Intervention de Philippe Berta

Séance en hémicycle du mardi 9 juin 2020 à 22h30
Débat sur l'austérité dans la santé et la casse de l'hôpital public

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Berta :

… et sans rapport avec la réalité que nous vivons en France. Mon propos ne vise évidemment pas à affirmer que tout va pour le mieux et que rien n'est à remettre en question dans l'organisation de notre système de santé, loin s'en faut. Mais je ne connais pas beaucoup de pays qui, comme la France consacrent chaque année plus de 200 milliards d'euros à leurs dépenses de santé – soit plus de 12 % du PIB français – le tiers de ce montant étant directement consacré à l'hôpital public. Ce niveau de financement des dépenses de santé fait de la France le pays de l'Union européenne qui, avec l'Allemagne, consacre la part de PIB la plus élevée à la santé. Elle se situe largement au-dessus de la moyenne européenne, qui s'établit quant à elle à 9,8 %. Le coeur du sujet n'est donc pas uniquement le budget que nous allouons au système de santé et à l'hôpital public ; c'est aussi la manière dont nous l'utilisons. Nous pouvons ainsi nous questionner sur le ratio entre personnels soignants et personnels administratif dans nos hôpitaux, et sur le niveau des salaires pratiqués.

Cette deuxième problématique est en effet ressortie avec vigueur lors de la crise sanitaire, qui a jeté une lumière vive sur nos difficultés. Pourtant, nous ne les découvrons pas aujourd'hui : c'est justement pour y répondre qu'en septembre 2018, le Président de la République a lancé la stratégie « ma santé 2022 », qui propose une vision d'ensemble et des réponses globales aux défis auxquels est confronté le système de santé français. Il s'agit notamment de favoriser une meilleure organisation et de fluidifier la coopération entre l'hôpital et la médecine de ville, mais également de redonner aux médecins du temps pour soigner, en s'appuyant sur la nouvelle fonction d'assistant médical. Enfin, il s'agit de faire de la qualité et de la pertinence des soins, le fil rouge de la transformation.

L'offre hospitalière s'organise, quant à elle, autour de deux piliers. D'une part, comme cela vient d'être signalé, des hôpitaux de proximité pour assurer les soins du quotidien. Le vieillissement de la population et l'augmentation des maladies chroniques rendent plus que jamais ces hôpitaux indispensables. D'autre part, des hôpitaux recentrés sur leur mission première de soins très techniques, nécessitant des équipements adaptés et de pointe.

Au-delà de cette stratégie nationale, une meilleure organisation de notre système de santé repose également sur une meilleure prise en compte de la prévention, qui reste le parent pauvre. Ainsi, la première priorité de la stratégie nationale de santé 2018-2022 est d'accorder une plus grande attention à la politique de promotion de la santé et à la politique de prévention à tous les âges de la vie, et pour tous les groupes de population.

Il est aussi évident que la fin de la participation de la médecine générale aux gardes de nuit ou de week-end et aux petites urgences – activités qui ne leur ont jamais été assez reconnues – n'aura jamais été anticipée, ce qui a contribué à la désorganisation des urgences. Puisque nous parlons de l'organisation de l'hôpital et que vous connaissez mon engagement de longue date pour la recherche en santé, je me permettrai, avant de conclure, une légère digression sur le continuum entre recherche et soins, incarné par le CHU – centre hospitalier universitaire – , et son importance dans nos territoires.

La crise de covid-19 nous a démontré, s'il en était besoin, l'importance de l'innovation en santé, qui doit être menée jusqu'au lit du patient. Elle a également montré qu'il est urgent de renforcer la coordination territoriale de la recherche entre universités, établissements de santé, professionnels de santé libéraux, établissements publics à caractère scientifique et technologique, et autres organismes de recherche. Le CHU, qui est souvent le plus gros opérateur local, aurait ainsi toute légitimité à s'inscrire au coeur de cette coordination. Cela aurait par exemple permis d'identifier rapidement les outils de diagnostic de type PCR – polymerase chain reaction – , dont on a tant parlé, présents sur un territoire donné, mais aussi de partager des savoir-faire ou des plateformes technologiques. Cela fait partie des enjeux qui mériteraient d'être débattus dans la prochaine loi de programmation pluriannuelle de la recherche.

Vous l'aurez compris, il n'y a pas plus de casse de l'hôpital public que d'austérité. Il y a, bien au contraire, une volonté de mieux agencer et de réorganiser notre système de soins pour offrir aux professionnels de nos hôpitaux les meilleures conditions d'exercice possible, et permettre à nos patients de bénéficier les soins dont ils ont besoin.

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