Je partage les arguments qui viennent d'être exposés : mon amendement vise aussi à supprimer l'alinéa 4, qui concerne les manifestations.
En effet, celui-ci manque tout simplement de réalisme : en pratique, imposer le respect des gestes barrières est irréalisable dans les démonstrations d'ampleur où un grand nombre de manifestants est prévisible, comme lors de la manifestation organisée hier par les soignants, celle des forces de l'ordre, ou encore celles liées au projet de loi portant réforme des régimes de retraite ou au projet de loi relatif à la bioéthique. Parce que non réaliste, ce critère est en fait absolument arbitraire, et donc politique : l'État pourrait choisir de manière abusive les manifestations ayant droit de cité.
Or la manifestation constitue un moyen de pression à l'égard du pouvoir politique, car elle peut influencer – ou pas – le législateur. Le projet de loi relatif à la bioéthique et la réforme des retraites ont mobilisé des milliers de personnes dans les rues ; il serait antidémocratique que ces projets de lois, comme d'autres, soient réexaminés sans que personne ne puisse à nouveau s'exprimer. Par définition, les réformes sociétales divisent la société ; si cette dernière ne peut pas se faire entendre dans la rue, nous pourrons nous interroger sur la démocratie dans le pays. L'indulgence dont M. le ministre de l'intérieur a fait preuve à l'égard de certaines manifestations récentes ne saurait nullement être refusée à d'autres, à moins que l'on ne définisse ce qu'est l'émotion. Nous prenons donc le risque de manifestations spontanées, bien moins encadrées que les manifestations se déroulant selon les règles du droit commun. La limitation du droit de manifester ne peut être prolongée sans méconnaître le droit fondamental de manifester.