Le commerce extérieur est un secteur stratégique pour l'économie française. La France est aujourd'hui le sixième exportateur mondial de biens et services, et les exportations s'élèvent à près de 30 % de son produit intérieur brut. Pourtant, les chiffres du commerce extérieur pour l'année 2016 ne sont pas à la hauteur des attentes. Ainsi, le solde des échanges de biens se dégrade de 3,1 milliards en 2016, après avoir déjà baissé de près de 30 % en quatre ans. Le déficit des échanges de biens et services augmente pour la première fois depuis cinq ans et les soldes des secteurs traditionnellement moteurs du commerce international français s'érodent.
Dans ce contexte, je ne peux que regretter la diminution des crédits alloués au commerce extérieur : je prendrai pour seul exemple la subvention pour charges de service public versée à l'opérateur Business France. Les crédits qui lui sont alloués à l'opérateur baissent de 2,8 %, passant de 98,1 à 95,3 millions d'euros, poursuivant un mouvement engagé depuis 2015, qui a conduit à une diminution de 9,5 % en trois ans. Le plafond d'emplois de Business France diminue également, de dix ETP par rapport à 2017. Nous ne pouvons que déplorer cette réduction des moyens humains et financiers, au moment même où le besoin d'un soutien public est particulièrement explicite.
Le rapport que j'ai conduit s'est centré sur le sujet essentiel du rôle que peuvent jouer les grands ports maritimes métropolitains dans le commerce extérieur français. En effet, le transport maritime a une place cruciale dans le développement du commerce international : il assure près de 90 % des échanges mondiaux, 60 % du transport intra-européen et 78 % des importations françaises. De plus, le secteur portuaire assure, depuis 2013, une contribution positive à la balance commerciale. Les entreprises et services de l'industrie maritime représentent plus de 100 000 emplois directs et indirects en France et une valeur ajoutée de 1 500 milliards d'euros.
Pourtant, le modèle économique portuaire est à bout de souffle. Alors que nos ports disposent d'atouts considérables, leur potentiel est sous-exploité car leur compétitivité est en déclin. La France, avec cinq millions de conteneurs manutentionnés, n'occupe que le septième rang européen et son trafic a diminué de 0,3 % entre 2015 et 2016.
Au final, un conteneur sur deux arrivant en France passe par un port étranger ! Ceci est proprement inacceptable, car le manque à gagner est considérable. Cinq millions de conteneurs détournés représentent une perte de 4,3 milliards de valeur ajoutée et de 30 000 à 50 000 emplois, pour des produits qui, quoi qu'il arrive, sont importés avant d'être consommés en France. Sont également perdues les taxes douanières, reversées à l'Union européenne, mais dont 25 % sont restitués à l'État d'arrivée de la marchandise.
C'est pourquoi, il est aujourd'hui indispensable de concevoir une politique portuaire ambitieuse et réaliste, au profit de notre commerce extérieur. Mon rapport fait plusieurs suggestions : l'État doit développer une véritable stratégie portuaire nationale, dont la dimension « terrestre » doit être le pivot. Il est en effet essentiel et urgent d'améliorer la desserte des infrastructures portuaires, qui, par sa faiblesse, leur fait perdre un grand nombre de clients potentiels. Il faut également que les pouvoirs publics garantissent une équité dans la réglementation imposée aux ports par rapport à leurs équivalents européens, et simplifie l'ensemble de l'environnement législatif et réglementaire, qui les pénalise et les ralentit dans leurs projets d'investissements. Enfin, l'État doit, dans les négociations que l'Union européenne conduira avec les autorités britanniques, veiller à protéger l'économie portuaire des conséquences lourdes que pourrait avoir le Brexit.
Les ports français, pour leur part, doivent veiller à se coordonner les uns avec les autres et mettre fin à la logique de concurrence qui prévaut entre eux, pour laisser place à une logique de complémentarité. Ils peuvent, également, déployer des initiatives pour pallier les lacunes des réseaux de transport, au travers d'opérateurs ferroviaires portuaires. C'est enfin à eux qu'il revient de poursuivre et d'accélérer la transition numérique et écologique, pour développer des systèmes de transmission de données ou des ports à énergie positive. Ils ont toutefois besoin, pour l'ensemble de ces actions, du soutien des pouvoirs publics.
À ces conditions, la valeur ajoutée produite par l'économie maritime française pourra effectivement doubler à l'horizon 2030, comme l'OCDE l'annonce pour l'économie maritime mondiale.
J'aurai donc trois questions. Comment comptez-vous protéger l'économie portuaire dans le cadre des négociations sur le Brexit ? Quelle est la stratégie de l'État en faveur du déploiement d'un réseau ferroviaire et fluvial permettant d'évacuer rapidement les marchandises sur le territoire et de regagner les parts de marché perdues ? L'économie portuaire, particulièrement soumise aux contraintes administratives, sera-t-elle concernée par le projet de loi « droit à l'erreur et simplification » ?