Intervention de Alexis Corbière

Séance en hémicycle du mardi 9 juin 2020 à 9h00
Questions orales sans débat — Confiance entre la police et la population

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexis Corbière :

Les États-Unis ne sont pas la France, certes. Mais les différences ne peuvent effacer les points communs qui apparaissent aux yeux de beaucoup de nos concitoyens. Dernièrement, aux États-Unis, des milliers de personnes se sont soulevées après le meurtre de George Floyd par la police de Minneapolis. Une indignation mondiale, saine, juste et légitime s'est répandue. En France, cette colère entre en résonance avec les combats menés pour que toute la lumière soit faite sur la mort de plusieurs de nos concitoyens au cours d'interpellations.

Ici aussi, en France, des dizaines de milliers de personnes se sont ainsi rassemblées pour rappeler qu'avant George Floyd, il y a eu M. Adama Traoré, Mme Zineb Redouane, Zyed Benna, Bouna Traoré et beaucoup d'autres. Face à cette indignation qui monte, M. le ministre Castaner a annoncé des mesures pour tenter, dit-il, de mettre fin aux violences policières et au racisme dans la police.

Il aura donc fallu attendre plusieurs années et une large mobilisation populaire pour que vous reconnaissiez enfin que des problèmes existent. Pourquoi tant de temps perdu ?

Depuis la nomination de M. Castaner, on a le sentiment que le ministère de l'intérieur a toujours cherché à taire ces problèmes, à les minimiser, à les étouffer, niant des violences contre les gilets jaunes et des interpellations anormalement violentes, en particulier dans des quartiers populaires, et préférant même parfois colporter de fausses informations. J'ai ainsi souvenir de M. Castaner me disant ici même que l'interpellation violente qui avait eu lieu à Bordeaux était juste, puisque les faits retenus contre la personne violentée étaient avérés, ce qui était totalement faux. Le dernier rapport du Défenseur des droits, publié hier, montre que cette attitude était fausse. En votre qualité de donneur d'ordre numéro un, votre responsabilité est directement engagée et vous devez des explications à la représentation nationale.

Pourquoi l'IGPN, l'Inspection générale de la police nationale, prononce-t-elle aussi peu de sanctions, alors que des faits de violence sont avérés et circulent sur les réseaux sociaux, que des groupes Facebook racistes sont dévoilés dans la presse et que les sanctions prononcées contre la France par certaines instances internationales montrent qu'il ne s'agit pas d'actes isolés ? J'ai une pensée particulière pour des policiers qui ont élevé la voix contre ces propos racistes, spécialement, et même s'il n'est pas le seul, à M. Noam Anouar, policier, actuellement traîné devant l'IGPN, si je puis me permettre cette expression, et menacé de nombreuses sanctions administratives, alors qu'il était un lanceur d'alerte qui aurait dû être écouté.

Pourquoi avez-vous, sinon ordonné, du moins toléré 30 000 tirs de LBD – lanceur de balles de défense – et plus de 10 000 tirs de grenades explosives en deux ans seulement, en particulier lors des manifestations des gilets jaunes ? J'ai déposé, avec le groupe de La France insoumise, une proposition de loi visant à interdire ces armes potentiellement létales, qui mutilent et brisent des vies. Vous avez balayé cela d'un revers de main. Pourquoi certaines techniques d'interpellation, comme le plaquage ventral, ne sont-elles pas remises en cause ? Toujours avec notre groupe, Mme Obono et M. Bernalicis ont déposé une proposition de loi, que vous avez rejetée.

Comme vous l'avez compris, il y a aujourd'hui une situation grave, un manque de confiance d'une partie importante de la population envers notre police, qui doit être un service public apprécié de tous et respecté. Pour qu'il le soit, chacun de ceux qui ont cette mission difficile doit être respectable. Pour être franc, nous manquons de confiance dans l'idée que vous puissiez mener à bien ce travail.

Pourquoi ce temps perdu ? Pourquoi aura-t-il fallu ce scandale révélé par l'organe de presse StreetPress, qui a montré que deux groupes, rassemblant respectivement 8 000 et 9 000 personnes, dont de nombreux policiers, tenaient des propos intolérables ? Pourquoi a-t-il fallu tout ce temps et cette réaction qui n'est pas venue de l'institution pour que vous commenciez à faire des déclarations allant dans le bon sens ? Je veux considérer que la conférence de presse qui a eu lieu hier est un point positif, un petit pas en avant, mais que de temps perdu, que de gens blessés, que de vies perdues du fait de techniques d'interpellation et d'une banalisation de choses intolérables par l'institution ! L'heure est grave, monsieur le secrétaire d'État. Comme vous l'aurez compris, M. Castaner nous semble avoir été tellement peu à la hauteur de la situation que la déclaration par laquelle nous demandions sa démission est encore d'actualité. Je souhaiterais néanmoins vous entendre répondre à la question de savoir pourquoi tant de temps perdu.

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