qu'auparavant. Quelles mesures seront proposées, quels moyens humains et financiers seront dégagés pour renforcer leur accompagnement par les missions locales et pour faciliter leur embauche ? Nous ne saurions attendre le mois de juillet et le lancement de votre plan relatif à l'emploi des jeunes.
Je compte sur vous, madame la ministre, et sur votre collègue chargée de l'enseignement supérieur, afin de tout mettre en oeuvre pour que cette génération de jeunes ne soit pas sacrifiée. Ne serait-il pas souhaitable, par exemple, de créer des structures de proximité réactives réunissant les préfets, les régions et les départements, qui auraient, tous ensemble, pour mission d'aider les jeunes pénalisés par la crise du covid-19 ? Dans ma circonscription comme partout en France, les jeunes attendent des réponses concrètes. Ils ne sauraient être la variable d'ajustement de la crise.
Nous partageons la même conviction, monsieur le député : la crise économique et sociale qui fait suite à la crise sanitaire ne doit pas amener à sacrifier une génération. Nous devons tous agir pour que cette génération ne soit pas la variable d'ajustement de la réponse à la crise. Ne pas agir créerait un risque, parce que les jeunes que vous évoquez seront les derniers embauchés, les derniers formés.
C'est pourquoi, après une concertation avec les partenaires sociaux sous l'autorité du Président de la République, nous avons dès jeudi annoncé une première série de mesures concernant l'apprentissage, cette voie d'avenir et d'excellence – je sais que vous partagez ce point de vue – qui doit continuer de progresser après la hausse exceptionnelle de 16 % constatée en février, lorsque le nombre d'apprentis a atteint près de 500 000, un niveau historique.
Pour ce faire, nous avons décidé qu'une aide serait accordée à toutes les entreprises, car bon nombre d'entre elles voudraient continuer de former des jeunes mais rencontrent des difficultés. L'État couvrira donc la quasi intégralité des salaires et des charges de tous les jeunes qui seront embauchés en apprentissage entre le 1er juillet 2020 et le 28 février 2021 pendant la première année. Autrement dit, une prime de 5 000 euros sera accordée pour l'embauche d'apprentis de moins de 18 ans et une prime de 8 000 euros pour les jeunes de plus de 18 ans, du certificat d'aptitude professionnelle, le CAP, jusqu'à la licence professionnelle.
D'autre part, nous avons prolongé les durées des contrats. Avec le ministère de l'éducation nationale et celui de l'enseignement supérieur, nous avons mis sur pied une plateforme adossée à Affelnet et à Parcoursup afin d'identifier la demande des jeunes dans son ensemble. Bonne nouvelle, à condition que nous réussissions : la demande d'apprentissage explose parmi les jeunes, qui ont bien compris qu'il s'agit d'une voie d'avenir, y compris pendant la crise.
Reste à mobiliser les entreprises, d'où l'importance des mesures que nous prenons, et de celles que nous prendrons avec les régions, à qui incombe la responsabilité de l'orientation vers les différents métiers. Quoi qu'il en soit, le volet relatif à l'apprentissage est essentiel : il faudra l'an prochain maintenir le niveau exceptionnel que nous avions atteint au début de cette année.
Ensuite, nous avons également prévu que les jeunes en centre de formation d'apprentis n'ayant pas encore trouvé de contrat aient non plus trois mais six mois supplémentaires pour renforcer leurs acquis, vérifier leur orientation et mettre le pied à l'étrier afin de décrocher un contrat de travail.
L'apprentissage constitue une voie essentielle mais il n'est pas tout. C'est pourquoi le Président de la République a réuni les partenaires sociaux jeudi dernier afin de lancer une mobilisation pour sauver l'emploi et les compétences. Il m'a confié la responsabilité de conduire la concertation, qui commence cet après-midi et s'organise en cinq volets, dont l'un porte précisément sur l'emploi des jeunes. Comment faire en sorte que les quelque 750 000 jeunes qui vont quitter le système scolaire et universitaire cet été aient les mêmes chances d'embauche que les autres ? Je ne peux pas préjuger de la nature des mesures que nous prendrons puisqu'elles seront le résultat d'une vaste concertation, mais il va de soi que la jeunesse est l'une des grandes priorités du plan de relance.
Nous pouvons aussi mobiliser de nombreux autres dispositifs – j'y reviendrai – mais vous avez raison, monsieur le député : nous avons besoin de tous les acteurs et c'est sur le terrain avec les préfets, Pôle emploi, les missions locales, les collectivités territoriales, les partenaires sociaux et les fédérations professionnelles que nous y parviendrons. Cette mobilisation est essentielle pour qu'aucun emploi destiné à un jeune ne soit perdu.
La parole est à M. Erwan Balanant, pour exposer sa question, no 1076, relative au plan de relance et à l'insertion par l'activité économique.
Les répercussions de la crise que nous traversons sont massives, en particulier pour les personnes les plus vulnérables. Les mesures prises par le Gouvernement ont apporté de premières réponses à l'urgence. Toutefois, le besoin d'assistance et d'accompagnement vers « l'après » demeure crucial et nécessite la mobilisation de tous.
Les entreprises et les associations d'insertion constituent un maillon essentiel de la réponse du fait de leur expertise, de leur ancrage territorial et de leur métier : elles sont pleinement mobilisées pour aider ceux qui en ont besoin à reprendre le chemin de la confiance, de l'autonomie et du travail.
La France compte 4 000 entreprises sociales inclusives qui produisent localement, répondent à des besoins territoriaux, innovent sur le plan social et sont des acteurs reconnus d'une véritable transition écologique et durable. Il faut utiliser, soutenir et développer cette richesse dans le cadre d'un plan global de relance de l'économie et de la société.
Pour y parvenir, il est indispensable d'apporter un soutien de grande envergure afin, notamment, de pallier le risque accru pour les entreprises, qui doivent tenir compte de la fragilité des personnes qu'elles accompagnent. Ce soutien doit être immédiat pour amortir les incidences de la crise et répondre aux besoins d'investissement dans les prochains mois, afin que le rebond soit durable.
Dans les prochaines semaines, le Gouvernement mettra en oeuvre son plan de relance, qui est indispensable. Les entreprises et associations de l'insertion par l'activité économique souhaitent contribuer en apportant leur expertise de la lutte contre le chômage de longue durée et du développement économique solidaire. En effet, le plan de relance doit être aussi inclusif que possible.
Il est donc urgent d'apporter un soutien politique aux entreprises sociales inclusives qui participeront à la construction du monde d'après solidaire et respectueux de l'environnement que nous appelons tous de nos voeux. Quelles mesures envisagez-vous, madame la ministre, pour faire de l'insertion par l'activité économique un des piliers du plan de relance ?
Vous avez raison d'insister sur ce point, monsieur le député. Notre conviction est faite depuis longtemps et se fonde sur l'expérience : nul n'est inemployable. Aux plus vulnérables, il faut un marchepied, des structures qui les aident à reprendre le chemin du travail, à retrouver un rythme, une activité, une chance, de la confiance en soi, afin qu'ils accèdent au travail. C'est tout l'objet des entreprises adaptées dans le domaine du handicap, ainsi que des entreprises et chantiers d'insertion par l'activité économique.
Nous nourrissons la grande ambition, dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté, de créer 100 000 possibilités d'accueil supplémentaires en passant d'ici à 2022 de 140 000 à 240 000 places dans le secteur de l'insertion par l'activité économique et de 40 000 à 80 000 dans les entreprises adaptées, pour qu'un plus grand nombre de personnes accèdent à l'emploi grâce à ce mécanisme de soutien.
C'est ainsi que dans le projet de loi de finances pour 2020, nous avons pour la première fois consacré plus de 1 milliard d'euros à ce chantier. C'est un investissement social que consent la nation pour que les plus vulnérables puissent accéder à l'emploi. Il a fait ses preuves, puisque près de la moitié des personnes passées par les structures concernées retrouvent un emploi durable.
Face à la crise que nous traversons depuis trois mois, la première priorité consiste à protéger ces emplois et ces structures. C'est pourquoi le mécanisme de chômage partiel a été abondamment utilisé dans les entreprises d'insertion.
D'autre part, parmi les nombreuses ordonnances que nous avons prises figure une disposition qui vise à prolonger de vingt-quatre à trente-six mois les contrats des salariés en insertion ; sans cela, certains contrats seraient arrivés à échéance dans le contexte actuel, alors que le marché du travail est très dégradé, et les personnes concernées n'auraient pas été en mesure de rebondir vers un autre emploi.
Certaines structures d'insertion ont accompli un formidable travail d'intérêt général pendant cette période. Elles ont notamment produit plusieurs millions de masques et d'autres services d'utilité sociale. Autrement dit, elles n'ont pas seulement reçu une aide : elles ont aussi contribué à l'effort de la nation et à la solidarité nationale.
Comment faire dans la phase qui s'ouvre ? Tout d'abord, nous avons poursuivi la mobilisation des 7 000 entreprises des clubs « La France, une chance. Les entreprises s'engagent ! » – j'ai récemment rencontré ceux du Pas-de-Calais et de Rouen – qui sont prêtes à continuer d'investir et à donner leur chance à ceux qui, bien qu'ils soient les plus éloignés de l'emploi, ont aussi un potentiel et l'envie de s'engager, pour peu qu'on leur donne le temps et la capacité de retrouver un travail.
D'autre part, dans le cadre du plan de relance, nous prendrons certainement des mesures de soutien en faveur de ces structures d'insertion pour qu'elles puissent mettre en oeuvre certaines des trente propositions qu'elles avaient formulées il y a quelques mois et que le Président de la République et moi-même avions jugées valables. En clair, il faut soutenir ces structures non pour elles-mêmes mais parce qu'elles soutiennent les plus vulnérables.
Enfin, il faut ouvrir des perspectives pour répondre à d'autres besoins sociaux, en particulier la transition écologique. L'entrée en vigueur de la loi sur l'économie circulaire a créé un besoin massif de recyclage et les ressourceries pourraient offrir des possibilités d'activité aux entreprises d'insertion. Nous allons donc aussi les aider.
Encore une fois, nul n'est inemployable : il faut poursuivre cette démarche.
La parole est à Mme Valérie Bazin-Malgras, pour exposer sa question, no 1068, relative à l'embauche des jeunes diplômés.
Les jeunes diplômés, madame la ministre, se heurteront cette année à des difficultés à l'embauche. La France est durement affectée par la crise économique résultant de l'épidémie de covid-19. En 2020, il faut s'attendre à une récession importante : les entreprises sont déjà en difficulté, leur chiffre d'affaires a plongé au cours de la crise sanitaire et le chômage a bondi de plus de 22 %. Dans ce contexte, les recrutements vont être fortement limités. Les entreprises ne choisiront pas d'embaucher de nouveaux salariés alors que leur équilibre économique est menacé.
Du fait de cette conjoncture malheureuse, toute une génération entrant sur le marché du travail va être pénalisée. Après des études méritantes, les 750 000 jeunes arrivant sur le marché du travail cette année vont se trouver dans une impasse, sans offre de recrutement. Nous ne pouvons pas nous résigner à ce que le marché du travail n'ait que le chômage à offrir à ces futurs actifs, d'autant que le chômage des jeunes est, depuis de nombreuses années, sensiblement plus élevé que la moyenne nationale, ce qui révèle les difficultés que rencontrent les nouveaux arrivants pour s'insérer sur le marché de l'emploi.
Avec cette crise, ces difficultés sont décuplées. Il est donc nécessaire d'envisager des facilités d'embauche pour les jeunes diplômés, en offrant notamment aux recruteurs des avantages. Avec mes collègues du groupe Les Républicains, nous avons élaboré des propositions concrètes pour de nouveaux dispositifs exceptionnels, destinés à insérer les jeunes diplômés et à inciter les entreprises à les recruter. Nous vous les présenterons lors de notre niche parlementaire du 11 juin.
Il faut éviter, quoi qu'il en coûte, qu'une génération entière de jeunes diplômés ne soit sacrifiée du fait de la crise sanitaire. Madame la ministre, j'ai bien noté les différentes mesures que vous avez prises pour l'apprentissage, dont nous ne pouvons que nous féliciter. Quelles dispositions le Gouvernement entend-il prendre pour faciliter les embauches des jeunes diplômés ? Soutiendrez-vous nos propositions de loi ?
Le chômage des jeunes est, depuis une trentaine d'années, l'une des problématiques cruciales de l'emploi dans notre pays. Les jeunes ont toujours été les plus malmenés. Avec le plan d'investissement dans les compétences et la réforme de l'apprentissage, nous avions réussi à commencer à inverser la tendance. Ainsi, le taux de chômage des jeunes avait été ramené de 21 % à 18 % : encore 18 % certes, mais l'espoir renaissait. Il y avait beaucoup de projets, une dynamique était enclenchée. La crise économique et sociale menace évidemment cette amélioration, et c'est pourquoi nous devons redoubler notre action.
La forte augmentation actuelle du chômage n'est pas due à des plans de licenciements, mais à la baisse de 40 % des recrutements. Le risque est que cette contraction touche principalement les jeunes, dont 750 000 vont sortir du système éducatif, et les plus précaires, qui sont en contrat à durée déterminée ou en intérim.
Que faire ? Il est clair qu'il faut agir, d'où les mesures immédiates que nous avons prises pour l'apprentissage. Nous avançons le déploiement du plan de relance à cause de cette urgence. Tout le monde le sait, même si on peut entrer dans l'apprentissage à tout moment, la rentrée de septembre reste un point de repère et les contrats se signent essentiellement entre juin et septembre. Nous avons donc voulu agir sans tarder : après une concertation avec les partenaires sociaux, nous avons annoncé, avec le Président de la République, dès jeudi dernier, des mesures de soutien très fortes, inédites.
Pour ce qui est des jeunes sans qualification, nous allons nous mobiliser sans relâche, avec la « garantie jeunes » qu'accompagnent les missions locales, le plan d'investissement dans les compétences, les écoles de la deuxième chance et les établissements pour l'insertion dans l'emploi – ÉPIDE : nous avons les dispositifs, il reste à les renforcer et à être présents sur le terrain.
Quant aux jeunes diplômés, la question n'est pas de se former mais de trouver un emploi. Dans ce contexte, la concertation qui s'ouvre cet après-midi avec les partenaires sociaux, à la demande du Président de la République, doit aboutir très rapidement pour trouver les voies et moyens de notre action. S'agissant des propositions que vous défendrez le 11 juin, je ne pourrai pas me prononcer tant que la concertation avec les partenaires sociaux ne sera pas achevée. Mais il est utile d'avoir ce débat républicain, car la jeunesse sera l'une des priorités du plan de relance. Je m'y engage, car c'est essentiel.
Merci pour cette réponse. Depuis le début de la crise du covid-19, de nombreux jeunes cherchent des maîtres d'apprentissage : vos dispositifs étant assez récents, il faut les faire connaître aux entreprises, car trop de jeunes, entrant par exemple en licence, ne trouvent pas d'employeurs. Comme vous l'avez dit, c'est en ce moment que cela se joue, car la rentrée de septembre approche.
Les jeunes bénéficient d'un allongement du temps passé dans les écoles, mais c'est un vrai problème de ne pas trouver d'employeur en licence lorsque l'on a trente-six semaines de stage et quinze ou seize d'école. Il faut faciliter l'accès de tous les jeunes aux entreprises, ces dernières devant répondre aux demandes. Agissez en faveur de tous ces jeunes !
La parole est à M. Frédéric Reiss, pour exposer sa question, no 1071, relative aux relations franco-allemandes pendant la crise sanitaire.
La pandémie du coronavirus a déstabilisé les relations entre les États européens, notamment entre la France et l'Allemagne. États fondateurs et partenaires privilégiés de la construction européenne, les deux pays ont géré l'urgence de la crise sanitaire sans aucune concertation.
Sur le fondement d'un rapport scientifique plaçant le Grand Est en zone à risque élevé, l'Allemagne a fermé unilatéralement ses frontières, laissant des milliers de travailleurs frontaliers face à des situations inédites et complexes : soit ils étaient en chômage partiel, soit ils étaient encouragés à se mettre en arrêt maladie. Ceux qui ont pu, ou ont dû, poursuivre leur activité ont perdu plusieurs heures chaque jour dans des contrôles tatillons, effectués dans les rares postes-frontière ouverts. En outre, la plupart d'entre eux ont été victimes de remarques discriminatoires et de brimades de la part de leurs collègues allemands. Avec des stratégies sanitaires différentes, les incompréhensions, voire les messages de haine se sont multipliés. Les acquis du traité de l'Élysée et les ambitions de celui d'Aix-la-Chapelle ont volé en éclats.
Pourtant, il faut aussi relever l'accueil gracieux de malades français dans des hôpitaux allemands. Demain, une meilleure information, une meilleure coordination seront indispensables à nos deux gouvernements. Les annonces économiques faites mi-mai par le Président de la République et la chancelière sont un premier pas, mais la coopération sanitaire devrait dorénavant constituer un axe de travail privilégié.
En Alsace du Nord, le groupement européen de coopération territoriale PAMINA y travaille depuis plusieurs années. La Commission européenne a, depuis peu, fait de la coopération sanitaire l'un de ses objectifs prioritaires. L'aboutissement de ce type d'initiatives locales aurait valeur d'exemple.
Madame la secrétaire d'État, quelles mesures concrètes envisagez-vous pour réinstaurer la confiance entre les citoyens de nos deux pays et réaffirmer notre volonté de partager un avenir commun ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des affaires européennes.
Monsieur le député, vous m'interrogez sur un sujet majeur, parce que la France et l'Allemagne forment le coeur de l'Europe. L'initiative franco-allemande présentée le 18 mai par le Président de la République et la chancelière Merkel retrouve l'esprit de solidarité qui est au coeur du projet européen depuis plus de soixante-dix ans.
Ensemble, nous avons proposé un plan de relance ambitieux, qui repose sur l'émission de dette européenne pour aider les secteurs et les régions les plus touchés, notamment le Grand Est, par cette épidémie meurtrière. La Commission européenne a repris cette ambition, en insistant sur la souveraineté européenne qui en est un élément central. Ensemble, nous oeuvrons chaque jour pour convaincre nos partenaires européens de l'importance que revêt, pour nous tous, la relance sociale et économique.
Comme vous, je suis convaincue de l'importance du moteur franco-allemand et de celle du retour de la confiance. C'est pourquoi j'étais vendredi dernier en Moselle et dans la Sarre, pour mon premier déplacement post-confinement : à Petite-Rosselle, à Grosbliederstroff et à Sarrebruck, j'ai voulu saluer l'action de toutes les personnes qui ont incarné sur le terrain, contre vents et marées, la coopération franco-allemande du quotidien.
La très forte interdépendance humaine, économique et sociale entre nos deux pays a été plus que jamais visible pendant la crise sanitaire. Certes, la violence de l'épidémie a d'abord entraîné des réflexes de repli. Je veux vous le dire très solennellement : nous ne devons plus jamais revivre cela, jamais, ni à l'échelle de l'Union européenne, ni à celle de nos deux pays. La réapparition subite de la frontière a été, je le sais – je l'ai vu, je l'ai entendu – très douloureuse, tant l'imbrication humaine est dense et tant la frontière physique était devenue invisible jusqu'à il y a quelques semaines.
Le Gouvernement a été en première ligne et le Président de la République a pris des initiatives très fortes, notamment lors du Conseil européen du 10 mars, pour renforcer la coordination européenne. Très rapidement, nous avons organisé des contrôles réciproques et proportionnés. Nous avons aussi veillé à ce qu'il n'y ait jamais de fermeture complète des frontières. Notre objectif est que lundi, le 15 juin, nous puissions lever l'ensemble des restrictions de circulation aux frontières intérieures avec l'Allemagne et tous nos partenaires européens, si la situation sanitaire le permet, comme l'a indiqué récemment le Premier ministre.
En outre, nous avons beaucoup travaillé avec Muriel Pénicaud, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin pour garantir aux travailleurs transfrontaliers les mêmes droits qu'aux autres salariés et neutraliser les effets de la crise et du télétravail imposé sur leur régime fiscal et social. L'objectif est qu'il n'y ait pas de différence de traitement fiscal.
Toutes ces avancées ont été permises par un engagement très fort des élus locaux que je veux ici saluer, notamment le président de la région Grand Est, et des élus de part et d'autre de la frontière. En outre, j'ai réuni, le 23 avril, avec mon homologue Michael Roth, le comité de coopération transfrontalière, institué par le traité d'Aix-la-Chapelle ; je le réunirai à nouveau demain, parce qu'il faut construire la coopération à tous les échelons.
Vendredi dernier, nous avons remercié les hôpitaux allemands, notamment celui de Sarrebruck, qui ont accueilli plus de 140 patients français ces dernières semaines. Nous les remercions de cette solidarité et nous allons développer, comme vous le souhaitez, une coopération sanitaire transfrontalière plus ambitieuse.
La parole est à M. Joachim Son-Forget, pour exposer sa question, no 1084, relative à la production nationale de munitions.
« Nous savons fabriquer des Rafale, mais nous n'avons pas de fabrication française de poudre militaire pour les petites munitions », avait expliqué, en 2016, M. Jean-Yves Le Drian. Depuis 1999 et l'abandon de la filière de production nationale, la situation n'a pas évolué. En effet, la France est aujourd'hui tragiquement dépendante du reste du monde pour charger une arme.
En juillet 2019, M. Joël Barre, délégué général pour l'armement, a, au cours d'une audition, tiré un trait sur la résurrection d'une filière nationale de production de munitions de petit calibre, pour des motifs économiques. Selon lui, il ne serait pas rentable d'investir dans la souveraineté nationale. En octobre dernier, j'ai interpellé le général Lecointre, chef d'état-major des armées, à ce sujet. Il a confirmé que la France avait renoncé à l'autonomie en matière de munitions de petit calibre et de petit armement, et que la direction générale de l'armement – DGA – avait choisi de se consacrer aux technologies à haute valeur ajoutée – ce n'est pas une charge, j'ai le plus profond respect pour le chef d'état-major des armées.
Deux semaines plus tard, j'alertais encore sur la dépendance française aux munitions étrangères. Un changement de dogme, notamment américain, et tout notre armement serait à refaire. Si la nouvelle mode consistait à se débarrasser de la cartouche 5,56 millimètres OTAN, possibilité débattue depuis longtemps, les coûts seraient faramineux. Or les États-Unis pourraient vouloir créer de nouveaux calibres, ce qui leur est possible grâce à l'importance de leur marché intérieur.
Aussi, l'investissement dans une filière nationale de production me semble des plus stratégiques. M. Barre le voit avec les yeux d'un ingénieur et le pense non rentable, sans avoir conscience des risques déjà présents. Je réaffirme que la valeur ajoutée de cet investissement est immense. La société RUAG Ammotec, située dans ma circonscription, avait envisagé d'implanter une usine d'assemblage de munitions dans l'est de la France, projet auquel la DGA a donné une fin de non-recevoir.
La crise que nous traversons a mis en lumière la nécessité cruciale, d'un point de vue stratégique, d'une production nationale. En effet, « la bonne livraison des munitions peut parfois être remise en cause par les évolutions du contexte international », indiquait un rapport de 2015. L'approvisionnement en masques a montré toute la pertinence de cet avertissement. Si nous entrions demain en guerre, les stocks de munitions seraient vite épuisés. Et ne parlez pas de souveraineté européenne : nos voisins ne nous livreraient pas ! Alors que ferions-nous ? Enverrions-nous nos soldats avec des fusils de chasse ?
Vous savez comme moi que s'agissant des fusils la stratégie est clairement européenne, puisque aucun d'entre eux, à l'exception des fusils à verrou, n'est fourni par un fabriquant français, les filières d'armement et les écoles d'armurerie ayant été démantelées. La situation est urgente : madame la secrétaire d'État, allez-vous changer de stratégie en matière de petit armement et de munitions de petit calibre, après la crise du covid-19 ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées.
Monsieur Son-Forget, votre question porte sur l'hypothèse de la reconstruction d'une filière de production nationale de munitions de petit calibre. Il est exact que, depuis la fermeture, en 1999, de l'usine de la société GIAT Industries située au Mans, la France ne compte plus aucun fabricant de munitions de petit calibre pour les armées. Au demeurant, la question a été soulevée en 2015, dans le cadre d'une mission d'information parlementaire sur la filière munitions.
Le ministère des armées, dans ses orientations stratégiques, distingue les munitions de petit calibre de celles de moyen et gros calibre. S'agissant des premières, il s'approvisionne auprès de divers industriels, européens pour la plupart. Les commandes sont effectuées par le biais de mises en concurrence de très nombreux fournisseurs. Vous avez cité l'entreprise RUAG ; nos armées ont également passé des marchés d'approvisionnement auprès de nombreux autres fournisseurs, tels que l'italien Fiocchi, le britannique Royal Ordnance Factories et l'allemand Metallwerk.
La production de munitions dans des conditions économiquement viables nécessite en effet des volumes très importants, que les seules commandes nationales ne permettent pas d'assurer. Dès lors, un projet de reconstruction d'une telle filière en France nécessiterait d'adopter un positionnement sur l'ensemble des marchés. Il impliquerait également des investissements significatifs des partenaires industriels concernés. À ce stade, un tel projet n'a pas vu le jour. Néanmoins, le ministère des armées accordera son attention à tout projet crédible et viable.
La production de munitions de moyen et de gros calibre, quant à elle, se trouve dans une autre situation. Dans ce domaine à la valeur ajoutée plus élevée, nous avons fait le choix de garantir notre autonomie stratégique. Ainsi, la France dispose d'un outil industriel complet, regroupant de nombreuses entreprises telles que Nexter Munitions, Thales LAS, Eurenco ou Étienne Lacroix. À la fin de l'année dernière, le ministère a apporté un soutien ponctuel à la filière, pour lui permettre de passer l'année 2020 sans perdre des compétences.
Monsieur Son-Forget, vous refusez d'entendre parler de souveraineté européenne. Mais à l'heure où nous tâchons d'obtenir des avancées sur le sujet essentiel de la défense européenne, il faut considérer, me semble-t-il, que l'Europe peut être une source d'approvisionnement en munitions de petit calibre suffisamment solide et pérenne. Je ne voudrais pas que la souveraineté européenne soit vécue négativement, comme vos propos le laissent entendre.
Reprise d'activité de la filière de récupération textile
La parole est à Mme Carole Bureau-Bonnard, pour exposer sa question, no 1066, relative à la reprise d'activité de la filière de récupération textile.
Madame la secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, j'appelle votre attention sur la reprise d'activité de la filière de récupération textile, dans le contexte de crise sanitaire que nous connaissons. En effet, si les entreprises de la filière, qu'elles soient spécialisées dans la collecte ou dans le recyclage et la réutilisation des textiles, ont partiellement repris leurs activités depuis le 11 mai dernier, dès le début du déconfinement, elles souffrent d'un manque de débouchés, dont 80 % demeurent bloqués, notamment à l'exportation, sans qu'on y voie clair sur la reprise de l'activité internationale.
Toutes les entreprises de collecte et de tri des textiles usagés subissent cette situation, notamment celles du département de l'Oise, qui fut particulièrement touché pendant la crise sanitaire, dès lors que des mesures de confinement et de protection y ont été prises quinze jours plus tôt que sur le reste du territoire national.
Il convient de rappeler que la filière de récupération et de recyclage des textiles emploie plus de 3 000 salariés en France et constitue un enjeu majeur en matière d'écologie et de développement durable. La reprise d'activité de la filière, dans un contexte de saturation des bornes de dépôt, a provoqué des charges supplémentaires dues au surstockage, au transport et à la manutention du textile.
Le diagnostic est partagé par toutes les parties prenantes : il faut apporter à la filière un soutien exceptionnel pour résoudre le problème à court terme et à moyen terme. Les mesures de soutien envisagées à ce jour ne sont pas suffisantes pour garantir son bon fonctionnement. Elles ne permettent pas de surmonter intégralement les difficultés financières qu'elle rencontre.
Les entreprises de la filière sollicitent donc une aide de 50 euros par tonne triée, qui compléterait les 82,5 euros par tonne triée versés par l'éco-organisme EcoTLC. Verser une telle aide supplémentaire et exceptionnelle jusqu'à la fin de l'année 2020 permettrait de garantir la pérennité des emplois de la filière de collecte et de recyclage du textile, essentielle à l'écologie du quotidien, tout en restant en deçà du coût de la tonne collectée et incinérée, qui est évalué à 150 euros.
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire.
Madame Bureau-Bonnard, je vous remercie de votre question. Je sais combien vous êtes impliquée sur ce sujet. Comme vous l'avez rappelé, la gestion des déchets a été une priorité du Gouvernement pendant la crise sanitaire provoquée par l'épidémie. Je tiens à saluer à nouveau les acteurs de la filière, qui se sont très largement mobilisés. Sans eux, nous aurions subi une autre crise sanitaire, à l'intérieur même de celle que nous vivions déjà.
À présent que nous sortons progressivement de la crise sanitaire du covid, la reprise économique s'affirme et exige que les filières de collecte et de recyclage retrouvent un niveau d'activité satisfaisant, à commencer par les filières à responsabilité élargie des producteurs, qui reposent sur le principe pollueur-payeur.
J'ai bien conscience que certaines filières rencontrent des difficultés. C'est pourquoi j'ai demandé aux deux inspections générales de mon ministère et de celui des finances de mener une mission conjointe, dont les résultats devraient répondre à la plupart de vos interrogations, madame la députée.
Cette mission consistera, en premier lieu, à évaluer les conséquences économiques de la pandémie sur ces filières, dont vous avez rappelé qu'elles sont bouleversées. Deuxièmement, elle devra déterminer les modalités du soutien qu'il conviendra d'apporter aux éco-organismes pour continuer de traiter les déchets avec des garanties de protection de l'environnement inchangées. Je sais combien ce sujet vous tient également à coeur. Troisièmement, cette mission doit déterminer les contreparties environnementales que nous pourrions attendre du soutien apporté aux producteurs – nous ne signons pas de chèques en blanc. Le cas échéant, réfléchissons même au moyen de faire évoluer les éco-modulations prévues par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire !
Dans le cas précis de la filière textile, une contrainte structurelle s'ajoute aux difficultés conjoncturelles issues de la pandémie. En effet, elle exporte beaucoup de textiles usagés, bloqués par la fermeture des frontières dans les entrepôts des collecteurs. Il est vrai que les acteurs de l'économie sociale et solidaire n'ont pas pu poursuivre leurs activités de réemploi des textiles, et que certains d'entre eux connaissent des difficultés.
Dès lors, l'élaboration d'une filière de recyclage textile en France est plus que jamais nécessaire. Elle permettrait d'accélérer le développement d'une écologie industrielle et territoriale, de diversifier les débouchés et de réduire la dépendance aux exportations ainsi que nos importations de matières premières, grâce à la valorisation de celles présentes en France. Elle constituerait en outre un vivier d'emplois locaux pérennes. À n'en pas douter, l'économie sociale et solidaire est l'un des piliers de la reconquête de notre souveraineté économique et sociale.
C'est pourquoi j'ai demandé à plusieurs éco-organismes de mettre à l'étude les solutions permettant de relancer l'activité de la filière, conjointement avec les opérateurs de tri et les collectivités territoriales. C'est ensemble, collectivement, dans le cadre de la mission que j'évoquais tout à l'heure et grâce au travail que j'ai confié aux éco-organismes, en particulier EcoTLC, et aux opérateurs de tri, que nous trouverons des solutions très concrètes pour accélérer et pérenniser le développement de cette filière, qui a un rôle vital à jouer en France. Madame Bureau-Bonnard, je vous remercie de l'attention que vous portez à ce sujet.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Débat sur le thème « Comment la sincérité et le rétablissement des finances publiques depuis 2017 favorisent-ils le soutien à l'économie dans la crise du covid-19 ? » ;
Questions sur l'évaluation de la loi renforçant la lutte contre les rodéos motorisés.
La séance est levée.
La séance est levée à douze heures vingt-cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra