Au pic de la crise sanitaire, faute de mesures adéquates prises par le Gouvernement, le pays a connu une pénurie de masques et autres équipements de protection. Dans un élan de solidarité, des milliers de couturiers et couturières, costumiers et costumières, bénévoles et professionnels, en ont confectionné, avec leurs propres moyens, afin d'approvisionner la population des quartiers, des centres hospitaliers proches ou des personnels administratifs.
Ce geste a rapidement été instrumentalisé, favorisant une surexploitation. Des communautés de communes et entreprises qui manquaient de personnel ont fait appel à leurs services, imposant de plus en plus de contraintes, avec des demandes exigeant jusqu'à 10 heures de travail journalier. Beaucoup n'ont pas été rémunérés du tout, d'autres ont reçu une compensation, nettement insuffisante, de 40 centimes par masque. Or, la plupart de ces personnes sont précaires, voire ne touchent aucune autre rémunération ; elles ont souvent fourni elles-mêmes les tissus, ou ont pris sur leurs fonds propres pour acheter tissu et élastiques. Dans d'autres cas, elles ont été embauchées dans le cadre de contrats d'insertion sous rémunérés, au lieu de contrats réguliers. Lorsque l'État a passé les premières commandes industrielles, elles en ont été écartées : le processus d'homologation favorisait les grosses productions, ce qui pose un problème de concurrence déloyale.
Aujourd'hui ces travailleurs font face à un autre problème : faute de planification par l'État, après la pénurie, nous voici en surproduction, l'importation de masques jetables antiécologiques ayant été privilégiée au détriment des masques lavables produits en France. Les couturiers et costumiers se trouvent donc doublement pénalisés : après avoir été surexploités, ils sont désormais mis au rebut. Parmi ces indépendants, 1 658 professionnels se sont regroupés au sein du collectif Bas les masques, pour dénoncer les heures de travail non rémunérées et l'emploi d'une main-d'oeuvre sous- payée au profit de grosses entreprises ou de collectivités, ce qui dépasse largement le cadre d'un travail ponctuel bénévole, déterminé par la solidarité.
Le collectif a constitué un dossier très complet, que je tiens à la disposition des ministres. Il demande la valorisation des heures effectuées, l'assurance que l'emploi de bénévoles pour pallier une pénurie ne crée pas un précédent et qu'en cas de nouvelle crise, l'État impose que les entreprises obtenant des marchés embauchent régulièrement et offrent une rémunération à un taux horaire adéquat. Quelle réponse le Gouvernement entend-il apporter à ces revendications légitimes ?