Nous traversons une période difficile. Dans un contexte tragique, marqué par de nouvelles attaques terroristes, nous devons réitérer notre engagement sans faille pour agir avec fermeté contre le terrorisme, dans le respect de la séparation des pouvoirs, tout en préservant les droits fondamentaux qui constituent le socle de notre République. Nous ne pouvons ignorer l'ampleur de la menace qui pèse sur le territoire et la nécessité de prévenir les attentats, pour protéger nos concitoyens. Il apparaît fondamental cependant, dans cette période si complexe, de maintenir les équilibres de notre État de droit, afin de renforcer et non affaiblir l'édifice démocratique auquel nous sommes tous attachés.
Or ce n'est pas le chemin que nous prendrions en prorogeant les mesures de la loi SILT. Alors que celles-ci devaient prendre fin au 31 décembre 2020, le Gouvernement entend pérenniser des dispositifs de renforcement du pouvoir exécutif, avec l'extension des pouvoirs de police administrative.
Prenant prétexte des circonstances sanitaires exceptionnelles résultant de l'épidémie de covid-19, le Gouvernement considère qu'il est « difficile [d'examiner] en temps utile [… ] un projet de loi spécifique portant sur les conditions de la pérennisation ou de la suppression de ces mesures ». Il est ainsi demandé à la représentation nationale de proroger, en procédure accélérée – sans bilans détaillés et exhaustifs de l'efficacité de nos outils législatifs de lutte contre le terrorisme – , des mesures préventives, ordonnées sur la base de simples soupçons, restrictives de libertés, décidées par l'autorité administrative et dérobées, pour la plupart, au contrôle du juge judiciaire.
Cette méthode n'est pas acceptable. Elle l'est d'autant moins que l'exigence d'une évaluation a été maintes fois rappelée, que ce soit par la Commission nationale consultative des droits de l'homme ou encore récemment par la rapporteure spéciale des Nations unies sur la promotion et la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste.
Déjà en 2018, lors de l'examen périodique universel de la France à l'Assemblée générale des Nations unies, plusieurs États s'étaient également inquiétés du manque de respect des droits humains dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et avaient insisté sur la nécessité de mettre en place un mécanisme indépendant de suivi. Ces recommandations n'ont pas fait l'objet d'un tournant dans la politique menée.
Les dispositifs qu'il s'agit maintenant de proroger sont des instruments de police administrative : les périmètres de protection, la fermeture temporaire des lieux de culte, les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, les visites domiciliaires et saisies. Comme l'a souligné le Conseil national des barreaux dans sa motion du 3 juillet 2020, ces dispositifs sont très intrusifs et ont des conséquences très lourdes pour les personnes visées.
Les mesures s'apparentant à des assignations à résidence et à des perquisitions contrôlées par l'administration contournent la procédure judiciaire et les droits de la défense. Ces dispositifs, institués par la loi SILT, ont ancré dans le droit commun les pouvoirs spéciaux de l'état d'urgence. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine s'était alors fermement opposé à cette loi de normalisation de l'état d'urgence, avec l'ensemble des associations de défense des droits de l'homme, de nombreux experts, des organisations internationales et des autorités administratives indépendantes. Nous avions alors alerté sur les risques et les dérives de la banalisation de mesures d'exception de nature à fragiliser l'État de droit et l'exercice des libertés fondamentales.
Nous nous opposons maintenant, en toute cohérence, à la prorogation de ces dispositifs d'exception ainsi qu'à la prorogation de l'expérimentation de la technique de recueil de renseignement dite « de l'algorithme ». Nous nous interrogeons toujours sur l'utilité de ce durcissement de l'arsenal répressif et administratif, sans évaluation de son efficacité.
Aujourd'hui comme hier nous considérons que notre État de droit ne peut s'accoutumer aux atteintes aux libertés et droits fondamentaux, ni accepter les dérives causées par ces dispositifs dérogatoires. Pour toutes ces raisons, le groupe GDR, en conscience, votera contre ce texte.