Le projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental a été adopté successivement par l'Assemblée nationale et le Sénat en première lecture sur la base d'un constat que nous partageons tous : il est nécessaire de réformer cette institution, qui, depuis longtemps, ne remplit plus véritablement la mission que lui a confiée le constituant, à savoir représenter un trait d'union entre la société civile organisée et les pouvoirs publics.
La commission mixte paritaire – CMP – , qui s'est réunie le 30 octobre dernier, a toutefois échoué à proposer un texte sur les dispositions restant en discussion. Nous sommes en effet en désaccord avec le Sénat sur certains points importants du texte, mais cela ne doit pas nous empêcher de nous inspirer de ses travaux et de traduire par nos votes les points d'accord qui ont été trouvés. La commission des lois a ainsi repris en nouvelle lecture de nombreux apports de nos collègues sénateurs dans le cadre d'un dialogue constructif, qui témoigne de l'utilité de la navette.
Parmi les points sur lesquels nos deux assemblées convergent et qui se retrouvent dans le texte que nous examinons aujourd'hui, je citerai notamment le maintien de la suppression des personnalités qualifiées de la composition du CESE, proposé à l'article 7. Cette réforme redonne toute leur place aux représentants des différentes activités de notre pays : ce sont eux qui fondent la légitimité de cette institution, et nous leur redonnons la main pour formuler les préconisations utiles au débat public.
Nous sommes également d'accord sur l'amélioration de certaines procédures, dont celle d'adoption simplifiée des avis : notre commission a repris intégralement les précisions apportées par le Sénat à l'article 5.
Le Sénat a aussi poursuivi nos travaux sur les règles de déontologie qui devront s'appliquer aux membres du CESE comme aux personnalités extérieures participant à ses travaux. Nous sommes là encore parfaitement en accord sur la finalité, et notre commission a repris les dispositions adoptées par le Sénat, sous réserve de la réintroduction du rapport d'activité annuel des membres du CESE. Je salue, à ce titre, le travail de Mme Laurianne Rossi, qui s'est beaucoup investie sur ce sujet et a permis d'arriver à ce résultat.
Enfin, réelle avancée, nos deux assemblées s'accordent sur la nécessité de redonner du sens à la saisine par voie de pétition du CESE, qui constitue la saisine citoyenne introduite dans la Constitution lors de la révision de 2008. En l'état, nous savons tous que cette dernière ne fonctionne pas. Le seuil de 500 000 signatures est trop élevé et les conditions de dépôt des pétitions sont dépassées. Par conséquent, au-delà de leur dématérialisation que nous entérinons, nous avons abaissé ce seuil à 150 000 signataires en première lecture.
En commission, nous avions également adjoint un critère géographique de domiciliation dans au moins trente départements pour exclure les sujets locaux, qui ne relèvent pas de la compétence du CESE. Un débat s'est tenu en première lecture dans cet hémicycle pour savoir si cet équilibre était le bon : ce critère a finalement été supprimé pour laisser une plus grande opportunité aux citoyens de saisir le CESE. C'est donc le Conseil qui devra apprécier s'il s'agit d'un intérêt national ou d'un sujet local sur lequel il ne serait pas compétent. Dans ce cas, le dialogue renforcé que nous instituons avec les CESER permettra sans doute d'orienter les pétitionnaires vers les instances de consultation locales appropriées.
Par ailleurs, ce droit serait ouvert dès l'âge de seize ans et non plus à compter de celui de la majorité. Cela traduit l'ambition de la majorité et du Gouvernement de mieux associer les jeunes à notre démocratie. J'espère qu'ils seront nombreux à s'en saisir et je salue le fait que le Sénat ait accepté cette évolution dans son ensemble.
Nous nous accordons donc sur plusieurs points importants, ainsi que sur plusieurs améliorations rédactionnelles sur lesquelles je ne reviens pas.
En revanche, nous divergeons sur des sujets essentiels qui justifient cette réforme : la participation de citoyens aux travaux du CESE et la subrogation, que vous avez évoquée, monsieur le garde des sceaux, de celui-ci à certains organes consultatifs.
Comme je l'ai indiqué à nos collègues sénateurs, pour que le CESE se réforme, trouve sa place au sein de nos institutions, soit mieux connu et mieux utilisé, il nous faut faire bouger certaines lignes, sous peine de priver cette réforme de toute portée. Dans cette optique, la commission des lois est revenue sur plusieurs dispositions.
L'article 4, qui pose les conditions de participation du public aux travaux du CESE en prévoyant des garanties importantes, a été rétabli. Les principes de sincérité, d'égalité, de transparence et d'impartialité seraient ainsi inscrits dans la loi organique, ainsi que les garanties de bonne information des participants, de représentativité des panels sélectionnés et de reddition des comptes.
Je rappelle que le CESE recourt déjà la participation citoyenne, ainsi qu'au tirage au sort. Que nous l'inscrivions ou non dans la loi n'y changera rien. En revanche, nous en fixons les règles et nous en sécurisons les conditions d'organisation.
Deux précisions ont également été apportées. La première vise à ce que les conditions de représentation équilibrée du territoire, et de parité, ne s'appliquent qu'aux consultations par tirage au sort. Une telle obligation ne pourrait s'appliquer à une consultation en ligne par exemple. La seconde prévoit que lorsque le CESE décide de recourir au tirage au sort, il nomme des garants pour s'assurer du respect des garanties que nous avons introduites à l'article 4 ; ceux-ci seront tenus à une obligation de neutralité et d'impartialité.
Nous avons fait sur l'article 4 un travail de fond qui était attendu par de nombreux acteurs et nous apportons les moyens de réellement garantir le bon déroulement des consultations à l'avenir.
Nous avons également rétabli l'article 6, qui permet au CESE de se substituer aux autres instances de consultation, sous réserve des exceptions importantes que nous avons introduites en première lecture, comme vous l'avez rappelé, monsieur le garde des sceaux. Toutefois, pour ne pas perdre une expertise utile, la commission a complété cet article, de manière à permettre au CESE de consulter les instances compétentes sur les thématiques abordées par les projets de loi dont il serait saisi.
Enfin, concernant l'article 7, nous avons débattu de la meilleure façon d'assurer la représentation des outre-mer au sein du CESE. J'avais proposé de rétablir les onze représentants des outre-mer, en plus des 175 membres prévus par la réforme. Il m'avait semblé, après de longues réflexions et de nombreux échanges avec les parties concernées, que c'était la solution la plus simple. Toutefois, j'en ai aussi mesuré certains inconvénients : elle revenait sur l'un des grands équilibres de la réforme et sur les concertations qui se sont déroulées au sein du CESE pour la préparer. Le groupe La République en marche et vous-même avez proposé une solution de compromis qui me semble plus sécurisante pour les outre-mer que la situation issue de notre première lecture ; je tenais à vous en remercier.
Voilà, mes chers collègues, le point d'équilibre que notre commission a adopté. Il ne s'agit donc pas de rétablir le texte de l'Assemblée nationale sans considération pour les travaux du Sénat, bien au contraire. Je félicite à nouveau sa rapporteure, Mme Muriel Jourda, pour le travail réalisé, dont nous nous sommes largement inspirés pour renforcer encore les dispositions restant en discussion.