Intervention de Marie-Noëlle Battistel

Séance en hémicycle du mercredi 7 octobre 2020 à 15h00
Adaptation au droit de l'union européenne en matière économique et financière — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Noëlle Battistel :

L'hétérogénéité des dispositions du texte d'adaptation au droit de l'Union européenne qui nous occupe cet après-midi porte préjudice à la compréhension de la loi et à la transparence des débats. Nous estimons que les quinze directives et onze règlements européens dont il traite méritent mieux qu'un texte balai composé de dispositions portant sur des domaines qui n'ont pas grand-chose à voir les uns avec les autres : protection des consommateurs, douanes, système financier et lutte contre le blanchiment de capitaux ou le financement du terrorisme, gestion du fonds européen agricole pour le développement rural, Autorité de la concurrence, droits d'auteur et droits voisins, médecine vétérinaire, etc. Ce projet de loi n'est en effet justifié que par la nécessité de respecter les délais de transposition impératifs de textes européens, dont certains sont dépassés de plus de trois ans. Il met en lumière, dans certains cas, les retards de l'action du Gouvernement en matière d'intégration des directives et règlements européens en droit français.

Outre que ce projet de loi escamote le débat, il ne procède pas, dans la plupart des cas, à une transposition législative en bonne et due forme, dans la mesure où il recourt à de nombreuses ordonnances : quatorze articles sur vingt-huit demandent une habilitation. Le Sénat en première lecture en a d'ailleurs retoqué certaines ou a réduit leur champ d'application initial, considérant qu'il était beaucoup trop large. Cette place prépondérante laissée au pouvoir réglementaire ne plaide pas en faveur de la publicité des débats et de la démocratisation des enjeux liés à l'Union européenne.

Même si la plupart des transpositions et adaptations proposées ne font pas difficulté, un certain nombre de dispositions posent néanmoins problème et auraient mérité un véritable débat parlementaire sur un projet de loi dédié. Le recours aux ordonnances est d'autant plus critiquable que, dans plusieurs cas, l'habilitation à légiférer ne se justifiait pas par une urgence particulière, la date de forclusion du délai de transposition en droit national étant relativement lointaine.

Le contenu de certains articles n'est pas non plus sans poser problème. Je m'arrêterai plus particulièrement sur deux d'entre eux.

D'abord, à l'article 13, le Gouvernement demande à être habilité, pour une durée de douze mois, à transposer par ordonnance la directive 20192034 concernant la surveillance prudentielle des entreprises d'investissement. L'objectif principal de cette transposition est l'encadrement des pratiques de rémunération des preneurs de risques et des dirigeants effectifs. Cette directive aura pour principal effet d'améliorer les conditions de rémunération des preneurs de risque et des dirigeants effectifs des entreprises d'investissement : la part variable qui vient compléter la part fixe de cette rémunération sera dorénavant déplafonnée. On peut s'interroger sur l'option de l'habilitation à légiférer par ordonnance choisie par le Gouvernement pour transposer ces dispositions qui revêtent une importance économique non négligeable. Il convient de souligner en effet que l'attrait de rémunérations importantes n'est pas sans incidences sur les comportements des acteurs de marché susceptibles de se révéler à risque. L'attrait de fortes rémunérations peut en effet constituer une incitation à des pratiques à risque contraire à la stabilité ou l'éthique financière. L'approche de la Commission européenne, consistant à découpler les règles des banques et celles des entreprises d'investissement ne se justifie donc pas sur ce point. Une telle transposition aurait mérité un véritable débat parlementaire.

Quant à l'article 18, relatif aux règles zootechniques, qui tend à libéraliser le secteur de la génétique animale aux fins d'élevage, il pose problème du fait des risques qu'il entraîne pour la biodiversité animale. L'étude d'impact met en relief les dangers de la libéralisation du secteur, qui pourrait « conduire à la disparition de races locales, menacées ou peu productives, qui constituent une richesse importante du patrimoine national, sans présenter un intérêt économique immédiat suffisant pour le secteur privé ».

Compte tenu de la nature de ce texte et du contenu de ces deux articles, le groupe Socialistes et apparentés s'abstiendra sur le projet de loi.

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