Intervention de Sébastien Nadot

Séance en hémicycle du lundi 16 novembre 2020 à 16h00
Prorogation de mesures du code de la sécurité intérieure — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Nadot :

Sécurité, sécurité intérieure, sécurité globale : oui, la sécurité est bien une exigence sociale légitime, et notre pays vit une épreuve très difficile. Le présent projet de loi vise à proroger les mesures en vigueur depuis octobre 2017 relatives au renforcement de la sécurité intérieure et de la lutte contre le terrorisme. Il s'agit de maintenir dans le droit commun des dispositions qui étaient jusqu'alors d'application exceptionnelle puisque issues de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, ce qui n'est pas rien.

On peut y voir une adaptation nécessaire aux réalités des menaces contemporaines, pourvu que la mise en oeuvre de ce cadre juridique continue d'être strictement observée et respecte l'équilibre entre efficacité de la lutte antiterroriste et protection des droits et libertés constitutionnellement garantis. Mais c'est bien là que ce projet de loi pose problème, car il participe d'une dynamique sécuritaire globale préoccupante qui imprègne l'ensemble des lois portées par le Gouvernement. Museler le journalisme d'investigation et faire régner le nouvel ordre sécuritaire de la surveillance par drones, interdire l'accès aux librairies mais aussi interdire de filmer l'action des forces de l'ordre : comment s'appelle ce nouveau monde ?

Si certaines privations de liberté peuvent s'entendre par ces temps de pandémie, comment ne pas s'inquiéter de cette dynamique sécuritaire, qui se retrouve même dans la loi de programmation de la recherche, qui va jusqu'à pénaliser les manifestations dans les établissements scolaires ? Trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende pour de l'agitation estudiantine : il faut détester notre histoire ou la méconnaître pour lui faire pareille insulte…

Partout, au nom de la sacro-sainte sécurité, les autorités civiles restreignent ainsi les libertés de circuler, de se réunir, de manifester, de faire du commerce, d'expression artistique, de la presse, de l'exercice des cultes, et même d'aller ramasser les champignons. Dans le même temps pourtant, les principaux facteurs d'insécurité ne font l'objet d'aucun traitement particulier : pauvreté, précarité économique croissante, creusement des inégalités, désastre écologique, appauvrissement de services essentiels pour nombre d'entre nous, services de santé, d'éducation et de recherche notamment.

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