Intervention de Marguerite Deprez-Audebert

Séance en hémicycle du mardi 9 juin 2020 à 9h00
Questions orales sans débat — Délocalisation au profit des métropoles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarguerite Deprez-Audebert :

Ma question porte sur les délocalisations des sièges des entreprises industrielles au profit des métropoles. Ainsi, à Lestrem, dans le Pas-de-Calais, à vingt-cinq kilomètres de Lille, est implantée depuis 1933 Roquette, qui fait la fierté de la communauté de communes Flandres Lys et de l'arrondissement de Béthune. Cette entreprise longtemps familiale, devenue l'un des cinq leaders mondiaux de l'industrie de l'amidon, est présente dans plus de 100 pays, 2 700 de ses 8 000 salariés étant localisés à Lestrem.

Jusqu'en 2015, le siège était au coeur du site. La tête et le corps de l'entreprise ne faisaient qu'un. Avec l'arrivée d'une nouvelle équipe de dirigeants, il a été décidé de transférer la direction générale puis le siège social à La Madeleine, plus proche de Lille, plus attractive car plus proche de l'aéroport, des gares, des écoles et des talents, concrétisant ainsi l'effet d'aspiration d'une métropole – la MEL, métropole européenne de Lille – qui assèche son territoire au lieu de l'irriguer, et faisant prendre le risque à l'entreprise de perdre son âme.

Si la pérennité économique de certaines entreprises industrielles nécessite parfois une réorganisation spatiale, ce n'est pas le cas de Roquette, qui réalise de bons résultats. Malgré tout, il a été récemment proposé à 115 salariés de quitter le site historique de Lestrem pour rejoindre le siège métropolitain. Roquette n'est pas la première entreprise à séparer sa tête de son corps. Au-delà de leur non-sens écologique, de leur impact sur le tissu local, du fait qu'elles contribuent à l'embolie des grandes villes et de l'actuelle valorisation de la RSE, la responsabilité sociale des entreprises, dans notre économie, de telles mesures ne laissent pas d'interroger quant à leur sens et à leurs conséquences à long terme, tant elles contribuent à accentuer les fractures que nous nous attachons à réduire, a fortiori quand elles sont décidées par des entreprises qui ont reçu de l'argent public.

Je salue et partage les récents propos de M. Roux de Bézieux, président du MEDEF, qui a pris conscience de ce que j'appellerai la nécessaire « démétropolisation » : nous devons, explique-t-il, prendre en compte la réalité du terrain, ce qui nécessite une meilleure adaptation aux différences et aux spécificités territoriales. Les centres de décision, ajoute-t-il, les richesses et les talents sont concentrés dans les métropoles, phénomène grave qui entraîne une attrition des territoires.

En outre, la fréquentation dense de lieux typiquement urbains, tels que les transports collectifs, semble avoir joué un rôle dans la diffusion du virus. Il ne fait aucun doute que les déplacements représentent une dimension essentielle de la crise que nous traversons et révèlent les failles de la métropolisation. Monsieur le secrétaire d'État, partagez-vous ces préoccupations ? Comment éviter ces décisions préjudiciables à nos territoires et veiller à ce que nos entreprises restent ou redeviennent un vecteur de rééquilibrage des territoires ?

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