Tout le monde en conviendra : la vigilance parlementaire est une exigence démocratique forte, tout particulièrement en période de crise majeure, car c'est dans l'adversité, telle que celle que nous venons de connaître, que se jauge la valeur d'un système pluraliste, respectueux des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Nous sortons d'une période d'une difficulté et d'une intensité rares. Ces difficultés, on le sait, ont affecté le fonctionnement de notre système judiciaire et pénitentiaire. Le fonctionnement de la justice pendant la période de confinement – liée à l'instauration de l'état d'urgence sanitaire – a fait l'objet de critiques ; rien de plus normal. Dès lors qu'elles ont un fondement factuel et qu'elles servent la perfectibilité de l'État de droit, les critiques sont recevables et doivent être considérées avec respect et sens des responsabilités, au regard des politiques immédiates comme de l'histoire démocratique.
Il en va ainsi notamment – cela a été dit à plusieurs reprises et mérite d'être pris en considération – du manque de moyens informatiques dont souffrent l'institution judiciaire en général et le corps des greffiers en particulier. Mais pour être objectif, il faut aussi revenir aux faits et examiner d'un oeil neutre ce qui s'est passé entre la loi du 23 mars, qui instaurait l'état d'urgence sanitaire, et celle du 11 mai, qui le prorogeait. C'est ce que je me suis efforcé de faire en analysant rigoureusement l'activité des barreaux de Montpellier et de Béziers.
Dès lors qu'on examine les choses avec objectivité, on constate que la période a été marquée par plusieurs tendances. D'abord, une grande résilience matérielle : grâce au souci de protection des agents, au recours assez systématique au télétravail et à la mise en place de permanences électroniques et téléphoniques, un certain nombre d'activités essentielles ont été maintenues. Une résilience organisationnelle également : on a réorganisé l'audiencement, mis en place des jugements en visioconférence en évitant les déplacements de personnes incarcérées et adapté l'exécution des peines aux situations. Dans le même temps, on a adapté l'activité à la réalité conjoncturelle : d'abord, lorsque cela a été nécessaire, comme à Béziers, on a fait face aux incidents de détention ; on a adapté la politique pénale en priorisant les cas de flagrant délit ou les affaires nécessitant une réponse judiciaire rapide ; on a privilégié la lutte contre les violences intrafamiliales, les sanctions du non-respect des mesures de confinement et la lutte contre les trafics en prison.
Tout ce qui pouvait légitimement être reporté a fait l'objet d'un renvoi. Cela s'est traduit par un recentrage sur les activités essentielles : les missions pénales et les urgences en matière civile et familiale. Bref, dans une situation exceptionnelle, des mesures d'exception. En plus – c'est à mettre au crédit de l'institution judiciaire en général – , on a mis à profit le temps libéré pour résorber les stocks de courrier et de dossiers d'information mis de côté, rédiger les jugements en délibéré et traiter les requêtes. En résumé, pendant cette période compliquée, la justice a eu une activité digne d'un haut niveau de performance.
Elle a ensuite assuré la transition vers la période dans laquelle nous entrons désormais et qui devra voir purger ce qui doit l'être grâce à un nouveau calendrier des audiences pour fin 2020, début 2021, la mise en place d'audiences correctionnelles supplémentaires dans les semaines qui viennent, la reprise des enquêtes préliminaires et la mise à disposition, cela a été dit, de 1 000 vacataires pour traiter les dossiers – neuf au tribunal de Béziers, ce qui est apprécié par l'institution.
Gageons que ces péripéties – qui, ne le perdons pas de vue, sont tout à fait exceptionnelles – seront bientôt un mauvais souvenir et que tous les préjudices qui auront découlé de cette conjoncture seront réparés.