Lors de son allocution annonçant l'instauration d'un couvre-feu, le 14 octobre dernier, le Président de la République indiquait que cette disposition concernait certains points du territoire pour quatre semaines et qu'il demanderait au Parlement la possibilité de la prolonger jusqu'au 1er décembre, ce qui permettait de couvrir une durée totale de six semaines. Finalement, vous venez bien devant nous, mais c'est pour nous demander de vous signer un chèque en blanc et d'instaurer un régime dérogatoire pour six mois.
Tout d'abord, je note une certaine « distorsion » entre la parole du Président de la République et le projet de loi que nous examinons. Ensuite, parce que l'épidémie évolue de façon erratique et qu'elle nous réserve malheureusement de nombreuses surprises, je crois, comme d'autres collègues, qu'il serait beaucoup plus sain et respectueux des prérogatives du Parlement de n'accorder d'autorisation que pour des délais beaucoup plus courts, de demander au Gouvernement de revenir devant nous, et d'exercer notre contrôle. Cela permettrait en particulier que les décisions de l'exécutif, après avoir fait l'objet de débats, suscitent davantage la confiance de la population. Nous serions ainsi plus efficaces dans la lutte contre le covid-19.
D'une manière générale, je nous invite collectivement à réfléchir. Il y a eu l'état d'urgence en raison du terrorisme, nous avons l'état d'urgence en raison de la crise sanitaire, et nous ne pouvons pas exclure que demain, dans un monde de plus en plus tumultueux, se déclarent de grandes crises, qu'elles soient climatiques ou sociales : une démocratie, un État de droit sont-ils armés pour affronter la période actuelle ou faut-il renoncer à ces acquis ? Il ne faut en tout pas que l'on nous accoutume insidieusement à le faire. Le sujet est assez grave pour que nous l'abordions.