On reviendra peut-être au cours de notre débat sur les fonctions de l'inspection du travail et la façon dont il faudrait la rapprocher du terrain au lieu de l'en maintenir éloignée, dans les bureaux, mais c'est une autre question.
L'esprit qui préside à cette discussion tend à amoindrir l'importance de la loi, considérant qu'il est préférable que les discussions se passent au niveau de l'entreprise. Apparaît en filigrane un retrait de l'État au profit de négociations directes entre salariés et patrons.
Je voudrais rappeler les fortes réticences qui se sont manifestées dès l'origine de l'inspection du travail. Dans votre première intervention, madame la ministre, vous avez cité le rapport Villermé, qui concerne notamment le travail des enfants, et qui a précédé la création de l'inspection du travail. Comment ont alors réagi les entrepreneurs et les députés qui les représentaient ? Je cite le député de Beaumont qui, en 1841, disait devant l'Assemblée nationale : « C'est le premier pas que nous faisons dans une voie qui n'est pas exempte de périls. C'est le premier acte de réglementation de l'industrie qui, pour se mouvoir, a besoin de liberté. » Il poursuit : « L'inspection du travail serait encore plus dangereuse que les grèves. Il ne s'agit aujourd'hui que des enfants en bas âge mais, soyez-en sûrs, un temps long ne s'écoulera pas sans qu'il s'agisse aussi de réglementer le travail des enfants. »
Chers parlementaires, il ne faudrait pas que vous soyez malgré vous les Beaumont d'aujourd'hui et que ce projet de loi prive la loi et l'État de leur rôle de tampons entre les entrepreneurs et les salariés !