Quand on lit l'article 6, rédigé dans cette langue délicieuse et d'une élégance indépassable – le jargon –, on n'y comprend d'abord rien. Puis on comprend qu'il vous autorise, par ordonnances, à toiletter le code du travail. De quoi s'agit-il ? D'accorder les verbes avec les sujets ? Non, ce n'est pas cela ! Je rappelle, madame la ministre, que les ordonnances sont une procédure tout à fait exceptionnelle, qui vous donne un pouvoir tout à fait exceptionnel lui aussi.
Vous avez essayé d'arrondir les angles, monsieur le rapporteur : c'est votre qualité. Mais là, tout de même, cela ne suffit pas ! Vous nous dites qu'il s'agit de corriger les incohérences qui pourraient avoir surgi. Vous le dites, qui plus est, de façon très courtoise, très aimable ; on a envie de dire : « Mais il a raison, cet homme ! » Mais enfin, il s'agit tout de même de repeigner tout le code du travail, et le Gouvernement veut le faire de son côté, sans que la représentation nationale ait rien à y dire ! Le Gouvernement interprétera tout seul les deux ou trois dernières lois en la matière, qui ont modifié tout le code du travail, et décidera à l'avenir de la manière dont seront articulés les différents articles. Ce n'est pas rien !
Ce n'est pas une simple question de rédaction, car il ne s'agit pas d'un texte comme un autre, il s'agit du code du travail ! Nous vivons donc un moment extraordinaire : notre assemblée se prépare à donner à une poignée de gens le pouvoir de réorganiser seuls le code du travail, sans aucun contrôle. Je dis bien : sans aucun contrôle, car au moment où nous sera soumis le projet de loi de ratification, vous ne pourrez voter que pour ou contre, vous ne pourrez pas vous prononcer sur le détail des modifications qui auront été opérées sur le code du travail. Vous devrez dire oui ou non, en bloc, à un exercice qui sera mené par une poignée de personnes que vous ne connaissez pas – car ce ne sera peut-être même pas Mme la ministre qui s'en chargera, quoiqu'elle en porte la responsabilité politique. Ces quelques personnes, à elles seules, pourront ainsi modifier tout le code du travail.