Intervention de Philippe Gosselin

Séance en hémicycle du jeudi 1er octobre 2020 à 15h00
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gosselin :

Soyons raisonnables et assumons pleinement notre rôle, tout particulièrement dans une période comme celle-ci ! Il n'y a rien de scandaleux à vouloir trouver un juste équilibre entre restriction et protection de nos libertés, entre protection de nos concitoyens et protection de nos libertés publiques, de nos valeurs républicaines.

Les tribunaux, fort heureusement, font de même. À différentes reprises, le Conseil d'État a rendu des décisions sur des mesures portant atteinte aux libertés individuelles. Le 18 mai, s'agissant des rassemblements dans les lieux de culte, il a rappelé la nécessité d'édicter des mesures strictement proportionnées au risque sanitaire et appropriées. Le 13 juin, il a suspendu l'interdiction générale et absolue de manifester, ce qui n'est pas rien. Le 6 juillet, il a suspendu le décret instaurant une autorisation préalable avant d'organiser une manifestation. Pourtant, dans les jours ou les semaines qui avaient précédé, on nous avait dit : « Dormez, braves gens ! Il n'y a pas de problème, puisqu'on vous le dit ! » Eh bien non, puisque le Conseil constitutionnel comme le Conseil d'État ont émis plusieurs réserves. Ce n'était pas aussi transparent.

Par ailleurs, s'agissant du dispositif SI-DEP – système d'information de dépistage – , du téléservice Contact Covid et de la protection des données personnelles, on nous assure que globalement tout va bien. C'est ce qu'a dit la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, dans son avis du 10 septembre. Mais comme toujours, le diable est dans les détails. En réalité, ce n'est pas si simple. Dans une décision du 19 juin 2020, le Conseil d'État mettait ainsi le Gouvernement au pied du mur en ce qui concerne la plateforme des données de santé « Health data hub ». Des difficultés demeurent, sur lesquelles la CNIL va se pencher. Vous savez très bien que les questions sur les modalités de pseudonymisation et d'appariement ne sont que reportées et loin d'être réglées. Là encore, ce sont nos données personnelles, nos données de santé qui sont en jeu. Ce n'est pas rien.

Oui, sur de nombreux sujets, contrairement à ce qui est affirmé haut et fort, nos libertés sont bien en jeu. La Défenseure des droits, Claire Hédon, ne s'y est d'ailleurs pas trompée : la semaine dernière, elle a sonné l'alerte, une alerte claire « contre une atteinte disproportionnée aux libertés ». Si celle qui est à la tête de cette institution constitutionnelle s'exprime ainsi, c'est sans doute qu'elle peut se fonder sur quelques éléments. Ceux que nous évoquions vont dans le même sens. Elle met aussi ses pas dans ceux qui ont le souci de la protection des libertés.

Assumons donc notre rôle, disais-je ! Le ministre, la semaine dernière, affirmait qu'il fallait un dispositif pérenne pour gérer l'état d'urgence et qu'un texte en ce sens était prévu pour le mois de janvier. Dans ces conditions, les six mois prévus par le présent projet de loi paraissent un délai très long ! Il faut des rendez-vous d'évaluation, des rendez-vous démocratiques. Voilà pourquoi, avec mes collègues du groupe Les Républicains, nous proposons de ne pas aller jusqu'au 1er avril 2021, comme il est proposé, mais, dans un premier temps, jusqu'au 10 janvier. Cela permettrait d'enjamber sans difficulté les fêtes de fin d'année, propices à de nombreuses rencontres familiales et amicales, qui peuvent être des cocktails de virus.

Il se trouve aussi que cette période de six mois inclurait les élections régionales et départementales. Nous souhaiterions éviter que ces élections soient perturbées. J'ai bien noté qu'une loi est nécessaire pour les suspendre ou les reporter, mais qu'en serait-il si les réunions ne pouvaient se tenir, si la campagne ne pouvait être menée et si les électeurs ne pouvaient tranquillement accomplir leur devoir électoral ? Évitons le fiasco du 15 mars 2020, autrement dit du premier tour des élections municipales, qui est resté dans la tête des Français.

Nous sommes responsables – comme disait Saint-Exupéry, « chacun est seul responsable de tous » – et nous l'avons démontré au sein de notre groupe politique. Nous n'évacuons pas ce que vous proposez d'un revers de main, mais nous trouvons que c'est trop long et trop attentatoire aux libertés publiques et individuelles. Voilà pourquoi nous devons débattre des dispositifs. Voilà pourquoi nous devons revoir les délais. Sachez, monsieur le ministre, que nous sommes prêts à vous accompagner et à travailler en bonne intelligence avec vous pour lutter collectivement contre le covid, mais en adaptant notre droit, en fixant des rendez-vous réguliers.

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