Intervention de Ludovic Mendes

Séance en hémicycle du lundi 16 novembre 2020 à 16h00
Prorogation de mesures du code de la sécurité intérieure — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLudovic Mendes :

La loi de 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite « SILT », a permis une sortie maîtrisée du régime de l'état d'urgence mis en place après les attentats du 13 novembre 2015, à Paris. Cette sortie progressive s'est faite grâce à des outils qui, depuis lors, ont fait leurs preuves : l'établissement de périmètres de protection, mesure très utilisée et bien reçue par la population ; la fermeture très encadrée de certains lieux de culte incitant à la violence, à la haine et à la discrimination ; la mise en place de mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance ; enfin, les visites domiciliaires et saisies, qui ont déjà permis de déjouer un attentat et d'engager des poursuites judiciaires pour faits de terrorisme.

Ces outils ont ainsi permis d'empêcher plusieurs actions terroristes et garantissent la connaissance et la surveillance d'individus potentiellement radicalisés. Ces mesures assurent une meilleure prévention des risques terroristes et une meilleure protection des Français face à cette réalité. Cette loi a également permis la prorogation d'une technique de renseignement par traitements automatisés, mise en place par la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement. Ainsi, le Premier ministre, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, peut autoriser qu'il soit imposé aux opérateurs de communications électroniques et aux fournisseurs de services sur internet, la mise en oeuvre sur leurs réseaux de traitements automatisés destinés à détecter des connexions susceptibles de révéler une menace terroriste.

En 2017, lorsque la loi a été votée, compte tenu de leur caractère novateur, de l'accroissement des pouvoirs de police et des contraintes aux libertés que ses mesures peuvent représenter, afin de pouvoir garantir la sécurité de chacun, nous avons souhaité limiter dans le temps l'application possible de différents dispositifs. La date alors prévue avait été fixée au 31 décembre 2020, et nous avions prévu de réévaluer les dispositifs entre-temps.

Malheureusement, les crises sanitaire et sociale actuelles obligent le Parlement à réagir plus rapidement. Désormais, la date du 31 juillet semble la plus opportune, en espérant qu'une autre crise sanitaire majeure n'intervienne pas d'ici là. En outre, le Gouvernement s'est engagé à nous soumettre un texte d'ici à l'été afin d'inscrire dans le droit commun les dispositifs concernés qui viendront parfaire l'arsenal juridique, punitif, de renseignement et de surveillance déjà mis en place.

Par ailleurs, les décisions très récentes de la Cour de justice de l'Union européenne à propos du régime de conservation des données par les opérateurs ont conduit le Gouvernement à revoir le calendrier envisagé à l'Assemblée nationale pour examiner les conséquences qu'il conviendrait d'en tirer dans la loi.

Il est regrettable que nous n'ayons pas pu trouver un accord avec le Sénat, alors que nous partageons la même exigence pour la sécurité de nos concitoyens. Toutefois, je ne doute pas que les compromis récents, notamment sur la date, permettront d'arriver à un accord entre les deux chambres. Une telle réévaluation est plus que jamais d'actualité car ces mesures restent éminemment nécessaires. Les récents attentats de Conflans-Sainte-Honorine et de Nice nous rappellent que la menace terroriste en France est très élevée. La crise sanitaire qui a mobilisé les esprits et le travail des parlementaires depuis le début de l'année ne doit pas nous faire oublier ou négliger le risque majeur que représente le terrorisme pour la nation.

Les différents rapports d'application de la loi présentés au Parlement ont témoigné du grand intérêt de ces quatre mesures grâce à leur utilisation raisonnée, leur apport opérationnel et la qualité juridique des décisions prises en conséquence.

En ce qui concerne la technique de renseignement par traitements automatisés, dans un rapport rendu en juin 2020, les corapporteurs Loïc Kervran et Jean-Michel Mis ont souligné « des résultats intéressants » et « très prometteurs ». La mission d'information a ainsi jugé « nécessaire de proroger la technique de l'algorithme ».

Pendant que certains tentent de revêtir la redingote présidentielle, je tiens à faire observer que la majorité parlementaire a proposé des textes complémentaires pour lutter contre la radicalisation et le terrorisme.

C'est tout l'enjeu de la proposition de loi de notre collègue Laetitia Avia contre la haine en ligne. Il n'est à plus à démontrer que les discours haineux sur les réseaux sociaux amplifient notamment l'influence des islamistes et peuvent déclencher un passage à l'acte terroriste chez des personnes radicalisées. La crise sanitaire et l'usage intensifié des réseaux sociaux ont entraîné une explosion de ces contenus haineux.

De même, la proposition de loi de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois, et de M. Raphaël Gauvain, visait à instaurer des mesures de sûreté applicables, à leur sortie de prison, aux personnes condamnées pour des infractions terroristes. Certes, le Conseil constitutionnel a limité ces dispositifs mais ne les a pas censurés sur le fond puisqu'il n'a pas remis en cause le rôle du législateur pour « prévenir la commission d'actes troublant l'ordre public ». La majorité ne renoncera jamais à apporter des solutions efficaces. Ces décisions du Conseil constitutionnel doivent pouvoir constituer une feuille de route pour améliorer des dispositifs que nous savions inédits et donc perfectibles.

Enfin, en février dernier, le Président de la République a signé une ordonnance visant à lutter contre le financement des activités terroristes, avec l'obligation, pour de nombreuses professions, de déclarer à TRACFIN – traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins – les opérations qui leur semblent litigieuses.

C'est donc pour continuer dans ce sens et conserver notre vigilance face à la menace terroriste qu'il est nécessaire de voter pour cette prorogation. Il est primordial de disposer de toutes les capacités nécessaires pour continuer à protéger les Français contre ces dangers encore beaucoup trop présents dans le pays.

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